Les mailings en Europe, un défi culturel à relever
De la Norvège à l'Espagne, il n'y a que peu de règles communes pour réaliser un mailing. Dans une opération de marketing direct à l'échelle européenne, les contraintes sont nombreuses.
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«En Europe, contrairement aux Etats-Unis, il n'y a pas un mais des systèmes
de pensée, et une multitude de langues. Ce qui rend les campagnes
internationales de marketing direct plus compliquées que les campagnes de
publicité traditionnelle », constate Olivier Abel, directeur général de
l'agence Rapp Collins. Selon lui, les aspects culturels posent, en principe, le
même problème pour le concept, que ce soit du marketing direct ou de la
publicité. Mais le message de marketing direct est plus élaboré dans son
expression. Par exemple, dans une campagne de recrutement, on communique non
seulement sur la marque mais aussi sur les produits. Ce qui génère plus de
complications car la maturité des marchés n'est pas obligatoirement la même. En
marketing direct, il faut se préoccuper davantage des clients au travers de
leurs attentes, chercher des éléments de fédération.
« Nous avons
réalisé une campagne sur un produit d'incontinence de la marque Tena, destinée
aux marchés français, italien, espagnol et portugais, se souvient Olivier Abel.
La France étant leader, c'est notre agence parisienne qui a réfléchi sur une
stratégie qui soit en phase avec les problèmes de chaque marché. Nous avons
trouvé un point de fédération : sur les quatre marchés, l'incontinence est un
sujet tabou. Alors, notre idée a été de "détabouiser" le sujet, de créer une
communication accessible, adulte et non infantilisante. Il fallait aider et
accompagner les gens qui ne se sentent pas bien face à ce problème. Une fois
cette stratégie trouvée, il a fallu choisir les mots dans chacune des quatre
langues en évitant soigneusement les jeux de mots, etc. »
La problématique des fichiers
« Lors d'une opération internationale,
le plus difficile est d'apporter le même type de services partout, remarque
Arnaud Le Lann, directeur du développement européen chez Médiaprisme. Les
difficultés commencent avec le choix des fichiers et la déduplication, car les
normes sont différentes. Peu de prestataires sont capables de faire de la
déduplication à l'international. Et, pour les clients, il est difficile de
gérer cinq ou six déduplications indépendantes car cela revient à gérer une
campagne dans chaque pays. » La normalisation, les règles postales, les délais
de mise sous pli sont différents. Difficile de réaliser en France une
déduplication destinée à une campagne en Espagne, car les caractères spéciaux
ne seront pas pris en compte. « Notre prestation commence avec le conseil au
brief, poursuit Arnaud Le Lann. Il faut choisir le support en fonction des
spécificités locales. Encart presse ? Asile colis ? Mailing adressé ? Dans le
sud de l'Europe, les sources de données sont plus rares et les taux de retour,
plus faibles. Dans certaines régions d'Italie, la mafia locale vole les
catalogues pour les revendre au recyclage. Alors, on choisira plutôt l'annonce
presse ou l'e-mailing, ou encore le téléphone. Mais, en même temps, la
communication à destination des entreprises fonctionne correctement en Espagne,
au Portugal, même si les taux de retour sont inférieurs à ceux constatés en
Norvège. » Pour le choix des fichiers, Médiaprisme essaie d'externaliser, de
nouer des contacts avec les fournisseurs dans chaque pays à l'occasion des
salons internationaux, d'établir des partenariats commerciaux. Il est en
principe préférable d'avoir une maîtrise centralisée, y compris dans la
connaissance de l'offre fichiers dans chaque pays. Quand il y a beaucoup de
pays en jeu, il est plus simple d'avoir un seul interlocuteur pour centraliser
l'opération. Mais, lorsqu'il s'agit d'un seul pays, il vaut mieux trouver un
partenaire local. Pour des pays comme la Grèce, un prestataire local s'impose
pour travailler avec l'alphabet grec. Pour l'Amérique Latine ou l'Afrique,
l'externalisation est systématique. Mais les demandes pour ces marchés sont
rares, peut-être une opération en trois ans. L'offre de fichiers disponibles
est très différente suivant qu'il s'agit des pays anglo-saxons ou latins. Dans
le nord de l'Europe, on peut trouver des données avec un niveau très élaboré.
En revanche, en Europe du Sud, la qualifications des informations est très
légère. En Grèce, en Italie, en Espagne, il est difficile de trouver des
fichiers très qualifiés à l'image des mégabases de données. Que faire quand il
n'y a pas de fichiers correspondants ? « Nous allons travaillé par
l'intermédiaire des médias, ou directement dans les points de vente pour des
produits de grande consommation dans les opérations de recrutement, de
distribution des dépliants et des échantillons », affirme Olivier Abel.
