[Tribune] Et si la location était l'avenir du modèle commercial des marques fashion ?
Le marché de la seconde main gagne chaque année un peu plus de terrain, tandis que la mode responsable intéresse des consommateurs soucieux de leur empreinte environnementale.
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On devrait se réjouir de l'engouement autour de ces bonnes pratiques. Seulement, derrière les labels toujours plus verts et les bons mots marketing, n'oublions pas que l'industrie de la mode reste la 2e plus polluante au monde. Il est donc grand temps de passer à l'étape suivante : la location. D'autant que ce modèle vertueux présente des bénéfices considérables, tant pour les consommateurs et la planète que pour les marques qui y souscrivent !
Le vêtement le plus écologique est celui qu'on ne produit pas !
La crise de la Covid-19 a accéléré le phénomène de consommation durable, qui s'étend désormais jusque dans nos dressings. Sur les moteurs de recherche, l'association des termes " vêtement " et " responsable " a bondi de 50 % ces derniers mois*, tandis que le marché de la seconde main devrait surpasser celui de la vente traditionnelle avant la fin de la décennie*. Et pourtant, malgré tous ses efforts, l'univers de la mode peine encore à faire sa part pour le climat. Ainsi, cette industrie représentait entre 4 % et 10 % des émissions annuelles mondiales de CO2 en 2020* et 98 % des ressources utilisées pour la production de vêtements ne sont toujours pas renouvelables*. La mode verte et éthique est donc loin d'être une réalité, même si les modèles de production et de distribution évoluent indéniablement.
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La location, un modèle en phase avec la société
Louer plutôt qu'acheter, même en seconde main, est aujourd'hui un discours non seulement audible mais aussi crédible. Ces dernières années, la location de vêtements s'est durablement installée dans l'univers de la mode. Certes son recours reste souvent cantonné à certains événements (mariage, anniversaire, soirée...), mais ce modèle intéresse de plus en plus de femmes, qui préfèrent louer des tenues chics, dont elles savent qu'elles les porteront très occasionnellement, plutôt que de les payer au prix fort. Une option d'autant plus intéressante, que cela leur évite également la démarche chronophage de la revente a posteriori sur les sites de seconde main. Un bon calcul économique, donc, qui se double d'une action environnementale positive. En effet, grâce à la location, le vêtement n'a plus seulement 1 vie ou 2, mais jusqu'à 30, voire même 60 !
Mieux connaître l'usage de son produit pour améliorer sa confection
Là où ce modèle devient particulièrement intéressant pour la marque, au-delà de l'aspect écologique, c'est dans la data qu'il va lui apporter. En effet, une fois le vêtement vendu en magasin toute l'information sur la vie du produit est perdue. En revanche, à chaque retour de location, les clients commentent leur expérience, donnent leur avis : coupe, qualité des matières, défauts constatés, résistance à l'usage que les clientes en font ainsi qu'au lavage ou au repassage... Des informations concrètes sur l'usage des collections et donc sur leur durabilité, dont la marque va pouvoir se nourrir pour optimiser ses prochaines créations : améliorer ses process de fabrication, penser des modèles plus responsables et qui résisteront à de multiples usages. Un bon moyen aussi de limiter les invendus que les marques ne pourront plus éliminer à partir du 31 décembre 2023, conformément à la loi relative à la lutte contre le gaspillage promulguée en février 2020.
Produire moins pour gagner plus
Économiquement, l'opération peut toutefois sembler moins rentable. Si la marque produit moins et vend moins, il semble logique qu'elle gagne moins. Et pourtant, dans la location comme avec les règles mathématiques, moins multiplié par moins égale plus ! Prenons l'exemple d'une robe vendue 250 € en magasin et sur laquelle la marque s'octroie une marge commerciale de 60 %. Elle récupère donc un bénéfice de 150 €. Demain, si elle décide de mettre cette robe en location, en partant sur une estimation moyenne de 30 transactions à 45 €, avec une marge de 30 % sur chacune, elle récupère 405 €. Cette robe peut ensuite être revendue en seconde main aux alentours de 90 €. Au total, la marque empoche près de 500 € de marge !
La robe aura servi 30 usages au lieu de 2 à 3 dans le meilleur des cas. La marque, de son côté, aura évité la production de 30 robes supplémentaires tout en réalisant une opération 4 fois plus intéressante économiquement et en réduisant significativement son impact sur l'environnement. Finalement, qu'on la juge sous un angle financier, marketing ou écologique, la location se révèle toujours gagnante, que ce soit pour l'entreprise, le consommateur ou la planète !
*Opéo, Euromonitor (Bryan Garnier & Co), PwC, ADEME