Jean-Baptiste Rouet (Publicis Media) : "Il faut réussir à faire la corrélation entre attention et performance"
La mesure de l'attention est un sujet phare de l'adtech depuis plus d'un an. Mais ce nouveau KPI de la performance publicitaire doit être manipulé avec précaution prévient Jean-Baptiste Rouet, CPO de Publicis Media et Président de la Commission Digitale de l'UDECAM. Explications.
Je m'abonneLe sujet a occupé les instituts d'études et les spécialistes de l'eye-tracking pendant des années. Aujourd'hui, l'industrialisation de la mesure de l'attention générée par une pub apparaît comme le moyen d'instaurer un nouvel indicateur de performance des campagnes dans un monde sans cookies tiers, où la pression publicitaire est croissante et où certains éditeurs construisent des environnements maximisant la visibilité et la complétion des pubs, au détriment des performances réelles pour l'annonceur. "On est soumis en moyenne à près de 1000 sollicitations publicitaires chaque jour. Sursollicité, le cerveau met en place des parades, comme la banner blindness, qui nous permet d'occulter inconsciemment la publicité", remarque Jean-Baptiste Rouet, CPO de Publicis Media et Président de la Commission Digitale de l'UDECAM, regrettant une dégradation progressive du souvenir publicitaire, "divisé par deux en dix ans selon Kantar." Une dynamique qui érode l'efficacité des campagnes, mais qui aggrave également leur impact carbone.
L'attention, un agrégat d'indicateurs encore difficile à utiliser au quotidien
D'où l'intérêt du marché pour le développement de nouvelles méthodes de mesure de l'attention, basées sur l'agrégation de dizaines d'indicateurs : taille et positionnement de la publicité à l'écran, audibilité, encombrement publicitaire de la page, mais aussi interactions de l'internaute avec la page et la publicité chez des acteurs issus de la brand safety comme IAS, DoubleVerify, Moat ou encore la solution française Adloox, dont l'approche est donc 100% déterministe. À ces indicateurs, des Adelaid, Amplified, Lumen ou xpln.ai ajoutent une part de probabiliste, en extrapolant les résultats de mesures eye-tracking réalisées en labo ou sur panels mobiles. "Les deux approches ont un intérêt, mais attention : les panels doivent être renouvelés régulièrement pour suivre l'évolution des pratiques de navigation, et il faut s'assurer que les scoring d'attention ne prennent pas en compte les impressions frauduleuses liées aux bots", indique Jean-Baptiste Rouet.
Il rappelle au passage l'importance de la créa et du capital de marque dans l'attention générée par une publicité, ce qui influence les scores d'attention entre les annonceurs, et donne son critère n°1 de choix d'une solution : "l'essentiel est d'avoir accès à la donnée granulaire utilisée par une solution pour réaliser son scoring, sans quoi il est impossible de comparer les résultats entre solutions. Aussi, la mesure de l'attention est un coût technique supplémentaire dans la chaîne de valeur, il faut réussir à faire une corrélation avec la performance business. Chez Publicis, nous avons accès aux performances des campagnes et nous pouvons aussi relier ces informations aux données de nos clients pour évaluer l'impact sur leur activité et ainsi optimiser les campagnes en live." Avant le custom bidding et des outils comme SciBids ou SIMBA, l'IA spécialisée de Publicis, "il fallait se contenter de seuils et de rapports de fin de campagnes", note l'expert. Des optimisations au quotidien qui concernent peut-être plus les régies et les agences média que les annonceurs.
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Ainsi, l'intérêt renouvelé pour le sujet de l'attention publicitaire a permis de faire le ménage dans les inventaires : depuis le 1er avril 2024, les éditeurs doivent par exemple renseigner auprès de Google Ad Manager si le son de leurs inventaires vidéo est activé ou non par défaut, avec une conséquence à terme sur le CPM. Indirectement, le sujet de l'attention publicitaire prend aussi toute sa place dans le rapport de force entre les acteurs de l'Open Web et les plateformes : "L'IA va être intégrée dans la création dynamique de publicités chez YouTube ou Meta, avec une optimisation en temps réel de la construction des messages. Ce sont des outils qui ne sont pas scalables aujourd'hui sur l'Open Web", remarque Jean-Baptiste Rouet, constatant qu'en matière d'attention aussi, il existe un déséquilibre : "les plateformes ont été les premières à construire leurs environnements pour faire en sorte qu'ils captent au maximum l'attention des utilisateurs, avec des formats publicitaires qui prennent la même place que les contenus classiques. Les médias de l'Open Web n'ont pas cette approche, et malheureusement, la qualité éditoriale n'est pas une garantie d'attention publicitaire, quoi qu'on en dise."