[Tribune] Devrions-nous souhaiter la mort du marketing ?
Consommation de masse et marketing sont-ils indissociables ? La condamnation de la première doit-elle nécessairement entraîner la condamnation du second ? C'est à ces questions que la tribune de Clarisse Chotard, étudiante en master de marketing et société à Sciences Po Paris tente de répondre.
Comprendre les besoins des consommateurs : tel est l'un des objectifs premiers du marketing en vue de proposer un bon produit, au bon prix, au bon moment et au bon endroit. Une définition relativement simple et pourtant : qu'entendons-nous réellement par besoin ? Ou que devrions-nous entendre ?
Nombre de personnes identifient le marketing comme levier de la société de surconsommation : il s'agit de produire et de consommer toujours plus dans une quête de profits et de croissance économique permanente. Il faut répondre aux besoins, mais aussi créer le besoin, et le renouveler. Les collections hebdomadaires de Shein, Zara ou H & M en sont l'exemple parfait. Elles incitent à acheter régulièrement des vêtements en imposant l'idée que la mode est en perpétuel et - très - rapide changement. Si vous souhaitez suivre les tendances, alors consommez, consommez et consommez. Au vu des conséquences dévastatrices de ces pratiques - violation des droits humains, contamination des océans, émissions de gaz à effet de serre pour n'en citer que quelques-unes -, il est évident que nous ne pouvons souhaiter que leurs fins, et ce plutôt aujourd'hui que demain. Je me suis alors demandé si cette discipline se doit de conserver un avenir. Est-elle en mesure de répondre aux besoins de l'indispensable transition écologique ?
Le marketing peut-il répondre aux enjeux environnementaux ?
En réalité, je crois fermement en la capacité du marketing à nous être utile dans l'élaboration des solutions à cette crise ; sous réserve que ses méthodes d'application soient en adéquation avec leurs contextes. Compléter un business model sans circularité me paraît aujourd'hui insensé. Ignorer les impacts négatifs en termes sociaux, économiques et environnementaux revient à faire le choix conscient de mettre de côté les conséquences de ses actions. Il existe de nombreux outils tels que la méthode des 4P, qui sous réserve de prétendue neutralité ont mis de côté des aspects cruciaux. Mais, de nouvelles méthodes se développent, comme le concept des 3P 'People, Profit, Planet'pour compléter ces notions limitées.
Je pense que ces outils ancrés dans leurs contextes peuvent alors nous aider à recentrer les objectifs des organisations sur les besoins, compris comme la réponse à un sentiment de manque ou de privation. Alors, de quoi avons-nous besoin aujourd'hui ?
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Nous avons besoin de changer nos modes de consommation. Nous avons besoin de changer nos modes d'alimentation. Nous avons besoin d'étendre notre rapport au temps. Pour autant, je ne crois pas que nous devrions travailler à changer ou à modifier nos besoins. Au contraire, je conçois le marketing comme la capacité à les retrouver, eux qui sont restés ancrés dans notre environnement et dans notre société. Ainsi, nous devons élargir nos perspectives, si l'on souhaite continuer à faire vivre le marketing. Échouer à cette vaste tâche reviendra à condamner cette discipline.
L'auteure : Clarisse Chotard. Étudiante en master de Marketing et Société à Sciences Po Paris, je m'intéresse à l'élaboration des stratégies durables et aux applications du marketing dans le cadre de la transition écologique pour ouvrir de nouvelles voies au service des entreprises à impact positif.
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