[Billet] Do-gooding, mission possible pour les marques
"Sens dessus dessous" : tous les quinze jours, la spécialiste du langage Jeanne Bordeau analyse le sens et le poids (marketing) des mots. Aujourd'hui, les marques et leur vocation de faire le bien.
Les marques veulent être citoyennes. Elles ne se contentent pas de présenter leurs bilans RSE. Elles sont désormais investies par une vocation : le "do-gooding".
Allô ici le bien !
Au départ, on ne parlait pas de " do-gooding " mais de " do gooder ". Traduisez : " une personne bien intentionnée ", peut-être parfois un peu naïve. Mais, pour exprimer plus clairement l'envie de faire du bien, les Américains ont imaginé l'expression " do-gooding ". Expression que l'on pourrait employer même pour annoncer une petite soirée de charité entre amis au profit d'une association que l'on souhaite aider.
Les marques s'emparent donc du terme, elles aspirent à agir pour le bien, de façon désintéressée ? A priori oui. Oui même si depuis le milieu des années 2000, les études vont toutes dans le même sens : " les marques qui vivront longtemps sont celles qui rendent la vie meilleure ".
Déjà en 2009, Sumanto Chattopadhyay, grand créatif d'Ogilvy & Mather pour l'Asie du Sud écrivait : " Il semble que les consommateurs sont plus enclins à acheter une marque qui, au-delà de satisfaire leurs besoins, offre un bonus supplémentaire : celui d'avoir de bons sentiments en soutenant une cause sociale. "
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Ajoutez à cela une pincée de relookage verbal. Oui, au fil du temps, pour faire fusionner les mots " do " et " good ", on a rajouté un trait d'union. Et pour donner de la dynamique à cette expression, on a greffé une terminaison en " ing ". Cela exprime le fait de faire et d'être en train de faire.
Do-gooding est ici pour rester
e-marketing.fr a récemment publié un excellent article riche en exemple de " bonnes actions " de marques. Et justement à propos de " bonnes actions ", pourquoi ne pas dire simplement que les marques font des bonnes actions? Hélas, le terme " do-gooding " semble créer un concept qui est mieux compris en anglais.
Tom Knox le président de l'IPA, organisme professionnel des publicitaires outre-manche vient de déclarer : " les marques doivent définir leurs priorités les plus importantes ". Et pour Knox, agir ainsi " ce n'est pas faire du do-gooding à la façon des hippies ". Bref, il faut un peu de rationnel dans cette salve de bons sentiments.
My " do-gooding " is rich ?
Il demeure une question fondamentale ? Qu'est-ce qui est du " do-gooding " et qu'est ce qui n'est pas du " do-gooding " ? Vous marchez dans la rue, vous croisez un camion de livraisons Ikea. Dessus il y a écrit qu'Ikea livre ses clients parisiens en roulant au biométhane. C'est du " do-gooding " ? Indeed ?
Et si au fil de vos promenades, vous découvrez la campagne des champions Dove qui invite les femmes bouclées à aimer leurs boucles , est-ce du " do-gooding " ? Cela ne va pas sauver la planète du réchauffement climatique, mais c'est peut-être source de bien-être pour les demoiselles qui se battent contre leurs ondulations capillaires. Où commence le do-gooding ou s'arrête-t-il ? Il semble être encore un mot valise à intention marketing plus qu'un mot au périmètre défini pour des raisons nobles.
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Comment avoir l'esprit " do-gooding " ? Il suffit de réécouter l'indémodable " What the world needs now is love " de Jackie de Shanon !
L'auteur : Jeanne Bordeau est la créatrice d'un bureau de style en langage, l'Institut de la Qualité de l'Expression, auquel des entreprises françaises et internationales confient des missions de diagnostic et de création en langage.
À l'origine d'inventions et de méthodes déposées à l'INPI (Charte sémantique, École de rhétorique, Baromètre de mesure de la qualité de l'écrit...), Jeanne Bordeau est aussi conférencière, enseignante à la Sorbonne et au MBA ESG stratégie de communication digitale (MSCD). Artiste, elle expose des tableaux de mots qui créent, chaque année, un observatoire de tendances linguistiques. Suivez-la sur Twitter @JeanneBordeau.
Et sur son site institut-expression.com
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