Prévoir le futur, la nouvelle science des marketers (1/2)
Le marketing prédictif est-il la nouvelle expression à la mode? "Le concept n'est pas nouveau, analyse Pierre Formosa, directeur innovation d'Umanis, consultant en ingénierie. Ce qui a changé, ce sont surtout les nouvelles opportunités qu'offre le digital et les incroyables capacités du big data en termes de faculté de traitement sur des volumes de données gigantesques."
La révolution est en marche, mais que se cache-t-il derrière cette nouvelle ère du marketing? Remisez boules de cristal et autres approches ésotériques, le marketing prédictif s'appuie sur la construction de modèles fondés sur l'analyse des données - transactionnelles, comportementales, conversationnelles, contextuelles... -, pour, à partir, " d'une expérience personnelle passée, proposer la meilleure expérience future aux consommateurs, c'est-à-dire des offres hyperadaptées, au bon moment, par le bon canal ", complète Frédéric Boy, directeur général de Widmee, solutions de marketing digital pour le secteur banques-assurances. En d'autres termes, il s'agit de détecter les signaux faibles et de "probabiliser" les comportements futurs - appétence ou attrition - grâce à de puissants algorithmes...
Sans oublier de définir en amont ses objectifs et les résultats attendus. "Mais la majorité des pofessionnels n'en est qu'aux prémices, confirme Vincent Luciani, fondateur du cabinet de conseil en digital et data marketing Augusta Consulting. Le marketing prédictif fonctionne bien en silos, actuellement, sur les réseaux sociaux ou dans la gestion de la base CRM. L'enjeu est de croiser les sources de données et d'intégrer les réflexions du marketing prédictif pour une base unique." À vos marques, prêts, partez!
Que faut-il en attendre?
Le marketing prédictif fait office de Graal pour les professionnels du secteur, désireux de mieux connaître les consommateurs et leurs comportements passés, présents et, in fine, futurs. "Il s'agit d'un ensemble de techniques permettant d'induire un comportement donné à partir d'un jeu d'informations parcellaires", résume Marc Désenfant, directeur général d'Actito, spécialiste en solutions de gestion des campagnes marketing en mode SaaS. "Ainsi, il faut identifier des signaux forts et/ou faibles, poursuit-il, et en déduire qu'un consommateur lambda a plus de chances que la moyenne d'acheter tel produit ou, au contraire, plus de risques de délaisser la marque."
Lire aussi : [Tribune] Marketing prédictif : quand le "Big Data" anticipe les (ré)actions des consommateurs
Le principe, donc, pour les marketers: détecter des moments de vie et anticiper ce que le prospect ou le client a envie d'entendre et d'acheter, puis adapter sa communication d'offres ou de produits en conséquence, sans oublier le sacro-saint duo: le bon moment, par le bon canal. L'objectif est évident: acquérir de nouveaux clients et réduire l'attrition.
"L'évolution des technologies introduit au sein des entreprises un changement de paradigme, analyse Pierre Formosa (directeur innovation d'Umanis). Hier, l'entreprise était basée sur le mode de la compréhension des phénomènes a posteriori; aujourd'hui, elle doit se mettre en position d'anticiper, voire de deviner, ce que va être le comportement client, et si possible, avant le client lui-même!"
Amazon, et son système prédictif d'envoi de colis, fait figure de modèle en la matière. Le leader de l'e-commerce collecte, ainsi, des données sur les clients - historique des achats et des retours, produits placés dans le panier, recherches et, même, temps passé par le curseur de la souris sur un produit - afin de prévoir les achats futurs, et d'acheminer, en amont de la potentielle commande, le produit dans un entrepôt proche du client. Outre la technique du cross-selling, "l'une des principales applications du marketing prédictif est l'anticipation du taux de churn, c'est-à-dire la capacité à identifier les clients sur le départ et à réagir pour les retenir", explique Guillaume Cholet, président de l'agence marketing Loyalty Company.
