[Interview] Bertrand Duperrin : "Il ne faut pas laisser le marketing s'occuper seul de la transformation digitale"
La transformation digitale, pourquoi ? Comment ? Échecs et cas d'école. Réponses et bonnes pratiques avec Bertrand Duperrin, directeur du cabinet de conseil Nextmodernity.
Je m'abonneJuriste de formation, blogueur émérite depuis 2004, Bertrand Duperrin rejoint le cabinet de conseil Nextmodernity en 2010, après plusieurs années passées chez BlueKiwi, l'un des pionniers du réseau social d'entreprise. Il réalise des missions de conseil en management, technologies de l'information et de la communication auprès de grands comptes tels que Dassault Systèmes, Société Générale, La Poste... Pour Marketing, il analyse les tenants et aboutissants de la transformation digitale, un passe obligé mais parfois douloureux pour les entreprises.
On en parle beaucoup, sans toujours savoir de quoi il retourne. Qu'est-ce que la transformation digitale de l'entreprise ?
Bertrand Duperrin : Il s'agit, avant tout, de la transformation de votre business model. Vos process vont changer. La manière dont vous créez vos produits va changer. En un mot comme en cent, c'est la réinvention de l'entreprise. Et, de fait, il y a autant de définitions de la transformation digitale que de métiers dans l'entreprise. Le marketeur va vous dire que cela revient à créer un nouveau parcours, une nouvelle expérience pour le client...
La transformation digitale sera à l'origine d'une entreprise plus en réseau, plus collaborative. En externe, le marketing va repenser la relation client. En interne, cela affectera l'organisation des modes de travail. Mais l'un ne va pas sans l'autre. Transformer pour transformer ne marche pas. Il faut donner du sens et, en amont de tout process de transformation digitale, commencer par apprendre à travailler ensemble.
Qui doit porter le projet de transformation digitale dans l'entreprise ?
Lire aussi : « Nous inventons quelque chose de nouveau, le don à trois », Frédéric Mazzella ('Dift')
En premier lieu, la direction générale. C'est à elle qu'il appartient d'insuffler cette volonté de changement. Dans le meilleur des cas, il y a un board qui collabore (ce qui est loin d'être une évidence, dans la réalité) et des dirigeants visionnaires qui savent très bien anticiper ce qui va se passer. Ceux-là ne vous parleront pas de transformation digitale, car elle est déjà dans l'ADN de l'entreprise.
Prenons l'exemple de Danone, une multinationale présente dans 120 pays. En 2003, Danone lance le programme "Networking attitude" pour faire évoluer la relation de travail. À l'époque, on ne parle pas de réseaux sociaux. On part d'un principe : "Quand un manager a un problème, un autre manager dans le groupe doit bien avoir la solution", et cela marche. Autre exemple, aux États-Unis, avec General Electric (GE). C'est l'un des plus beaux cas de RSE (réseau social d'entreprise) jamais déployé. Et cela date des années deux mille ! Mais ce projet était tellement naturel pour l'entreprise que GE a à peine communiqué dessus.
A contrario, il existe aussi des exemples à ne pas suivre...
Oui, des entreprises qui, de par leur type de management ou la structure de leur organisation, se sont avérées incapables de regarder la réalité en face. Regardez les grands groupes de VPC, comme La Redoute ou Les 3 Suisses, face à une entreprise comme Amazon. Amazon est lancée en 1995. Au fil des ans, le groupe internet fondé par Jeff Bezos jette les bases de la relation client en ligne, déploie des nouveautés, comme le "one-click-buy", le moteur de recommandations met en place des programmes de fidélisation et développe des algorithmes extrêmement puissants. On ne peut pas dire que l'on ne les a pas vus grandir. Mais, dans certaines sociétés, on entendait des choses comme "ça n'arrivera pas chez nous", "on n'achètera jamais une télévision sur Internet". On voit le résultat aujourd'hui.
Lire la suite en page 2
NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles
La rédaction vous recommande