DossierAssociations de consommateurs vs marques : le tabou
1 - Associations de consommateurs et marques : des rapports conflictuels
Les rapports entre les associations de consommateurs et les marques sont mauvais. Les associations ne dénoncent que les mauvaises actions des marques tandis que celles-ci ne font pas preuve de transparence.
" Inefficace, injuste, coûteux. " Ce sont les termes(1) employés par Alain Bazot, président de l'UFC-Que Choisir, au sujet de l'étude(2) sur la qualité de la distribution d'électricité en France. Si le temps moyen annuel des coupures est redescendu à 73 minutes en 2011 (contre une évolution de 50 à 200 minutes entre 2002 et 2009), la situation s'est détériorée dans de nombreux départements. En Dordogne ou dans le Morbihan, par exemple, le temps cumulé des coupures a dépassé trois heures. L'association de consommateurs dénonce un niveau d'investissement divisé par deux entre 1992 et 2004. En effet, 826 millions d'euros ont été investis en 2012, alors que l'association de consommateurs estime qu'il faudrait injecter 2 milliards d'euros par an d'ici à 2020. Aussi, UFC-Que Choisir reproche une indemnisation des victimes insuffisante et réclame plus de transparence. ERDF, qui distribue l'électricité sur 95 % du territoire, a réagi en rappelant que ses investissements de maintenance étaient en hausse depuis trois ans et que les aléas climatiques avaient été nombreux l'an dernier... Cas classique d'un rapport de force entre une association de consommateurs et une marque. Dénonciation, reproche, réclamation, revendication : ces mots composent majoritairement les discours des associations de consommateurs en France. Quel est l'impact de leurs actions sur les marques ? Quels rapports de force s'opèrent entre ces deux types d'acteurs ?
Associations de consommateurs et marques : un rapport en constante dégradation
Premier élément de réponse avec un fait : rares sont les marques que nous avons contactées qui ont souhaité témoigner à ce sujet, sauf Orange Business Services (voir slide 3). Tabou ? Malaise ? C'est ce que constate Audrey Aveaux, diététicienne et nutritionniste à Nutritionnellement, une société créée en 2001, qui conseille les marques des secteurs de l'alimentation, de la restauration et de la nutrition / santé dans cinq domaines : science de la santé, réglementation, R & D, marketing et communication. " Depuis début 2013, il n'y a pas une semaine sans qu'un scandale lié à l'agroalimentaire ne voie le jour. Mais, plus globalement, les associations de consommateurs ne distribuent que des cartons rouges aux marques. Rares sont les articles sur les bonnes initiatives des entreprises, qui se voient sans cesse montrées du doigt et agressées. Forcément, la relation entre ces associations et les marques s'est cristallisée au fil des années ", regrette Audrey Aveaux (Nutritionnellement). Y aurait-il un manque d'optimisme du côté des associations de consommateurs à l'origine de cette tension ?
Il suffit de jeter un oeil aux derniers sujets d'actualité repris sur le site d'UFC-Que Choisir : "Obsolescence programmée : trop de produits à durée de vie limitée" (26/04/13), "Homologation des pesticides : toujours des dérives" (25/04/13), "Produits minceur : substances dangereuses" (17/04/13), ou encore "Smartphones : plainte contre Android de Google" (14/04/13) deux sujets présents sur la Une du magazine 60 millions de consommateurs du mois de mai(3) : "Alimentation : ce que les fabricants nous cachent" et un sondage sur "Les Français face à la baisse de leur pouvoir d'achat". La polémique domine.
" Les associations de consommateurs devraient équilibrer leurs thèmes, en évoquant aussi les bonnes initiatives des marques. En parallèle, les entreprises ne devraient pas se fermer mais faire preuve de bonne foi et de transparence ", ajoute Audrey Aveaux.
Mais alors, la faute reviendrait-elle aux associations de consommateurs ? " Il est vrai qu'elles travaillent beaucoup sur les réclamations, les problèmes et autres accidents, les comparatifs de produits et les certifications des services ", reconnaît Hervé Mondange, juriste à l'Afoc (Association force ouvrière consommateurs), qui siège également au Conseil national de la consommation (CNC). " Il existe néanmoins des groupes de travail collectif regroupant ces deux types d'acteurs, organisés par le CNC. Les professionnels et les consommateurs s'y retrouvent pour débattre ensemble de sujets sensibles ", précise-t-il. Si l'État joue le rôle de médiateur entre les deux protagonistes, c'est bien que la justice est au coeur du débat.
(1) Source : Lesechos.fr 26 avril 2013.
(2) Étude UFC-Que Choisir sur la distribution d'électricité en France, publiée le 25 avril 2013.