Retenir les clients sur le départ
À l'instar d'Axa France, qui identifie les clients "fragiles", aptes à passer à la concurrence ou à une autre offre de l'entreprise. "Depuis quelques mois, nous avons "onboardé" près de 2 millions de nos clients dans notre DMP, ce qui nous permet de connaître et d'analyser leurs comportements en tant qu'internautes, précise Antoine Denoix, directeur digital, CRM et data Axa France. Il est précieux, par exemple, d'identifier les clients qui consultent les conditions tarifaires sur notre site web ou mobile." Mais ce n'est pas la seule application, pour le groupe international français d'assurances: "Grâce au recours à des technologies de type big data et à diverses sources de données, nous sommes plus performants pour détecter des moments de vie tels qu'un déménagement ou un changement de véhicule, et donc, pour adresser des messages plus ciblés", poursuit-il.
Pour aller plus loin:
Quand la data change le panorama de l'acquisition et de la fidélisation
Outre la fidélisation, Axa travaille, depuis six mois, le "ciblage d'acquisition". Le principe: le calcul d'un score correspondant à la valeur économique potentielle d'un prospect s'il devenait client, alors qu'il remplit un formulaire de devis sur axa.fr. "Une fois le score calculé, nous le communiquons aux régies publicitaires digitales et leur demandons d'aller chercher tous les internautes ayant un score similaire, sur le principe du look alike", explique le spécialiste. C'est ainsi qu'Axa a multiplié par deux la part des prospects à forte valeur ciblés, sur certains leviers d'acquisition.
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Le marketing prédictif s'appuie sur des technologies qui recueillent et traitent les données. Première étape, la chasse aux data "froides" (CRM) et "chaudes" (audience)... mais, dans les règles de l'art, comme l'illustre Bruce Hoang, directeur de la stratégie data d'Orange France, qui conçoit le marketing prédictif comme un outil d'amélioration de l'expérience client non intrusif: "En tant qu'opérateur, nous sommes soumis à des règles strictes quant à la collecte et au traitement des données, rappelle-t-il. Si nous voulons croiser les données CRM avec les données de navigation, nous devons demander l'autorisation du client. Nous analysons donc l'ensemble du parcours client aux bornes du réseau." Pas question, dès lors, de surveiller la navigation des visiteurs ; seules les interactions sur les sites sont prises en compte.
Pour les marques, la base est de s'appuyer sur de bonnes données - transactionnelles - et fiables, auxquelles s'ajoutent les données propriétaires collectées on line, comme les clics, les ouvertures de mail ou les ajouts de panier, ainsi que les données tierces. "Avec son accord explicite ou en informant clairement l'internaute, nous collectons les données de navigation de l'ensemble de l'écosystème du client: la galaxie des sites web, le mobile et les réseaux sociaux", confirme Daniel Breton, directeur général de Cabestan et du pôle data de Mediapost. "Nous savons monitorer en temps réel des échanges sur les réseaux sociaux ou analyser les verbatims recueillis par un call center", précise Pierre Formosa (Umanis).
Autres données, et non des moindres, celles de contexte. Ainsi, Orange expérimente depuis un an et demi l'analyse prédictive pour anticiper le foudroiement de ses box internet, TV et téléphone, et croise ses données client (CRM) avec les données météorologiques. "Avant un orage, nous envoyons un e-mail et un SMS à nos abonnés afin qu'ils débranchent leur Livebox et les prises de cuivre qui conduisent la foudre, explique Bruce Hoang. Ainsi, 30 000 box ont été sauvées. Après l'orage, nous croisons ces données avec celles d'impact de foudre: nous vérifions que les Livebox situées sur ces zones géographiques fonctionnent et les remplaçons, le cas échéant." Résultat: "Un ROI de trois pour un, sur les huit premiers mois", révèle Bruce Hoang, soit, pour un euro investi, trois récupérés.
Existe-t-il un nombre de données minimal pour se lancer? "Non, répond Vincent Luciani (cofondateur d'Augusta Consulting). L'important est de travailler sur la donnée la plus fiable, et de connaître le degré de confiance que l'on peut attendre du segment de données que l'on utilise." "Il est difficile de travailler sur des données éclatées et redondantes, remarque aussi Frédéric Boy (Widmee). C'est le niveau de maturité - données organisées, segmentation claire - qui conditionne la réussite d'un projet de marketing prédictif."
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