B to B : quels outils pour la relation ?
Entrer en relation avec ses clients professionnels nécessite des outils de CRM qui, bien que similaires à ceux dont on se sert en B to C, n'en présentent pas moins des différences notables. La modélisation des données, l'adaptation aux obligations sectorielles, la spécificité de la cible sont certaines des contraintes que ces instruments doivent prendre en compte. Les progiciels sont au cœur de cette problématique, mais d'autres outils peuvent servir à améliorer la relation B to B, comme le traitement du courrier, les centres d'appels ou Internet.
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Qu'est-ce qui différencie la relation client vers les professionnels de
celle qui cible les particuliers ? Autrement dit, les outils nécessaires au CRM
B to B sont-ils différents de ceux employés en B to C ? A priori, la réponse
est non. Les fournisseurs de progiciels de front office, par exemple, ne
proposent pas de catalogues différents pour ces deux marchés. Pas plus que les
spécialistes de l'Internet ou du call center. Néanmoins, en affinant la
réflexion, on s'aperçoit que le B to B possède des caractéristiques
spécifiques, que les outils de CRM doivent prendre en considération.
Laurent Carrière (Siebel) :
“Réduire au maximum l'écart entre ce que
fait le progiciel et les besoins du client”.
D'abord, et de l'avis unanime des experts, la nature même du client B to B est
différente. Plus important en termes de valeur pour l'entreprise, le client
professionnel doit être traité différemment. « Dans une relation client
business to business, il y a beaucoup moins d'individus, on est plus proche du
one-to-one. Un identifiant unique, avec nom et adresse, suffit pour un
individu. Dans le cas d'un professionnel, il faut prendre en compte beaucoup
plus d'éléments, les contacts sont multipliés », pense Françoise Fogelman
Soulié, responsable du pôle gestion de la relation client chez Business &
Décision. Pour Alexandre Dayon, P-dg d'InStranet, « la nature même de la
relation est plus complexe. La variation va de un à cent entre B to C et B to B
en termes de complexité des interactions ». La question du volume des bases de
données est au cœur de la problématique CRM. En B to B, les bases sont moins
volumineuses, mais plus renseignées. La modélisation du client professionnel
est également différente selon les secteur. « Modéliser un client dans la
banque, ce n'est pas le même travail que dans l'industrie », précise ainsi
Jean-François Rolland, responsable du centre de compétences CRM chez Orga
Consultants. La structure même des données est différente en B to B, selon
Olivier Savouret, responsable CRM chez Valoris : « En B to C, le client est un
individu, issu d'une certaine catégorie socioprofessionnelle, le modèle est
celui de la relation de personne à personne. En business to business, on peut
avoir plusieurs centaines d'interlocuteurs au sein d'une structure unique qui
est l'entreprise. La vision du client est fondamentalement différente :
l'interlocuteur peut être décideur, acheteur, utilisateur, etc. Il est
important de savoir gérer ce paradigme dans le projet CRM. » À l'intérieur même
de ce segment des clients professionnels, on peut aussi faire une distinction
entre grands comptes et sociétés de taille moyenne, ce que l'on nomme le Mid
Market.
Des processus plus longs et plus sophistiqués
Pour les premiers, la personne en charge de cette cible sera gestionnaire de
quatre ou cinq comptes maximum. Dans le second cas, la tâche devient plus
complexe, avec des centaines d'entreprises à gérer. « Avec une cible Mid
Market, il faut pouvoir coordonner toutes ses actions », estime Nicolas Morel,
responsable CRM chez PA Consulting Group. Jean-François Rolland propose une
autre façon d'aborder les spécificités du CRM B to B, en le segmentant par type
d'actions. Le marketing décisionnel, par exemple, sera moins utile en business
to business, puisque ce marché est moins important en volume, mieux cerné et
les comptes bien ciblés. Côté marketing opérationnel, en revanche, il peut être
pertinent d'effectuer la distinction, le B to B nécessitant des fonctions
particulières. « Les progiciels de CRM doivent prendre en compte les
spécificités éventuelles, comme l'organisation d'événements ou la gestion de
portefeuilles », explique Jean-François Rolland. Quant à la vente, les
processus B to B sont plus longs et plus sophistiqués. « En business to
consumer, les process sont assez courts et le nombre d'acteurs limités »,
poursuit Jean-François Rolland. Les outils de CRM B to B doivent être, selon ce
consultant, multi-interlocuteur côté client, et multi-acteur côté entreprise.
