[Enquête] Le magasin est mort, vive le magasin!
3 questions à... Frank Rosenthal, consultant retail: "L'innovation dans le commerce se voit dans les magasins"
Êtes-vous surpris par ce retour en grâce du point de vente?
Oui et non. Oui d'abord, parce que depuis quelques années, on en parlait moins. On distinguait trois camps. Les pessimistes, qui pensaient que l'e-commerce allait enterrer les boutiques, notamment sur le non-alimentaire. Le deuxième camp lui donnait une chance, à condition qu'il se modernise avec des outils digitaux, notamment sur la préparation des achats. Le troisième, dont je fais partie, rassemble les optimistes rationnels. D'abord, parce que malgré la crise, la consommation se maintient. Ensuite, parce que culturellement, les Français demeurent très attachés aux lieux de vente. Enfin, parce que la part de l'e-commerce dans le poids total des achats a été largement surdimensionnée.
Dans quelles proportions a-t-on surdimensionné l'e-commerce ?
Le Credoc, dans son étude "Le commerce à l'aube de 2020", datant de 2010, projetait que le canal web représenterait 24% des achats. Nous n'y serons pas en 2020. Aujourd'hui, la Fevad et Forrester affirment qu'en 2018, sa part avoisinera les... 11% en France. Il pèse aujourd'hui 9?% du commerce de détail (hors alimentaire). Les magasins physiques ont réagi, depuis trois ans environ, en proposant des services digitaux qui fonctionnent très bien, comme le click & collect, la vérification on line des stocks... Les puristes du brick and mortar n'existent plus aujourd'hui. Et en même temps, les pure players sont "descendus dans la rue", en développant notamment le drive-to-store. C'est le cas des Rosedeals de Vente Privée, qui drainent du trafic vers le point de vente.
Lors du dernier Retail Big Show, en janvier, l'enseigne la plus innovante au monde était un... pure player, qui a ouvert des magasins. Étonnant ou normal ?
Original! Warby Parker est un opticien dont la promesse est d'offrir des montures créées par des designers, le tout sans marque et dans une démarche éthique. L'enseigne est née sur le Net en 2010, mais les dirigeants ont très vite ressenti le besoin d'aller au contact des clients en ouvrant leurs propres lieux de vente et des showrooms. Les canaux se complètent et le client ne les oppose pas. C'est très souvent le cas. Les enseignes qui progressent sont celles qui utilisent le digital non pas comme un canal de vente mais comme un service pour leurs clients. Leroy Merlin, par exemple, l'utilise surtout comme un média de contenus pour aider ses communautés.