[#NRF2018]: La data de retour aux avant-postes
À chaque édition de la NRF, son thème dominant. L'omnicanal en 2016, l'expérience client en 2017. Et cette année? La data, observe Manuel Davy, fondateur de Vekia et spécialiste du machine learning.
Je m'abonneÉvidemment, la data n'est pas un thème neuf. Elle est déjà au centre des conversations depuis quelques années, au moment où les retailers, en réaction à l'avènement de l'e-commerce, ont pris conscience de son importance et se sont mis à construire des datamart et autres datalakes, pour collecter et stocker les données. Par la suite, elle a fait un retour quand il s'est agi d'en commenter les premières déclinaisons opérationnelles: généralisation d'applications matures basées sur l'IA, développement de technologies performantes servant à la collecte de données utilisateurs en magasin, etc.
Mais cette fois-ci, c'est différent car la data revient sur le devant de la scène avec le premier rôle. Le premier rôle car elle est au centre de la convergence entre physique et digital. Dans ce nouveau paradigme, que je qualifierais "d'omnidigital", la data fait l'objet d'une captation et d'un traitement -via le machine learning, le deep learning et la géolocalisation notamment- qui confèrent au magasin une connaissance client comparable -voire supérieure- à celle existant en ligne.
Penser en homme d'action: le défi du retailer (français)
Comme cela fut martelé lors de la conférence "Robotics and AI; Trailblazing technology for future retail", en la matière, les premiers de cordée sont les retailers qui ont opéré les travaux de digitalisation de leur back-office. Sans surprise, ils sont plus nombreux de l'autre côté de l'Atlantique. Pour autant, la France en compte quelques-uns: Boulanger ou Undiz, par exemple. Mais pourquoi comptons-nous si peu de cas emblématiques?
Henri Bergson disait: "Il faut penser en homme d'action et agir en homme de pensée". Peut-être qu'en France nous avons pris l'habitude de penser en hommes... de pensée. Disons-le franchement: trop souvent, l'action ne suit pas nos intentions. Nous restons prisonniers du syndrome du proof of concept. Comment sortir de cette impasse? Il serait bien prétentieux de prétendre avoir la solution à une problématique aussi tenace. Toutefois, s'il y a une idée à retenir de ces deux premières journées à la NRF, c'est que le décloisonnement de l'innovation et des métiers est un préalable incontournable pour penser et réaliser la transformation.
De nombreux retailers se sont succédé sur la scène du Jacob K.Javits Center pour incarner ce fait. Mani Advani fut l'un d'eux. M. Advani est le CEO de Ministry of Supply, un magasin d'habillement branché. Interrogé sur les raisons du succès de sa marque, il n'a cité ni la qualité des matières premières ni l'élégance de ses modèles. Selon lui, son succès repose davantage sur "les process que sur les produits". Depuis son lancement, il y a cinq ans, le magasin enregistre absolument tous les retours, les suggestions et les commentaires faits par ses clients et les classe dans différentes catégories. Forte de cette data, l'enseigne est capable de proposer des expériences et des services sur mesure qui lui confèrent une avance décisive sur ses concurrents. À bon entendeur...
Manuel Davy, 44 ans, est ingénieur Centrale Nantes, docteur et habilité à diriger les recherches en machine learning. Il a été chercheur à l'Université de Cambridge et au CNRS, et a cocréé une équipe de recherche à l'INRIA Lille. Il est auteur ou coauteur de plus de 100 articles scientifiques, plusieurs chapitres de livres et un livre. Fondateur de Vekia en 2008 et formé à l'entrepreneuriat à l'Université de Stanford en 2014, il est aujourd'hui président exécutif de Vekia, en charge de la stratégie et du développement, avec un focus spécifique sur le développement international.