[Tribune] Que faut-il espérer du data driven marketing ?
Didier Farge revient sur les principales tendances liées à la collecte et à l'analyse de la data. Décryptage d'un secteur en croissance, estimé à 1,5 milliards d'euros.
Je m'abonneLa révolution digitale des entreprises passe par le marché désormais structuré de la data. Le data driven marketing est aujourd'hui un marché en pleine expansion et promet, grâce à une meilleure connaissance client, des campagnes omnicanales de plus en plus personnalisées. L'étude internationale de Winterberry (Global data driven marketing report by DMA 2014) montre que pour 81% des marketeurs, l'utilisation de la data est critique. En parallèle, 68% des marketeurs affirment consacrer un budget plus important pour la collecte et l'analyse des données l'année prochaine.
Le marché se structure également grâce à la nouvelle étude de la data conduite par Limelight consulting, sous l'impulsion de Mediapost. Elle confirme que pour la France, ce secteur estimé à 1,5 milliard d'euros est en croissance de 4,6 %, et de 22 % pour la partie diffusion et ciblage. Il est devenu un levier de croissance reconnu et le véritable instrument de la convergence on et off line.
L'explosion de la data est liée à sept tendances
Une mobilité plus forte que jamais
La data facilite le suivi du comportement d'achat en ligne: à la fois plus banalisé, mobile... mais aussi fragmenté. L'achat en ligne est aujourd'hui accessible à tous, y compris aux seniors. Le mobile n'y est pas pour rien. Aujourd'hui, quatre internautes sur dix consultent leur smartphone jusqu'à dix fois par jour, 12% des mobinautes prennent leur téléphone en main plus de 30 fois par jour (source Stratégies Summit 2015) et... plus d'un achat sur deux se prépare sur Internet. Même les plus de 65 ans représentent désormais 10% des internautes sur mobile (source: baromètre du marketing mobile de la Mobile marketing association). Ce customer journey, dont les points de contact sont toujours aussi nombreux, devient l'objet des principales études des grands groupes, via ce qui est communément appelé des audits du parcours client.
Le nombre d'e-mails envoyés baisse
L'utilisation de l'e-mail se régule: après un ralentissement de la croissance observé depuis 2010, le volume d'e-mails routés est en baisse pour la première fois en 2014 (-2,26% vs 2013), selon le SNCD. Peut-être envoie-t-on (enfin) moins de messages mais mieux ciblés.
La digitalisation des entreprises est en marche
Déjà 60% des entreprises ont entrepris leur digitalisation. Mais encore beaucoup ne savent pas où elles vont. À la différence des grandes entreprises, qui sont accompagnées par des experts (à 60%), les PME et TPE se sentent bien seules: seule une sur trois est accompagnée dans sa digitalisation. De plus, les enseignes avouent encore ne pas connaître leurs clients. Si toutes les entreprises veulent aujourd'hui avoir une DMP, l'outil est encore bien mal appréhendé par beaucoup.
L'émergence de l'intelligence artificielle
2014 a été nettement marquée par l'émergence de l'intelligence artificielle. Les systèmes cognitifs comme Watson IBM permettent de traiter les informations comme le ferait un être humain. Cette année a également vu l'arrivée (remarquée) de Google sur le marché des automates qui proposent de répondre à vos e-mails. Une vraie révolution.
La data, un sujet fort... même pour les personnalités politiques
La data a été en 2015 un sujet au coeur de toutes les préoccupations et de tous les discours. Y compris en politique. Pour preuve, les différents discours d'Axelle Lemaire et Emmanuel Macron. Invitée par l'association Technion France en Israël courant décembre, Axelle Lemaire a évoqué la stratégie du gouvernement sur l'économie de la donnée et a précisé que "la France manquait encore d'ingénieurs en big data". Elle y a par ailleurs confirmé son "objectif de placer la France en tête des nations qui produisent, réutilisent et développent des modèles économiques et des administrations fondés sur la donnée". La data a encore de beaux jours devant elle.
Le retour des Mad Men
Les agences de publicité ont aujourd'hui compris l'importance d'optimiser le potentiel de leur data. C'est le retour des Mad Men, ces fameux publicitaires de Madison Avenue! La notion d'émotion fait son apparition. "Big data plus big love equal big emotion", comme disait Kevin Roberts, executive chaiman de Saatchi, au salon de la DMA, en octobre dernier. Il est également question de la "technempathy", présentée par David Kepron, auteur de la "Retail évolution" lors du salon du commerce connecté #Conext à Lille. De l'empathie dans la technologie pour mieux répondre au client?
L'arrivée des premiers péages
L'émergence des ad blockers s'accompagne d'une nouvelle forme de péage dans le digital qui brouille les reportings et alourdit l'ensemble du process. Espérons que les mobilisations des différentes associations viendront à bout de ces initiatives.
Quel avenir pour la data?
En 2016, les marketeurs ne se demanderont plus comment optimiser, comment recibler ou cibler en fonction de l'historique. Ils chercheront davantage à prévoir les comportements futurs en se fondant sur de véritables modélisations: les data scientists seront toujours aussi recherchés. D'ailleurs, le nouveau règlement européen de protection des données personnelles prévoit la désignation obligatoire d'un data protection officer (ou DPO).
D'après l'institut Magna Global, la division étude de Mediabrands, le digital deviendra le premier média publicitaire de France. Et la plupart des investissements display en France devrait être programmatique. ?En 2016, les offres hybrides et la convergence seront des standards, comme c'est déjà le cas dans la presse.
Par ailleurs, en 2016, la connaissance client se fera par la connexion des DMP client avec d'autres DMP de prestataires. Autrement dit, ce sera le règne du lien entre les data, mais également de la convergence par l'expérience client, et de l'arrivée de l'intégration des algorithmes dans ses propres DMP. C'est ce qu'on appelle le bring your own algorythm (BYOA). Courant 2016, l'Internet des objets verra également ses premiers flux se connecter aux DMP.
Enfin, le machine learning continuera à faire parler de lui en 2016 avec la personnalisation toujours plus forte des offres et l'intégration du prédictif dans les modèles d'achat.
Voici mes trois conseils aux entreprises:
- Que le numérique soit une opportunité pour les TPE... et pas une contrainte ou une angoisse d'uberisation.
- Que le législateur sache bien identifier les effets de bord des superprotections client.
- Que nous sortions des logiques de rendement qui génèrent une surpression publicitaire alors que le marché et les clients demandent l'inverse.
Longue vie au data driven marketing !
Par Didier Farge, président fondateur de Conexance et président du salon #Conext de Lille.