Qu'est-ce que la concentration des médias peut apporter aux annonceurs ?
La restructuration à l'oeuvre dans le secteur des médias vise à créer des synergies publicitaires et des offres data plus puissantes.
Je m'abonneL'année 2015 aura été marquée par un fort mouvement de concentration du secteur des médias, qui réinvente son business model en misant sur la convergence des tuyaux et des contenus, mais aussi sur capacité à devenir des data-centers sont les deux à même de faire contrepoids aux GAFA.
Une concentration à l'oeuvre
La mutation numérique provoque une recomposition du paysage capitalistique du secteur des médias. Afin de trouver des synergies et de permettre des économies d'échelle, les rapprochements se multiplient et la consolidation s'accélère. Ces derniers mois, Patrick Drahi, patron d'Altice Media Group, déjà propriétaire à 50% de Libération, a pris le contrôle de NextRadioTV (RMV, BFM TV, BFM Business), et il a acquis, outre L'Express, les médias liés (L'Expansion, Lire).
Vincent Bolloré, quant à lui, s'est emparé de Vivendi. Le groupe de luxe LVMH, propriétaires des Echos et de Radio Classique, a de son côté fait main basse sur Le Parisien, cédé par le groupe Amaury. Le Figaro a annoncé il y a deux semaines son intention d'acquérir le pure-player CCM Benchmark.
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Et cette restructuration à marche forcée du secteur n'est pas près de s'achever, comme en témoigne l'annonce la semaine dernière de la création du fonds d'investissement par le trio que forment l'entrepreneur Xavier Niel, le banquier Matthieu Pigasse et le producteur Pierre-Antoine Capton. Intitulé Media One, ce fonds, qui devrait recueillir 300 à 500 millions d'euros, servira à financer des acquisitions de tous types de supports et de contenus, de la presse écrite à internet en passant par la télévision, la radio et la production audiovisuelle.
Lessivés par un crise structurelle qui n'en finit pas, les médias endettés jusqu'au cou représentent des proies faciles pour les investisseurs du numérique. Les acquisitions se dealent à prix bradés. Patrick Drahi s'est ainsi offert Libération pour 25 millions d'euros et l'ensemble du groupe Express pour une cinquantaine de millions d'euros. Bernard Arnault a déboursé la même somme pour Le Parisien. De vraies soldes si l'on compare le montant de 500 millions qu'a du consentir à sortir Serge Dassault en 2004 pour prendre le contrôle du Figaro.
Une course à la puissance pour séduire les annonceurs
A l'ère de la mondialisation marquée par la toute puissance des GAFA, les groupes médias ont besoin d'acquérir une taille critique pour continuer à se développer et être en capacité d'affronter les enjeux de demain, notamment ceux liés à la data.
" Des régies puissantes comme celle de TF1, de Lagardère Active ou du groupe Le Monde ne sont ni plus ni moins que des nains face à la position d'un Google ou d'un Facebook. La survie passe par le changement de taille et la diversité des offres ", analyse Jean-Clément Texier, président de la Compagnie financière de communication, Coficom. A l'instar de la stratégie menée par Altice Media Group, qui consacre la convergence entre les tuyaux et les contenus, ouvrant la voie à des synergies d'offres. " Pendant un an, certains abonnés de SFR auront ainsi droit à un abonnement à l'Express ", donne en exemple l'expert média.
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Les groupes médias doivent accélérer leur digitalisation : c'est le sens de l'acquisition de Dailymotion, le YouTube français, en juin dernier par Vivendi. L'année 2015 marque en effet un tournant pour les médias puisque désormais, le digital s'impose comme le deuxième média devant la presse.
Devenir des data-center
Dans ce paysage en mutation, les médias doivent composer avec Google et Facebook, plateformes mondiales, mobiles, et qui captent une part toujours plus importante des investissements publicitaires online.
L'avenir économique des médias réside dans leur maîtrise de la data. Les annonceurs exigent désormais des régies qu'elles puissent adresser leurs messages publicitaires de manière ciblée. Au médiaplanning succède l'audience-planning, consacrant l'ère du marketing personnalisé de masse basé sur l'exploitation des données. Reste que pour exploiter celles-ci, les éditeurs doivent au préalable se constituer une énorme base de données. C'est en partie l'atout des places de marché programmatiques comme La Place Media ou Audience Square, qui se sont créées pour faire contrepoids au Double Click de Google. Si ces ad-exchanges parviennent à proposer aux annonceurs des segments sur mesure et un ciblage comportemental et socio-démographique fin et granulaire, c'est parce qu'ils disposent d'énorme bassin d'audience. Audience Square regroupe ainsi 85 millions de profils, La Place Media qui agrège une audience de 31 millions de visiteurs uniques, commercialise un inventaire mensuel de 4,5 milliards d'impression. La création fin 2014 de la régie 366 Global Territoires, qui agrège les audiences de la PQR, s'inscrit dans cette volonté des médias locaux de faire monter en puissance leurs inventaires.
L'opération de rachat du groupe CCM Benchmark mené par Le Figaro vise ainsi à faire du groupe de presse un leader digital. Celui-cise hisse ainsi dans le Top 4 des groupes internet en France, basculant de la 17e à la 4e place, derrière Google, Microsoft et Facebook, et devant Orange. Avec cette acquisition, le groupe atteint la moitié des internautes français, soit une audience de 25 millions de visiteurs uniques par mois. Par ailleurs, le journal estime que ce rachat aboutirait à une taille critique de "plus de 50% de couverture sur toutes les cibles clefs du marché publicitaire".
Au-delà des synergies publicitaires via la mise au point d'offres intégrées, les effets de levier dans le domaine de la data sont stratégiques : " Sur la data, il est indispensable d'avoir une taille critique Avec les bases de données des deux groupes, la quantité de datas que l'on pourra traiter est énorme ", déclarait il y a quelques jours Marc Feuillée, directeur général du Figaro.
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