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Comment prédire les tendances de consommation de 2024 ?

L'inflation s'est invitée dans le quotidien des Français depuis deux ans, entraînant des comportements d'achat et des habitudes de consommation guidés par des restrictions budgétaires. L'année 2024 continuera de porter les stigmates de cette crise.

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Comment prédire les tendances de consommation de 2024 ?

Comment prédire des tendances de consommation dans le contexte inflationniste que traverse la France depuis deux ans ? L'exercice est compliqué tant les Français se focalisent sur la réduction des dépenses. En 2023, l'inflation totale s'établirait en moyenne annuelle à 5,8 % et l'inflation hors énergie et alimentation à 4,2 %. Pour 2024, la Banque de France prévoit un taux de 2,2 % et un retour progressif à 2 % en 2025. En attendant, "l'inflation est désormais la principale préoccupation dans le monde. Elle fait partie des sujets qui inquiètent le plus les Français pour les six prochains mois (86 %), avant la guerre en Ukraine (64 %) et le changement climatique (58 %). Sur le plan psychologique et social, les polycrises créent un climat d'incertitudes et de doutes", explique Yves Bardon, directeur du programme Ipsos Flair, Ipsos Knowledge Centre.

Polarisation de la consommation

"L'effet psychologique est fort chez les consommateurs, car l'inflation porte sur des postes élémentaires comme l'alimentaire et l'énergie. C'est donc très visible et cela provoque un effet de halo. Globalement, la consommation est à la peine", analyse l'économiste Philippe Moati, cofondateur de l'Obsoco. Dans ces conditions, les comportements des consommateurs varient très nettement en fonction de leurs niveaux de revenus. On évoque alors une dualisation de la consommation avec d'un côté ceux pour qui amortissent aisément la baisse du pouvoir d'achat, et de l'autre, ceux qui chassent les bonnes affaires et les prix bas. "L'inflation depuis deux ans a révélé la fragilité des classes populaires et moyennes et cela crée des tensions chez les consommateurs avec de nombreux arbitrages à opérer. Mais cela démontre aussi la capacité des Français à s'adapter", précise Rémy Oudghiri, sociologue, DG de Sociovision (groupe Ifop). Aussi, certaines tendances observées en 2022, comme la montée en puissance de la consommation responsable, ne répondent plus aux mêmes motivations de la part des consommateurs. "Le bio est sacrifié, mais pas forcément la consommation responsable qui permet de faire des économies comme la vente de produits d'occasion. On observe davantage de sobriété imposée, plus par nécessité que par conviction", argumente Philippe Moati.

La cote du local

D'ailleurs, les Français restent ­convaincus des répercussions de leur consommation sur les enjeux environnementaux. Cependant, ils sont éco­nomique­ment contraints. "Aujourd'hui, 95 % des Français souhaiteraient adopter une consommation plus responsable, mais 13 % déclarent avoir changé leurs habitudes. C'est ce qu'on appelle le "Value-Action Gap", le décalage entre un compor­tement souhaité et les actions réelles", décrypte Pierre Gomy, directeur développement durable Kantar Insights. Les solutions jugées par les Français comme les plus efficaces s'articulent autour de trois thématiques : accessibilité, sobriété et autosuffisance. Dans ce contexte, une des tendances observées en 2023, et qui va se maintenir en 2024, est la montée du local, des circuits courts. "C'est ce qui transforme la ­géographie en culture. Quand on connaît le lieu de fabrication d'un produit, tout un imaginaire s'active. Le local incarne un antidote à la mondialisation. D'ailleurs, 61 % des Français accordent plus d'attention à l'origine locale d'un produit devant ­l'impact environnemental (55 %) et la mar­que (39 %)", précise Yves Bardon.

Consommer mieux et moins

Hormis les postes vitaux, un des comportements souhaités réside dans la sobriété, quitte à faire face à certains paradoxes. "Oui, la tendance de fond est de moins consommer, mais aujourd'hui, la sobriété est subie par une partie des Français qui souffre de ne pas pouvoir consommer davantage", explique Rémy Oudghiri, citant l'exemple du secteur automobile dans lequel les seniors achètent des voitures neuves thermiques alors que les jeunes rêvent d'acheter des voitures électriques sans en avoir les moyens. D'autres assument pleinement des achats premium qui donnent de soi une image de réussite immédiatement visible - le phénomène du "lipstick effet" -, quitte à en sacrifier d'autres, ceux que personne ne voit. "Avec la perspective des crises, le désir le plus partagé sera de liquider les contraintes en "profitant" au maximum, le "tout-à-l'ego" d'abord", prédit Yves Bardon.

Levi's, Decathlon, Jules... marques "modèles" ?

Pour autant, freiner l'hyperconsommation reste un objectif à long terme pour la société. "Je pense qu'il faut agir sur deux leviers simultanément. À savoir, se tourner vers des causes pour le bien commun et contraindre les entreprises à déconnecter leur prospérité des volumes vendus. Moins de quantités pour plus de valeur, en somme", analyse Philippe Moati. Certaines marques l'ont bien compris. La campagne de Levi's, baptisée Buy Better, Wear Longer, illustre cette tendance. À l'instar de la marque Jules qui lance une collection Le Parfait, garantie quatre ans. Petit Bateau se lance également dans la seconde main. Autre initiative vertueuse, celle de Luc Teerlinck, l'initiateur du projet We Play Circular chez Decathlon Belgique, qui offre la possibilité à ses clients, devenus abonnés, d'emprun­ter à peu près tous les produits vendus par la marque. "En 2024, je pense que le changement sera davantage du côté de l'offre plutôt que de la demande", prédit Philippe Moati. Dans ce contexte incertain, les marques fortes ont la cote. Elles rassurent face aux chocs successifs (climatique, économique, géopolitique). "Pour autant, elles ne doivent pas apparaître comme "complices" de l'inflation ou trop éloignées de leurs engagements responsables, notamment pour les entreprises à mission. L'inflation est une sorte de mise à l'épreuve pour ces entreprises", note Rémy Oudghiri. D'autres sujets devraient s'inviter dans le débat cette année, comme l'intel­ligence artificielle. "Selon notre Observatoire, plus d'un tiers des Français a utilisé ChatGPT et en a vu les effets, simples et efficaces. Ce sera l'année de développement de l'IA dans le commerce", conclut le DG de Sociovision. Une tendance qui ne devra pas entacher la relation entre les marques et le consommateur, dont le besoin de reconnaissance et d'empathie s'installe durablement.

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