Ces instruments peuvent être classés en deux groupes, selon Françoise Fogelman
Soulié : d'un côté, les systèmes de front office, qui englobent la force de
vente, le service client et les campagnes marketing. Les canaux utilisés par
cette catégorie sont le Web, le téléphone, les mobiles, le marketing direct et
le point de vente. De l'autre, les outils de back office, avec la base clients
et prospects, le data mining et le reporting. « Havas American Express, par
exemple, propose à ses clients entreprises un reporting sur tous les voyages
effectués par leurs collaborateurs, via le Web. Un vrai service à valeur ajouté
», estime Françoise Fogelman Soulié. Lorsque l'on évoque le CRM, on pense
d'abord aux progiciels de front office. Or, les spécialistes sont d'accord,
pour gérer une relation B to B, il faut s'équiper de systèmes “haut de gamme”.
« Il faut que ces logiciels soient assez riches dans leur modèle de données »,
estime Olivier Savouret. Ces progiciels peuvent aussi proposer des versions
verticalisées, c'est-à-dire être écrits et pensés pour des secteurs économiques
spécifiques. « Ces systèmes méritent d'être regardés avec attention », pense
Jean-François Rolland.
B to B to C
« Nous avons, par exemple, un module dédié à l'automobile, préparamétré pour cet ensemble de
process particuliers. L'objectif étant de réduire au maximum l'écart entre ce
que fait le progiciel et les besoins du client », détaille Laurent Carrière,
responsable avant vente Europe du Sud de Siebel. Même chose pour le domaine de
la santé, avec une version de la suite progicielle qui prend en compte le
circuit commercial particulier visiteurs médicaux/médecins/ pharmaciens. «
C'est un circuit compliqué, dans lequel il faut gérer l'ensemble des processus,
ainsi que les échantillons et les stocks », ajoute Laurent Carrière. Cette
verticalisation de son progiciel de front-office a permis à cet éditeur, issu
du monde de l'automatisation des forces de ventes (SFA, ou sales force
automation) de conquérir les grands comptes, dont les problématiques sont
souvent orientées business to business. Exemple avec Okélia, filiale de Renault
Véhicules Industriels, qui vend des pièces de rechange pour camions. Sa cible,
les garagistes, n'est pas encline à utiliser des canaux comme le Web. C'est
pourquoi Valoris, intégrateur de la solution, a mis en place un centre d'appels
équipé d'une plate forme téléphonique Alcatel, d'un middleware CTI Genesys et
du progiciel de CRM de Siebel, le tout intégré avec l'ERP de back-office SAP.
En fait, les stratégies réellement business to business n'existent pas, puisque
l'objectif est toujours de toucher le client final. C'est pourquoi les experts,
comme Olivier Savouret, préfèrent parler de “B to B to C” : « Il faut répondre
à l'enjeu suivant : que mes distributeurs vendent mieux au consommateur final
». Pour ce consultant, les outils CRM doivent remplir trois missions : mieux
connaître le client final, réduire la dépendance vis-à-vis des distributeurs,
fidéliser ces distributeurs. C'est ce qu'a fait Michelin, qui vend ses
pneumatiques à des professionnels comme les constructeurs automobiles ou les
garagistes, typiquement des acteurs du B to B, et qui a créé un service
consommateurs pour le grand public. Mais, en prodiguant aux consommateurs des
informations techniques et commerciales sur ses produits, le fabricant de pneus
augmente le niveau de satisfaction du client par rapport à la marque, et
améliore la perception de ses distributeurs. Ce service client s'est
matérialisé dans un centre d'appels avec ACD (distribution d'appels), CTI
(couplage téléphonie informatique) et progiciel de CRM (Conso +).
