Rapport Lescure : taxons smartphones et tablettes, qui s'en rendra compte !
Taxer les smartphones et les tablettes pour préserver l'exception culturelle française, c'est un peu comme réintroduire la taxe professionnelle old school, qui bridait emploi et investissement, pour stimuler la croissance. Mais en plus moderne.
Je m'abonnePierre Lescure, qui passe pour un iconoclaste parce qu'il vient de Canal +, n'est pourtant pas du genre décoiffant à l'heure de proposer des solutions à la crise que traversent les producteurs français de contenus culturels. Entre le téléchargement illégal de musique et de cinéma, que personne ne sait vraiment juguler, et les difficultés croissantes des bailleurs de fonds traditionnels de notre exceptionnalisme, on sait que la création a du plomb dans l'aile. Mais sa proposition de taxer l'achat de smartphones et de tablettes pour faire la soudure ne séduira que les amateurs de vases communicants qui pensent qu'un nouvel impôt est toujours LA solution.
D'accord, il y a tout de même une certaine logique dans la démarche : si ces produits servent à diffuser des films, des séries et des chansons, au même titre que les chaînes de télévision ou les salles de cinéma sur le chiffre d'affaires desquelles on prélève jusqu'à présent de quoi payer le cachet de nos grands acteurs, pourquoi ne pas les faire contribuer au système ?
Et puis, une petite taxe de plus sur un téléphone ou une tablette à plusieurs centaines d'euros, qui s'en rendra compte (même sur fond de hausse prochaine de la TVA) ?
Le hic, et le débat a déjà eu lieu tellement de fois dans ce pays qu'on se demande comment trouver l'énergie de le relancer, est que demander à une industrie en expansion de servir de béquille à une industrie en difficulté sert généralement à fragiliser la première sans stimuler la seconde. La création cinématographique française dont les maux semblent plus liés à son modèle économique (de plus en plus de films que les spectateurs n'ont pas envie de voir, des coûts de production de plus en plus déconnectés des recettes...), ne se refera pas une santé sur le dos de produits dont la fonction TV est (presque) anecdotique.
Outils de communication et de mobilité mais, surtout, de plus en plus, instruments de développement du commerce en ligne, smartphones et tablettes sont à peu près les seules innovations récentes dont on puisse espérer qu'elles aient un impact sur la croissance. En brider le développement et l'usage par la fiscalité ne frappe donc pas comme une idée particulièrement lumineuse. Il avait déjà fallu une bonne vingtaine d'année pour se rendre compte qu'une taxe professionnelle assise sur le nombre de salariés et l'investissement productif n'avait pas beaucoup sens ; veut-on vraiment rejouer le même film (en numérique et sur iPad, ce coup-ci) ?