[Tribune] "En 2025, les adblocks et le RGPD n'existeront plus"
Imaginez : vous êtes en 2025, le RGPD n'est plus d'actualité, les assistants vocaux se sont multipliés et les adblocks ont disparu. Catherine Michaud, CEO Integer France deTBWA groupe, dévoile ce scénario réalisable.
2025. Le RGPD n'existe plus. Les adblocks ont disparu. Google Home et Alexa ont des frères et soeurs. Les GAFA poursuivent leur R & D sur la transition numérique.
Ce scénario n'est pas un fantasme, c'est simplement le temps qu'il faudra entre 2018 et 2025 pour grandir sociétalement, légalement, commercialement, "marketinguement" et financièrement sur l'enjeu de la décennie : les data. Le mouvement est une lame de fond. Je vais tenter ici d'en analyser les aspects.
Du point de vue de la société
Lire aussi : Le site web est mort, vive le site web
Deux courants d'idées s'opposent aujourd'hui : ceux qui pensent que la société du choix est en train de se substituer à la société de l'enfermement. Que l'altérité disparait au profit de l'individualité mais d'une individualité inclusive qui, inlassablement, orientera les propositions des individus grâce aux algorithmes, brassant des terra octets de data, de plus en plus finement et de plus en plus vite. Et d'autre part, ceux qui pensent que l'évolution sociétale passera par les data, pour plus de proximité, plus de modernité et plus de simplicité.
Ce débat n'est pas que générationnel, il est plus que ça. Il est sociologique. Veut-on profiter de ce que la technologie permet à tout prix ou préfère-t-on s'en tenir à une vision plus philosophique, où l'humain doit et veut garder la main, quitte à ne pas exploiter toutes les magnifiques avancées technologiques que la data fait et fera ?
Du point de vue de la législation
Aujourd'hui on est en pleine mise en place de règlements destinés à protéger les données personnelles et apporter de la transparence. On s'attelle à faire la différence entre les data sensibles et les data personnelles. On encourage les acteurs de la data (géolocalisation et retargeting, en tête) à apporter les preuves tangibles de leur conformité avec ces engagements.
Demain sera différent. La législation sera digérée et intégrée par tous. Nous n'aurons plus besoin de lois pour que, nativement, les acteurs de la data d'un côté, et les citoyens de l'autre, soient matures et décisionnaires de la profondeur de ce qu'ils voudront partager avec les marques, les institutions, les organisations ou les communautés qu'ils auront sélectionnées. Le RGPD aura été un déclencheur, un lanceur d'alerte. Celui aussi qui aura obligé les acteurs de l'Europe à aller à Canossa et reconnaitre leurs faiblesses vis-à-vis des GAFA.
Lire aussi : Ready for the new generation ?
Aujourd'hui la boîte de Pandore est ouverte, les discussions s'animent, les politiques sentent la pression citoyenne. Les GAFA vont grandir et se plier aux lois, elles ont commencé, et nous devons leur faire confiance car leurs futurs collaborateurs seront nativement conscients de leur responsabilité sur leur propre génération et les générations futures.
Du point de vue du business et du marketing
Les data sont le nouvel eldorado des marques et de l'écosystème des acteurs du commerce et du marketing. Ne pas avoir une proposition en matière de data dans son offre, d'une manière ou d'une autre, est le signe de l'ancien monde. Le nouveau monde, lui, se construit sur un business où la data doit devenir un levier naturel, comme tous les leviers commerciaux et marketing. Quand on parle de data aujourd'hui, on est dans un business construit autour de la data. Demain, quand on parlera de Data, ce sera une variable dans le mix marketing et les leviers du commerce. Pas plus pas moins. Une data naturellement immergée dans l'offre ou le service. Aujourd'hui les CMO font des insomnies car il y a trop de questions sur la data, mais demain les CMO seront data compatibles, et data fluent.
Pas de panique, c'est un processus où tout le monde apprend en même temps. La seule obligation est de ne pas se laisser dépasser au prétexte que c'est un sujet technologique et informatique. Il faut l'inclure dans une logique marketing comme les autres variables d'un produit ou d'un service.
Financièrement
La data est sans doute ce qui génère aujourd'hui le plus de levées de fonds des Private Equity ou autre Family offices. Les start-up qui présentent des business plan avec les data comme moteur de leur innovation sont légion. La data paye, fait rêver les investisseurs, la bourse et les fonds de pension.
Lire aussi : 2023, année de la transition com' RSE ?
Pourtant certains déchantent car data ne veut pas dire big idea transformatrice ni business model infaillible. La data comme levier business doit être pensée avec les aspects vus précédemment : sociétaux, sociologiques, légaux, commerce et marketing. Vouloir en faire un business en soi est réservé aux meilleurs, ceux qui sont là depuis longtemps. On reparle ici des GAFA. Leur longueur d'avance leur permet de penser à demain, de voir comment la data doit évoluer pour permettre des business model durables.
Et, donc ?
Si la data est entre de bonnes mains, on comprend pourquoi les adblocks, le RGPD ou autres lois n'auront plus besoin d'exister. Parce que nous serons collectivement conscients des bornes à respecter. Les assistants vocaux pourront se multiplier sans que l'on pense que nous sommes espionnés. Les GAFA seront devenues vertueuses et mettront les Data au service de la transition énergétique, de la paix et des populations fragiles. "Beyond data" sera "data for good".
L'auteur : Catherine Michaud a démarré sa carrière au sein de TBWA dans l'agence Téquila (Marketing Services) et prend la direction générale de l'agence en 1995. Le développement de l'agence sera l'une de ses missions clefs. En 2002, elle prend la présidence de FKGB (rachetée en 2001 par TBWA), agence spécialisée sur le secteur de l'Entertainment et conduit une réorientation stratégique du modèle économique. En 2004, elle rejoint le groupe High Co spécialisé dans le secteur de la distribution, pour prendre la présidence des agences de marketing services du groupe. Elle lancera le chantier du repositionnement du pôle. En 2009, Catherine Michaud revient dans son groupe d'origine, TBWA, pour prendre la vice-présidence de Tequila et opérera en douceur une fusion de l'entreprise avec TBWA Paris. Début 2010 elle fonde son agence, XL, Consulting Marketing, Relation Client (CRM, Big Data), Shopper Marketing, au sein du groupe TBWA. En janvier 2014, elle prend la Présidence d'Integer France en fusionnant son agence XL et Integer pour créer Integer France, agence experte en shopper et retail marketing. Catherine Michaud est administrateur de l'AACC et président de la délégation Customer Marketing.
Elle fait partie du réseau "Génération Femmes d'Influence".
Sur le même thème
Voir tous les articles Data