Guillaume Doki-Thonon, CEO de Reech : "Les marques ont tout à gagner avec la loi influenceurs"
Neuf mois après son adoption, un rapport parlementaire présenté le 13 mars dernier dresse un bilan de la loi visant à réguler les activités des influenceurs en France. Pour l'occasion, nous avons interrogé Guillaume Doki-Thonon, fondateur et CEO de l'agence spécialisée dans l'influence marketing Reech.
Je m'abonneEn juin dernier, les parlementaires votaient une loi régulant les activités commerciales des influenceurs sur les réseaux sociaux. Conçue pour accompagner les 150 000 créateurs de contenu répertoriés sur le territoire français et protéger les consommateurs, cette dernière a bouleversé l'industrie du marketing d'influence. Guillaume Doki-Thonon, fondateur et CEO de Reech, l'agence spécialiste de l'influence marketing, revient, en exclusivité pour Emarketing.fr, sur les premiers effets de cette loi pour le secteur, ainsi que sur les différents points qui restent à améliorer.
Neuf mois après son adoption, quel bilan général pouvez-vous tirer de la loi influenceurs ?
C'est positif ! La loi permet de supprimer les dérives identifiées dans le secteur - comme la promotion de la chirurgie esthétique ou les opérations commerciales non transparentes - et donc de renforcer la protection des consommateurs. Ce cadre législatif permet aussi aux créateurs de contenu d'effectuer leur travail dans de bonnes conditions. Cependant, à côté de ces aspects positifs, il reste encore beaucoup de points à éclaircir, notamment sur le volet fiscal et sur les règles qui déterminent ce qu'est un partenariat commercial.
Par exemple, la maigre jurisprudence autour de ces sujets a montré qu'une communication sans engagement réciproque - comme lorsqu'un influenceur parle d'un produit qui lui a été offert sans pour autant être rémunéré - est considérée comme étant une collaboration commerciale. Avec donc l'obligation de le mentionner. Nous marchons sur la tête ! Il faut savoir raison garder, il existe des dérives, mais il y a aussi une égalité vis-à-vis de la loi de toutes les activités et de tous les métiers et là en l'occurrence, un "deux poids, deux mesures" est observable par rapport aux autres secteurs (comme celui des plateformes de streaming).
Pour établir leur rapport, les députés se sont notamment appuyés sur les résultats d'une étude de Reech. Pourriez-vous nous présenter ses principaux enseignements ?
Notre étude analyse la relation entre les marques, les influenceurs et leur communauté. À l'origine, notre objectif était de casser les préjugés et idées reçues relatifs au monde de l'influence. Pour cette 8e édition, nous avons évidemment évoqué l'impact de la loi influenceurs du 9 juin dernier. Et ce dernier est loin d'être négligeable : 47 % des créateurs de contenu assurent que l'obligation de transparence prévue par la loi a eu un effet sur leur activité. De plus, les trois quarts d'entre eux affirment connaître, en détail, la loi.
En quoi cette législation affecte-t-elle les relations entre les influenceurs et les marques ?
Dans notre étude, nous avons montré qu'effectivement, la loi a bouleversé la manière dont les marques abordent le marketing d'influence. Le premier constat est que la loi a inversé une tendance identifiée depuis une dizaine d'années : Avant, les annonceurs s'intéressaient de plus en plus aux petits influenceurs. Aujourd'hui, c'est le contraire. En effet, lorsque nous avons interrogé les créateurs de contenu, nous en avons 31 % qui affirment avoir reçu plus de demandes de partenariats depuis l'adoption de la loi, et 31% qui en ont reçu moins.
Mais lorsque nous regardons de plus près, nous nous rendons compte que les plus petits influenceurs sont ceux qui ont conclu le moins de partenariats et les plus grands sont ceux qui en ont réalisé le plus. Cela s'explique facilement : la loi influenceurs étant encore assez floue (58 % des répondants expriment un manque d'informations sur le sujet), les marques préfèrent jouer la sécurité en se dirigeant vers des créateurs aux millions d'abonnés. Selon les annonceurs, ces derniers sont plus enclins à ne pas faire d'erreur vis-à-vis de l'interprétation de la loi. Toutefois, plus les règles s'éclairciront, plus les marques retourneront vers les petits influenceurs.
Selon vous, quelles autres répercussions cette loi aura sur l'industrie du marketing d'influence en France ?
Sur le long terme, une fois que la loi sera vraiment connue et comprise de tous, je pense qu'elle assainira énormément le marché de l'influence marketing. Elle permettra d'évoluer dans un secteur dans lequel les règles sont claires, et participera à la croissance du secteur de l'influence marketing. Les marques ont tout à gagner avec cette loi !
La mauvaise image que pouvait revêtir le secteur de l'influence auprès des consommateurs empêchait le développement de l'influence marketing chez les annonceurs. Mais depuis l'adoption de la loi, nous ne confondons plus les influenceurs qui sont des vrais créateurs de contenu avec ceux qui font n'importe quoi et n'apportent aucune valeur à leur contenu. Les consommateurs ont ainsi plus confiance au secteur et les marques peuvent donc davantage tirer profit de leurs collaborations avec les influenceurs.