Le traitement du courrier, un poste oublié mais incontournable
Une des problématiques propre à la relation client
business to business, c'est la part prépondérante de la force de vente dans les
canaux de contact. En effet, un commercial coûte cher, et l'entreprise
privilégie ses clients les plus rentables pour leur envoyer des vendeurs. «
Dans les fonctions demandées à un progiciel de CRM, les sociétés mettent un
focus sur la force de vente », constate Françoise Fogelman Soulié. Nicolas
Morel met lui en exergue la nécessité de mettre en place des processus
transversaux (progiciel de front office, call center, marketing direct). «
L'action du commercial sera intégrée dans le processus transversal », explique
le responsable CRM de PA Consulting Group. Parmi les éditeurs de ce type de
progiciels, on retrouve bien sûr Siebel, mais aussi des acteurs plus récents
sur le marché français, comme Epiphany ou Chordiant, ou encore des acteurs Mid
Market comme Pivotal, Selligent ou FrontRange. Cette importance de la force de
vente entraîne également une notion de mobilité, donc de synchronisation des
données avec les outils nomades (ordinateurs portables, PDA). Mais les
progiciels et autres systèmes informatiques ne sont pas les seuls outils de la
relation client B to B. Certaines fonctions, un peu ignorées, peuvent également
améliorer les interactions entre l'entreprise et ses clients professionnels. Le
traitement du courrier est l'une d'elles. En effet, toute campagne marketing
engendre un flux de réponses, sous formes de coupons, de commandes, de factures
ou de relances. « Il faut une solution qui permette d'alimenter les systèmes de
CRM ou d'ERP le plus vite possible avec ces réponses », estime Benoît Berson,
directeur marketing de Neopost France. Cette société, filiale du numéro un
européen du traitement du courrier inter entreprises, s'est spécialisée dans
cette fonction. Cette informatisation du traitement des flux permet d'intégrer
directement les réponses des clients au système d'information de l'entreprise.
Neopost a mis au point une offre matérielle et logicielle qui permet d'ouvrir,
extraire et contrôler la destination de ces flux. Par exemple, des machines
peuvent ouvrir jusqu'à quarante mille lettres à l'heure. Le tri vers les bons
destinataires à l'intérieur de la société se fait en localisant le nom de ce
destinataire, le logiciel indiquant la bonne case où placer le document. Le
logiciel PostOffice permet lui d'identifier correctement le courrier et de
l'adresser aux différentes personnes qui pourraient avoir à le traiter
(comptabilité, marketing, direction, etc.). « Il est important de pouvoir
effectuer ces opérations pour les réclamations par exemple. On peut ainsi les
tracer tout au long de leur traitement interne, ou alimenter un progiciel de
CRM », explique Benoît Berson. Connecté sur le réseau interne de l'entreprise,
la mise en place du logiciel PostOffice ne nécessite qu'une journée
d'installation, selon son éditeur.
Économiser sur les frais d'affranchissement
Le courrier sortant doit également faire l'objet de l'attention des entreprises. Qu'il émane du back-office, de la
supply chain ou du CRM, il est sensible à paramétrer. Neopost travaille
directement dans le “spool” (fichier cache des données brutes d'impression) de
l'imprimante, ce qui permet d'éliminer les pré-imprimés. Le logiciel
PrintMachine donne la possibilité de personnaliser les courriers, en imprimant
dessus des codes barres ou en créant des fonds de page personnalisés, ce qui
permet d'administrer les flots d'impression. Par ailleurs, en préparant la mise
sous enveloppe, grâce à l'édition de marques optiques, il permet de regrouper
plusieurs feuillets dans une même enveloppe, ce qui entraîne une économie des
frais d'affranchissement. De plus, en regroupant dans une seul envoi les
différents courriers envoyés à un même destinataire, il fait baisser les frais
d'expédition. Le courrier électronique n'est pas oublié par le logiciel
RapidMailing, qui met en place des workflows de ces messages électroniques. «
Nous voulons transformer la salle de courrier en véritable centre logistique de
l'information », affirme le directeur marketing. Le logiciel PostOffice coûte
environ 15 000 euros pour dix utilisateurs, PrintMachine vaut de 15 000 à 18
000 euros. Le retour sur investissement pour ces systèmes est d'environ un an
et demi. Si le courrier, papier ou électronique, est indispensable dans une
politique bien pensée de CRM B to B, d'autres outils, comme les Intranet, sont
également un must. Pour Alexandre Dayon, « en B to B, l'objectif, c'est la
fidélisation ou la rétention du client ». Celle-ci passe par un travail
collaboratif basé sur l'information. Par exemple, les clients des assureurs
renégocient tous les ans leur contrat. Plus ils ont d'information sur les
risques, moins ils paieront cher leurs primes d'assurance. Les Intranet et
Extranet sont un outil précieux pour les entreprises pour offrir à leurs
commerciaux une vision unique du client professionnel. « Les outils de partage
de l'information sont au coeur de la relation client B to B », estime Alexandre
Dayon. Cet ancien collaborateur de l'éditeur Business Objects a fondé InStranet
parce qu'il croit en l'échange organisé et sécurisé des contenus comme outil de
CRM. Au coeur de son produit, un moteur qui simplifie les règles de l'échange.
