Tribune Libre - Pourquoi le papier est-il résilient ?, Bernard Plé, dg de Mediapost
Le papier contre le digital : s'il est un combat d'arrière garde, c'est bien celui là. Avec ses atouts indéniables, le papier reste un média incontournable de la communication globale et complémentaire du web, selon Bernard Plé, directeur général de Mediapost.
Je m'abonneC'est bien de résilience dont il faut parler, à en lire le cortège de tribunes, avis, et funèbres augures parus en cette année 2012. On s'attristait (parfois avec une certaine hypocrisie) de l'augmentation de l'éco-contribution, on se pâmait devant la floraison -en passe de devenir invasive- de nouveaux "sites" et autres "apps" qui transcendaient ces bons vieux usages du prospectus, soudain devenus si peu " trendy ", voire "old school", à en juger par la débauche de clics et de " taps " nécessaires pour découvrir le fond du message : informer, comparer, donner envie... et incidemment faire gagner du pouvoir d'achat au quotidien.
Dans ce concert funèbre, les pleureuses, souvent dûment rétribuées pour vendre une merveilleuse alternative digitale (parce que même dans un monde "2.0", il faut bien vivre), jettent une poignée de terre dans une tombe fort heureusement vide.
Bien entendu, il n'est pas question pour moi de me faire le tenant d'un combat d'arrière garde sur le primat du papier versus le digital : faute de belligérants (annonceurs clients/consommateurs clients), cette bataille, que d'aucuns auraient pourtant souhaitée homérique, n'aura pas lieu. En effet, le "mix" des deux univers est désormais une réalité quotidienne qui permet d'unir, en paix, le "meilleur des deux mondes".
Je me contenterai d'exposer les principaux arguments, qui, de mon point de vue, sont constitutifs de cette résilience du papier.
Le papier est un média choisi
Aujourd'hui, recevoir un mailing ou un prospectus dans sa boite aux lettres résulte d'un acte volontaire. Depuis de nombreuses années, les différents syndicats professionnels (SNCD, Fevad, SDD,...) ont oeuvré pour simplifier les processus d'exclusion et fédérer un comportement vertueux de la part de tous les professionnels intervenant sur l'ensemble de la chaîne graphique (liste Robinson, respect des Stop Pub).
Par ailleurs, ce choix délibéré n'est pas seulement le fait des "afficionados" du mailing : les digital influencers (les internautes les plus accros au digital) eux-mêmes manifestent une appréciation plus forte pour les catalogues et brochures (77%) que pour les e-mails (41 %), les bannières (35 %) ou les sms (31 %)*.
A contrario, les trésors d'ingéniosité sans cesse déployés par les FAI pour contrer les spammeurs, et l'incessante routine du "clic corbeille" sur le mail "non désiré" prouvent chaque jour, le peu de cas - et d'efficacité - des différentes chartes de "bonne conduite" en matière de prospection digitale. Si le déclin des chiffres de performance suit la même pente que leur prix, nul doute qu'en la matière -et tout comme pour le papier- le salut viendra du ciblage (retargetting, display géolocalisé,...).
De ce premier postulat, que l'on peut d'ailleurs légitimement partager avec certains supports digitaux à l'attractivité reconnue et mesurée (sites et apps confondus), il convient d'ajouter un deuxième argument, plus exclusif : le papier est un média puissant car universel.
Lire aussi : Le prospectus : au-delà de l'adhésion des Français, un enjeu de performance pour les enseignes
Le papier est un média puissant
"J'ai une boite aux lettres donc je suis" aurait pu dire le philosophe. 99 % des Français possèdent une boîte aux lettres, et 90 % d'entre eux la consulte tous les jours**.
Ainsi, celui qui dispose d'une adresse physique se trouve, par nature, dans une situation de consommation courante propre à intéresser la plupart des annonceurs. Et, c'est là où se joue, de mon point de vue, un postulat qui devrait intéresser le média planneur pétrifié devant le formidable fractionnement des audiences classiques (certes, cette porte a déjà été enfoncée, mais de fait elle est restée béante !) et l'impressionnante volatilité des supports digitaux. S'il subsiste, en France, une fracture digitale, il n'est point de fractures de boites à lettres. Nous avons cette chance de disposer de réseaux d'enseignes GSA/GSS rayonnant sur tout le territoire, du plus urbain au plus rural, et le courrier publicitaire demeure le seul média qui garantisse à chacun de ces annonceurs une audience sans équivalent** : sur une journée moyenne 22,5% des Français sont lecteurs d'au moins un imprimé publicitaire et, au bout d'une semaine, ce taux atteint 76,9%.
