Thalys, voyage en marketing des sens
Depuis la mise en service du premier train Paris-Amsterdam en juin 1996, Thalys connecte les villes d'Europe par voie ferroviaire et par un argument marketing fort : l'émotion.
Je m'abonneLa fumée de la pipe de Magritte, le café des terrasses parisiennes, le vin chaud servi sur le marché de Noël de Neumarkt ou encore le latex exposé au musée de l'Érotisme dans le quartier rouge. Ces quatre odeurs font partie de la soixantaine d'essences capturées par la conseillère en parfums Élisabeth Carré et exposées dans 752 tubes de couleurs agencés en une voûte olfactive par le studio L'Associé. Une installation onirique q u'ont pu regarder avec les yeux, les mains et le nez les amateurs d'art de Bruxelles et des alentours, du 12 au 14 mai dernier à la galerie Antoine Dansaert. Nom de l'exposition : "Scents of the city". Ou plutôt "Thalys scents of the city", puisque l'entreprise ferroviaire est à l'origine de ce voyage de l'odorat dans les quatre destinations desservies par ses trains rouges, à savoir Bruxelles, Paris, Cologne et Amsterdam. Cette opération sonne comme un nouvel opus de la campagne "Sounds of the city" déployée en 2015 par Rosapark, agence de publicité de Thalys depuis les années 2010, qui avait alors capturé plus de 4 000 sons évocateurs dans les villes de Paris, Bruxelles et Amsterdam. L'ouïe, l'odorat... Prochaine étape : le toucher ? "L'idée n'est pas de s'enfermer dans une voie attendue, les prochaines campagnes de Thalys seront probablement plutôt un retour aux sources de la marque, avec un marketing plus orienté sur les insights clients", prévoit Bruno Dierickx, le directeur marketing et commercial.
Destination services...
"Bienvenue chez nous" scandait, en 2011 et en quatre langues, sur l'air du titre "Wilkommen" du film américain Cabaret , une femme vêtue aux couleurs des trains mis en circulation en 1996 par le français SNCF, le belge SNCB et l'allemand DB. Chorégraphié par Benjamin Millepied, réalisé par Daniel Wolfe et imaginé par Havas City (structure à l'origine de l'actuelle agence Rosapark), ce spot publicitaire pose alors les fondations du territoire de communication de la marque. À savoir, "se sentir dans un train Thalys aussi bien que chez soi", expose Bruno Dierickx. Pour cela, le consortium, devenu entreprise ferroviaire en 2015, mise sur "les services comme points différenciants". Appuie-tête moelleux, repas savoureux et wi-fi performant (qui récolte 75 % de satisfaction de la part des utilisateurs) bien sûr, ce dernier ayant fait l'objet d'u ne campagne d'affichage en 2014 jouant sur la durée du trajet. Mais aussi "des petits plus qui naissent de l'interaction entre les voyageurs et le personnel de bord, qui est aux petits soins", se félicite le directeur marketing et commercial. Preuve de son implication dans le confort de ses passagers, la compagnie mettait aux enchères sur eBay ses sièges, appuie-tête et poubelles à l'occasion de la rénovation de ses trains, en 2010. L'offre servicielle a d'abord convaincu une clientèle de voyageurs d'affaires, alimentée notamment par le programme de fidélité TheCard qui propose par exemple l'attente en lounge, le voyage sans billet et la réservation de taxi en gare. Cependant, "si les voyageurs d'affaires sont une cible importante, on ne souhaite pas pour autant délaisser la clientèle loisir, car le train est un écosystème qui offre une palette de services adaptés aux besoins de chacun", précise Bruno Dierickx. À partir des années 2010, Thalys fait donc les yeux doux à une cible loisir. Parmi les moyens mis en place, des campagnes de publicité "tactiques" qui mettent en avant les bas prix (bien souvent hors période) censés draguer les familles et les jeunes. Ainsi, en 2015, la campagne d'affichage "###railhashtag" vante le trajet Paris-Bruxelles pour vivre sa propre "évasion pas fiscale" à 29 euros sous l'objectif du photographe allemand Dylan Don. De même, l'entreprise ferroviaire fait dans le low cost depuis avril 2016 avec sa marque Izy, qui assure par exemple la liaison Paris-Bruxelles avec un temps de parcours rallongé d'environ une heure et un prix d'appel à 19 euros.
...Arrêt émotion
À l'ouverture de ses lignes, Thalys bénéficie de l'avantage concurrentiel du temps de trajet : il faut 3h15 pour rejoindre Amsterdam depuis Paris alors que ce même trajet nécessitait plus de 5 heures en 1996. Entre 1996 et 2000, le consortium se concentre sur la construction de son offre, et donne naissance à la marque Thalys et à son identité visuelle, toujours utilisée, imaginées par la firme belgo-néerlandaise Total Design, en 1996. Au début du XXIe siècle, l'entreprise confie son budget publicitaire à Jump Paris, depuis absorbée par le groupe TBWA, qui mise sur le registre humoristique pour faire émerger la jeune marque. Mais les enjeux évoluent : "Thalys fait face à la concurrence des autres moyens de transport (notamment les compagnies aériennes, dont le trafic a bondi de 6,3 % dans le monde en 2016), mais aussi des autres destinations". Comment, dès lors, vendre les destinations européennes que sont Rotterdam, Dortmund ou Liège ? Si Paris est l'une des villes phares de la ligne ferroviaire, tout comme Amsterdam, la marque manquerait de visibilité en Allemagne et même dans les stations non desservies. D'où les deux dernières campagnes conçues par Rosapark, "Sounds" et "Scents of the city", qui promeuvent les villes européennes à travers les émotions. Un discours utilisé dès les années 2010 via la signature de marque "Bienvenue chez nous". En 2013, Thalys illustre ainsi la proximité géographique des capitales européennes par des couples hétérosexuels et homosexuels enlacés... en pleine "Manif pour tous".
Repères
2 juin 1996 : le premier Thalys relie Paris à Amsterdam
7 millions de voyageurs transportés chaque année
3h15 de trajet entre Paris et Amsterdam contre 5 heures auparavant
2016 : lancement de l'offre low-cost Izy