La cible de son logiciel : les directeurs commercialisation ou les responsables
e-Business.
Pricing en fonction de la volumétrie
Mais,
quels que soient les outils employés, on peut se poser la question du coût d'un
système de CRM B to B par rapport à son homologue B to C. Pour Françoise
Fogelman Soulié, le pricing de ces outils est effectué en fonction du nombre
d'utilisateurs et de la volumétrie de la base clients. Celle-ci est moins
volumineuse en B to B, donc moins onéreuse. Chez PA Consulting Group, Nicolas
Morel estime que « le coût d'acquisition d'un client en B to B est plus élevé,
la marge qu'il dégage est aussi plus grande et la relation plus longue.
L'investissement dans les systèmes ad hoc est donc moindre qu'en B to C ». En
fait, comme le fait remarquer Olivier Savouret, « on n'achète pas une solution
CRM B to B ». On s'équipe d'une panoplie d'outils destinés à améliorer la
relation client tout court. Le fait de travailler principalement avec d'autres
entreprises influe surtout sur le travail en amont sur les bases clients et sur
le choix en matière de progiciel (verticalisé ou non, plus ou moins riche en
matière de modèle de données). En matière d'outils de CRM, il s'agit donc plus
de définir sa stratégie, grand public ou business to business, que d'acquérir
tel ou tel instrument. Conclusion de Jean-François Rolland : « Les entreprises
ont besoin d'améliorer leurs processus de relation client en B to B, personne
n'y échappe. Aujourd'hui, les gros enjeux concernent la partie
commercialisation et donc le CRM. »
Le CRM en chiffres
1999 : 3,7 milliards de dollars de chiffre d'affaires (0,56 milliard d'euros). 2003 (prévisions) : 17 milliards de dollars (2,59 milliards d'euros). Croissance annuelle : + 45 %. Pourcentage de sociétés françaises de plus de 200 salariés qui ont engagé un processus de gestion de la relation client : 75,6 %. Retour sur investissement : égal à 10 % du chiffre d'affaires. Temps moyen : deux ans. Montant moyen d'un projet CRM : 1,52 million d'euros (10 MF). (Sources : AMR Research, Forrester Research) L'an dernier, selon Gartner Dataquest, le marché du CRM a pesé quelque 22 milliards de dollars au niveau mondial contre 19,9 milliards en 2000, soit une croissance de 10,6 %. Pour cette année, la prévision se monte à 25,3 milliards de dollars, soit 15 % de croissance. D'ici 2006, année au terme de laquelle le marché devrait atteindre 47 milliards de dollars, le taux moyen de croissance annuelle devrait rester très soutenu, à 16,4 % par an. (Source : Gartner Dataquest) Chez IDC, les chiffres accessibles sont un peu moins élevés tant en 2001 (19,4 milliards de dollars) qu'en 2006 (45,5 milliards de dollars). En France, le cabinet a noté un fort ralentissement de la croissance des revenus tirés des licences sur le marché français, de 116,4 % en 2000 à 3,4 % en 2001. Les éditeurs ont eu en majorité à souffrir du report des projets, à cause du contexte économique difficile ayant incité un gel des investissements à court terme.