Les cinq virages que la profession doit bien négocier
" Les dépenses de marketing direct vont continuer à baisser en valeur dans les années à venir ", assure David Targy, directeur du pôle médias & communication de Xerfi-Precepta. L'auteur de l'étude " Le marché et les métiers du marketing direct à l'horizon 2015 " (1) prévoit que les investissements devraient tomber, en 2015, sous leur niveau de l'an 2000 à moins de 9 milliards d'euros. Un mouvement de baisse structurel entamé en 2006 : le marché enregistre, en effet, un taux de croissance annuel moyen négatif de 1,5% entre 2005 et 2012. En cela, le marketing direct suit la tendance des médias traditionnels.
La morosité économique vient aggraver cette situation. Outre l'augmentation des délais de paiement, la crise induit une pression sur les prix des prestations et, en conséquence, une baisse des marges de 7 à 5,5% entre 2005 et 2011. Concrètement, cela entraîne des difficultés de trésorerie et, du coup, une augmentation des défaillances d'entreprises, mais aussi une multiplication des opportunités de rachat.
Dans ce contexte, les fusions-acquisitions se sont multiplié depuis 2005. Avec les achats de Sogec, Mediaprism, Adverline et Cabestan, Mediapost Communication se positionne, par exemple, sur l'ensemble de la chaîne de valeur et propose des solutions clés en main sur le on et le off line. La société du groupe La Poste " se charge d'évangéliser le marché et notamment de convaincre les annonceurs les plus importants qui privilégient les médias de masse, d'investir dans le marketing direct", explique David Targy.
Les raisons du déclin
La baisse structurelle des dépenses en marketing direct s'explique notamment par un basculement des budgets vers le digital. " Aujourd'hui, les annonceurs considèrent que le ROI s'obtient sur Internet : le retargeting, l'achat de mots-clés, l'affiliation fonctionnent très bien et ne coûtent pas cher ", explique David Targy. Le digital représente déjà 10% des dépenses publicitaires.
Autre cause du déclin, la baisse des volumes d'envois en raison d'un ciblage de plus en plus fin des campagnes. Premier canal à en souffrir, le courrier publicitaire. Cependant, Xerfi-Precepta fait l'hypothèse que le segment des catalogues pourrait connaître un regain d'intérêt chez les e-commerçants qui pourraient l'utiliser comme support de relation client pour leurs prospects et clients à forte valeur.
En outre, l'étude anticipe un encadrement renforcé du marketing téléphonique. Xerfi-Precepta prédit une baisse de 20% des dépenses de télémarketing, en raison de la promotion et de l'application du dispositif Pacitel permettant à un particulier d'être retiré des listes de prospection. Mais, le législateur pourrait également déterrer la proposition de loi Mézard consistant à instituer l'opt-in pour le démarchage téléphonique, action qui aurait des conséquences plus terribles encore. " Les acteurs sont désemparés lorsqu'on les interroge sur ce sujet : ils ont le sentiment que tout peut arriver... ", raconte David Targy.
Les mutations en cours
Xerfi-Precepta identifie cinq facteurs de mutation du secteur du marketing direct : le premier, le big data permet d'enrichir la connaissance client. Sa montée en puissance fait appel à de nouvelles compétences, et devrait, ainsi conduire les annonceurs à externaliser leurs bases de données... L'étude évoque également les opportunités offertes par l'open data : l'accès à des statistiques publiques peut contribuer à un enrichissement des bases de données.
Deuxième facteur de changement, la forte incertitude réglementaire : l'étude fait référence aux projets européens et français d'extension de l'opt-in au téléphone et au courrier publicitaire, mais également à l'obligation qui pourrait être faite aux acteurs du marketing d'effacer les données collectées sur les consommateurs au-delà d'un certain délai.
Troisième facteur, l'inattention - voire un rejet croissant de la publicité et des messages commerciaux - qui va contraindre les annonceurs à rechercher le consentement de leurs prospects et clients, et à envoyer des messages plus pertinents.
Quatrième facteur de mutation, l'apparition de nouveaux canaux d'interaction avec les clients comme les réseaux sociaux et le mobile, même si ce dernier représente aujourd'hui moins de 1% des dépenses en marketing direct. Avec le cross canal, les annonceurs doivent parvenir à mettre en place une stratégie marketing cohérente avec ses prospects et clients.
Enfin, dernier facteur, un climat des affaires durablement déprimé, 2013 devrait être une année de récession économique, selon Xerfi-Precepta. Le phénomène de fusion-acquisition devrait donc se poursuivre.
Les perdants et les gagnants
Avec la baisse des dépenses de marketing direct et les mutations en cours du marché, les cartes sont rebattues. Les agences de conseil en communication ont vu leurs marges s'effondrer. " Elles ont perdu leur rôle de pilote de la filière. Les autres acteurs de l'écosystème s'attaquent à leur territoire de valeur - le conseil et la création - avec une légitimité grandissante ", souligne David Targy. Les professionnels de la donnée sont également bien positionnés pour orchestrer des opérations en marketing direct ". Il est, ainsi, révélateur que des sociétés comme Mediaprism et WDM.Directinet se soient développées dans le conseil...
Autres perdants de ces mutations, les acteurs du routage qui ont connu un retournement du marché du courrier adressé à partir du milieu des années 2000. Les professionnels cherchent à diversifier leur activité en faisant de l'éditique de gestion et de la logistique dans le secteur de la vente à distance.
En revanche, l'étude Xerfi-Precepta prévoit que les distributeurs d'imprimés publicitaires - essentiellement Mediapost et Adrexo - seront les seuls acteurs du marketing direct à connaître un taux de croissance annuel moyen positif entre 2011 et 2015 (+1%). La grande distribution, qui représente 70% des dépenses en valeur, n'a pas l'intention de réduire ses investissements.
Les incertitudes
Xerfi-Precepta ne se prononce pas sur l'évolution des métiers de l'e-mail marketing. " C'est un marché qui n'est pas structuré, il est donc difficile de prévoir une tendance ", explique David Targy. Les comportements sont contradictoires : les annonceurs ont la volonté de mieux cibler leurs messages et donc de réduire le volume d'envois ; en même temps, ils ont tendance à intensifier leurs envois pour conjurer la conjoncture économique comme le montre la baisse tendancielle du coût pour mille (CPM) du routage. Malgré un fléchissement des taux de clics et d'ouverture, l'e-mailing demeure un levier bon marché et efficace... Néanmoins, une tendance semble émerger : Xerfi-Precepta voit les dépenses d'e-mailing de fidélisation progresser et celles de prospection baisser. Un phénomène qui confirme l'évolution du marketing direct vers le marketing relationnel. Enfin, il existe une incertitude sur l'usage de nouveaux terminaux comme le smartphone, la tablette et la télévision connectée qui sont autant de nouveaux points de contacts avec le consommateur. Pour l'heure, il est difficile de prédire comment ces nouveaux canaux vont influer sur le secteur...
Lire aussi : "2012 année de la maturité digitale" selon l'observatoire français du marketing digital
(1) L'étude " Le marché et les métiers du marketing direct à l'horizon 2015 " se présente en deux tomes : le rapport d'analyse stratégique (84 pages), compilation des problématiques clés du secteur identifiées et analysée par des experts indépendants, et le rapport research (232 pages), base de données statistiques qui contient notamment 15 monographies et plus de 120 fiches synthétiques (présentation et ratios financiers) d'entreprises du marketing direct.
Sur le même thème
Voir tous les articles Média