Le poids du juridique
Les aspects juridiques posent
énormément de contraintes. En Italie, le courtage d'adresses est aujourd'hui
quasi interdit. « Il faut dire qu'auparavant, nombre de fichiers étaient
détournés par des mafieux qui s'en servaient pour sélectionner des victimes
avec des revenus élevés », explique Arnaud Le Lann. Alors, en 1997, l'Italie a
décidé d'appliquer la directive européenne de manière dure. Elle n'est pas la
seule. Les Etats-Unis, où auparavant l'on pouvait sélectionner des personnes
sur la couleur de leur peau, la religion ou les préférences sexuelles, ont
adopté en 2000 une législation spécifique qui les place au même niveau de
protection du public qu'en France. A l'opposé de cette démarche, en Suède, le
plus gros fournisseur d'adresses s'appelle le ministère des Finances, et la
précision de ses sélections, par exemple sur le critère des revenus, est
autrement supérieure à celle des mégabases françaises. Les tarifs de location
manquent cruellement d'unité. Le même fichier de consommateurs avec l'âge et le
type de résidence, coûtera 45 euros pour mille adresses en Italie, 250 euros
pour mille en Suède.
Logistique : attention aux contraintes locales
« Dans le
contexte international et européen, la présence des interlocuteurs locaux nous
paraît indispensable, même dans le cadre d'une campagne centralisée, estime
Michèle Ferreboeuf, présidente de MRM. Dans un mailing, il y a beaucoup de
texte, ce qui justifie le besoin de faire appel à des partenaires ou des
prestataires locaux pour la traduction et l'adaptation, la relecture. Le choix
des fichiers nécessite aussi des compétences locales. » Michèle Ferreboeuf note
également que la problématique postale est différente d'un pays à l'autre.
Certains pays sont très évolués en matière de marketing direct, par exemple la
Grande Bretagne ou l'Allemagne. Dans les pays latins en revanche, ou encore au
Japon, les conditions de travail sont beaucoup plus compliquées. Et la
différence entre les normes postales fait que les fichiers ne sont pas formatés
de la même manière. Par exemple, au Japon, l'adresse comporte le nom de la rue
mais pas le numéro car le facteur connaît tous les habitants. La création subit
de la même façon des influences culturelles. Dans les pays anglo-saxons, elle
prend une orientation plus promotionnelle. En France, elle est intellectuelle
et conceptuelle. En Allemagne, plus pragmatique. Une création destinée au
marché allemand utilisera des images réalistes, tandis que sur le marché
français, on verra des images plus évocatrices. Il est aussi important de
pouvoir communiquer avec les relais de l'annonceur au niveau local, pour éviter
les discordances dans les politiques marketing. Ici, il existe deux façons de
faire. On peut organiser des comités stratégiques qui associent les différents
réseaux. Et on peut créer des "kits", des guides qui centralisent et expliquent
les plans d'actions et permettent de tenir compte des disparités locales.
« Dès la
réalisation du mailing, il faut tenir compte des contraintes locales »,
prévient Xavier Moreau, directeur des activités marketing direct chez
Bertelsmann Services. Par exemple en Allemagne, les catalogues sont diffusés
"brut", sans film d'emballage, par respect envers l'environnement. Le mode de
présentation des documents change aussi d'un pays à l'autre : sacs, palettes
etc. Il est utile de prendre contact avec la Poste des pays concernés pour
valider les tarifs appliqués et d'autres détails pratiques. Parfois, il faut
aussi acheter des logiciels spécialisés pour la mise aux normes locales des
adresses. Ensuite, on doit établir les procédures de traitement interne, former
les opérateurs aux modalités de tri et de présentation pour chaque pays. Lors
de la remise au transporteur ou à l'opérateur postal étranger, c'est
l'opérateur qui se chargera de contrôler la qualité et la conformité de la
préparation des envois sur son territoire. Certains routeurs disposent même
d'une cellule de l'opérateur postal étranger sur leur propre site, ce qui
permet de contrôler la qualité de la préparation avant le transport. Parfois
l'opérateur postal, comme Royal Mail, vient former les cadres du prestataire
routeur au maniement de son outil d'édition des colis, des sacs, des
fiches-liasses. « Il y a presque autant de modes de tri que de pays européens
», observe Xavier Moreau. Sans surprise, certains modes de tri et de
présentation sont plus complexes et parfois plus coûteux que d'autres. « Le
mode de tri français n'est pas parmi les moins onéreux, poursuit Xavier Moreau.
Les sacs postaux imposent un fonctionnement chronophage et pas très propre
quant aux conditions du travail, dès lors qu'on les compare aux palettes ou aux
cassettes plastiques utilisées en Allemagne. » Pour nombre d'opérateurs du
marché, la démarche de création d'une prestation internationale a été initiée
sous la pression des clients. Typiquement, les gros annonceurs demandent au
prestataire de les suivre dans leur politique de communication européenne et de
réaliser des campagnes sur plusieurs pays. Ce qui facilite la vie des services
d'achats, européens eux- aussi. Cette tendance à l'internationalisation va
manifestement dans le sens d'une certaine dynamique des marchés. Elle va
probablement continuer à se développer, tant que persiste la mode de
"l'européanisation" du marketing direct.