La nouvelle vie de Tati
Tati renaît et le fait savoir. Dix ans après un dépôt de bilan, la marque enseigne s'attaque aujourd'hui à son réseau physique, après avoir utilisé le Web pour moderniser son offre. Rencontre avec Emmanuel Deroude et Anne-Laure Couplet, à la tête de la marque populaire au vichy rose bonbon.
Je m'abonneIl reste une dizaine de "bacs à fouille" dans le magasin Tati du boulevard Barbès à Paris. "Après, ce sera fini ! ", explique Anne-Laure Couplet, la toute nouvelle directrice générale en charge de l'offre. "Une page se tourne. Elle correspond davantage aux nouvelles ambitions de la marque : ne plus déstocker mais créer ses propres produits." Si le déstockage a fait la fortune de l'enseigne dès 1948, les consommateurs ont changé. Et la concurrence des enseignes de prêt-à-porter à bas coûts (H&M en tête) a bien failli rayer Tati de la cartographie du commerce français en 2004. "Nous nous sommes dotés de notre propre bureau de style, qui emploie 70 chefs de produits, stylistes, modélistes ou infographistes. Nous avons repris la main sur le produit ", poursuit Anne-Laure Couplet.
Désormais capable de "produire vite ce qui est dans l'air du temps", la marque-enseigne réserve 30% de sa collection au circuit court (des réactualisations produites en 16 semaines) et travaille les collections par thèmes et par styles. "C'est ce style qui ensuite ordonne les choix du merchandising. Cet été, par exemple, nous aurons le "safari", le noir et blanc ou encore l'esprit marinière." Les célèbres acheteurs de stocks de Tati ont été progressivement "remplacés" par des créatifs. Tati se rêve désormais en marque et non plus (seulement) en enseigne. Le chantier est encore immense. Le portefeuille des MDD comprend encore une quinzaine de marques (textiles à 75%) et il s'agit d'abord de clarifier l'offre avant d'apposer un jour "Tati" sur une étiquette. Les "bacs à fouille" disparus laissent place à un nouveau concept retail où le merchandising colle à la promesse du produit.
Nouveau concept retail
Transfuge de Jennyfer et Système U (secteur textile) Anne-Laure Couplet entend insuffler une nouvelle dynamique, et le faire savoir. "La marque a changé via les produits, il faut le faire savoir ! Tati a amorcé la rénovation de son parc de 120 magasins il y a 18 mois. Aujourd'hui, 26 points de vente ont été entièrement rénovés. Avec un agencement plus élégant, des étagères à la place des bacs ou des "coins" beauté plus cosy, la formule (entièrement menée en interne) semble plaire, car le confort d'achat récompense la clientèle très fidèle au magasin populaire. "Nous menons des tests avant/après rénovation. Il s'avère que nous avons conquis de nouveaux clients, qui représentent 20% de notre fichier", se réjouit Emmanuel Deroude, p-dg. Loin du rose flashy de son logo, Tati a choisi le noir et une ambiance épurée. "La clé d'entrée, c'est le style. Notre merchandising est plus lisible et cible une cliente qui sait ce qu'elle veut ". Enfin, la marque vient de s'offrir une signature sonore avec la chanteuse Inna Modja et son titre Mister H. Cette communication sonore, orchestrée par Havas Media (également en charge du conseil média et d'achat d'espace), se retrouve aussi dans toutes les prises de paroles radio de la marque.
Renaissance digitale
En réalité, Emmanuel Deroude compte réitérer, avec le retail, ce qu'il avait réussi avec l'e-commerce. Il confie que sa stratégie, lorsqu'il a repris les rênes de l'enseigne en dépôt de bilan, a "été de faire redécouvrir Tati, d'abord par le produit puis par la vente en ligne". Un pari très risqué... Et, contre toute attente, le Net a donné un nouvel élan à Tati. En 2010, le site est désigné meilleur site de e-commerce par la Fevad et, en juin 2011, Emmanuel Deroude est distingué par E-commerce Magazine lors de ses trophées. Simple et graphique, comme les magasins, le site prend le contre-pied de l'image populaire de Tati. Le tunnel de commande a été simplifié au maximum. Et ça marche : le canal Web a progressé de 40% entre 2011 et 2012, avec 3 millions de visiteurs uniques et 5 millions d'articles vendus. En réalité, l'enseigne capitalise sur sa notoriété. "90% des Français connaissent Tati, mais 90% n'y sont jamais rentrés", rappelle très souvent le p-dg... La marque est également très active sur les réseaux sociaux (elle emploie quatre community managers), et ses 177 000 fans y sont très actifs. L'agence média Ventilo a classé le site Tati.fr à la troisième place de son baromètre de l'engagement (notes en fonctions des fanpage les plus performantes). Une stratégie qui vise à faire évoluer en profondeur le positionnement de Tati, qu'Emmanuel Deroude résume ainsi : "D'enseigne low cost, nous souhaitons devenir "fair cost", à savoir une enseigne qui crée la bonne affaire."
Plan média "La rue est à nous"
C'est l'histoire d'un slogan patrimonial... inventé par Jules Ouaki en 1993, le fondateur de Tati dans les années cinquante, et ressorti du placard par Emmanuel Deroude: "La rue est à nous". La marque décide, en 2013, de communiquer massivement : durant un an, tous les 15 jours, on verra Justine dans les pages de Femme Actuelle et de Voici (Agences icarré et C tout Com). On l'entendra aussi à la radio. "Justine est l'incarnation de la femme Tati ", explique Anne-Laure Couplet. "Âgée de 25 à 40 ans, elle suit et aime la mode. Une femme bien ancrée dans le quotidien." Le slogan est écrit avec, en fond, le célèbre vichy emblématique de Tati. "Mais nous avons désormais un code coloriel qui varie en fonction des styles présentés. Nous osons d'autres teintes plus douces", poursuit la directrice du style, avant de préciser: "Le "nous" du slogan est un "nous" qui englobe toute la famille, et pas seulement les femmes." La marque enseigne avait abandonné la communication de masse depuis plus de 10 ans. La nouvelle stratégie de conquête par le style voit ses premiers résultats se matérialiser. Des catalogues thématiques des différents styles (printemps/été) ont été envoyés aux journaux féminins et... une première parution s'est faite dans Closer, sur la double des looks à emprunter aux people. À droite, le luxe, à gauche, l'abordable... Gwen Stefani porte un pantalon python, Tati le propose aussi ! Une petite mention qui vaut de l'or...
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Les dates clés de Tati
- 1948 : Jules Ouaki ouvre le premier magasin Tati boulevard Barbès, dans le XVIIIe arrondissement de Paris
- 1982 : Fabien Ouaki succède à son père
- 1987 : Avec 35 millions de visiteurs, le magasin Tati de Barbès est le monument le plus "visité" de Paris (avant la Tour Eiffel)
- 2004 : La famille Ouaki dépose le bilan et Tati est repris par le groupe Eram
- 2010 : Lancement du site marchand
- 2013 : Campagne de presse grand public et nouveau concept de magasins (26 refaits à date)
Les chiffres clés de Tati
- 120 points de vente
- CA 2012 : 350 millions d'€
- Tati.fr : 3 millions de VU/mois (+ 40% en volume), 5 millions d'articles vendus
- 1 800 collaborateurs
- 15 000 références (20% des robes de mariées en France)
- Le textile représente 65% des ventes
- 90% des références sont accessibles à moins de 10 €
- Panier moyen : 6 articles
- 15 millions de passage en caisse / an