Le rapport "coût/puissance" de l'imprimé publicitaire est à nul autre pareil et permet efficacement de créer du trafic sur ces milliers de points de vente, avec intelligence et modération. Tant que ce rapport "coût/puissance" n'aura pas trouvé d'alternative crédible, le média papier -mailing et imprimé publicitaire- sera " résilient " et permettra encore de satisfaire aux attentes du consommateur, pour le plus grand bonheur de l'annonceur.
Mais que vaudrait cette puissance si elle s'assortissait d'un pouvoir destructeur, nuisible à notre environnement ? C'est là mon troisième argument : le papier est un média vertueux car éco-responsable.
Le papier est un média responsable
Souvent accusée des pires atrocités commises envers l'environnement, la filière papetière a, depuis longtemps, pris conscience de sa responsabilité et s'est engagée dans une démarche de valorisation d'un support qui, rappelons-le, est issu de ressources naturelles et renouvelables, est recyclable jusqu'à cinq fois et biodégradable.
La mise en place de l'éco contribution en 2006 a permis, via l'eco-organisme Ecofolio, d'installer un principe de financement du recyclage des papiers, permettant d'instaurer un cycle vertueux dont les consommateurs sont également acteurs au travers du tri sélectif de leurs propres déchets car la filière traite, sans distinction, non seulement les documents publicitaires, mais aussi tout autre support papier non assujetti à l'eco-contribution.
Pas d'excès d'angélisme : je n'oserai prétendre que le papier n'a pas d'impact environnemental, mais existe-t-il une seule activité humaine qui puisse se targuer de cette neutralité universelle ? En revanche, je constate que les distributeurs sont engagés dans une comptabilisation exhaustive des boîtes aux lettres inaccessibles ou mentionnant un Stop Pub afin de recommander aux annonceurs la production de volumes d'imprimés publicitaires en quantité suffisante afin de limiter les excédents.
Cette démarche est doublement vertueuse: pour les particuliers, dont les choix sont ainsi respectés, et pour les annonceurs, qui s'adressent ainsi uniquement aux 88% de boites à lettres "utiles".
Par ailleurs, en initiant une démarche de neutralité carbone ***, nous visons, si ce n'est à annuler, au moins à compenser notre impact environnemental. Que faut il alors penser des milliards de spam qui ne sont pas lus et représentent 2 %**** des gaz à effet de serre de la planète ?
L'exposé des qualités intrinsèques de l'imprimé publicitaire et /ou du courrier commercial pourrait être poursuivi à l'envie. Chacun, dans son camp, saura toujours fourbir les arguments qui desservent la cause de l'autre. Ces querelles de chiffres n'ont plus grand sens.
Nos métiers de la communication évoluent sans cesse au gré du développement des technologies. De ce fait, la "permanence" du média papier passe, et ne passera que, par une "réinvention" continue du support.
- Oui, le respect du consommateur et de ses souhaits doit rester une vertu cardinale pour tous les diffuseurs : respect des stop pub, fichiers Robinson.
- Oui, il faut continuer à développer et innover en matière de ciblage (comportemental, géo-marketing) pour qu'il soit toujours plus choisi et désiré.
- Oui, le support "papier", est d'autant plus efficace qu'il est intégré dans un "plan média" en tant que tel, et répondant d'ailleurs aux mêmes règles d'efficacité que les autres médias: répétition, puissance de l'offre, mesurabilité...
- Oui, il faut jouer de la complémentarité avec le digital et ses clefs d'entrée faciles (Tags 2D, mini sites interactifs) pour rendre le papier encore plus ludique et interactif, afin de proposer de nouveaux usages promotionnels.
- Oui, nous devons nous engager activement aux côtés des acteurs du recyclage , institutionnels, publics et acteurs sociaux.
Enfin, et n'en déplaise aux chantres du " tout digital " qui, selon eux, permettrait de réaliser des centaines de millions d'économies théoriques (de papier peut être ... mais surtout de performance des actions promotionnelles !), si le digital est une réalité (parfois) augmentée, le papier est une réalité incarnée, notamment par les dizaines de milliers d'acteurs de la chaîne graphique qui, de la conception à la fabrication et jusqu'au " dernier kilomètre ", oeuvrent à la qualité de la délivrance du message et de la proposition des annonceurs.
*Source : Etude TNS SOFRES/MEDIAPOST Publicité " Les digital influencers et la publicité ".
** Source : Balmétrie
*** MEDIAPOST compense l'intégralité des émissions de CO2 générées par le transport, les bâtiments, les serveurs informatiques, ainsi que l'utilisation de matières premières. Cette démarche est sans surcoût pour nos clients.
**** Source : Ademe
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