Les emplois du marketing direct menacés par Bruxelles
La Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a adopté la proposition de règlement européen sur les données personnelles. Le SNCD dresse le bilan des risques que ce texte fait peser sur le profession.
Je m'abonne" 75 % des chefs d'entreprise ne connaissent pas les règles qui touchent au marketing direct. " À l'heure où l'on promet un "choc de simplification", le vice-président délégué du SNCD, Éric Huignard, ne décolère pas. Il préférerait que l'on privilégie l'information auprès des professionnels sur la législation déjà en vigueur " plutôt que d'empiler de nouveaux textes ". Et d'indiquer qu'il n'a rien contre le renforcement de la protection du consommateur. C'est même le contraire. Mais il déplore qu'une fois encore " les hommes politiques réagissent à chaud sur des scandales qui portent atteinte à la vie privée des citoyens sans mesurer que leurs prises de position ont des effets négatifs sur les métiers du marketing direct ". Des emplois sont en jeu.
La proposition de règlement européen sur les données personnelles a franchi une nouvelle étape. Depuis l'adoption du texte au mois d'octobre dernier par la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), le Parlement européen est désormais mandaté pour négocier un compromis avec le Conseil européen. Ce dernier doit maintenant arrêter une position commune pour démarrer la discussion. " Aujourd'hui, nous sommes dans une incertitude totale concernant le calendrier, explique notre interlocuteur. Nous risquons à tout moment qu'une affaire liée à la donnée éclate et accélère l'adoption de ce texte. "
Si l'action concertée des organisations professionnelles a permis d'obtenir des avancées sur cette proposition, certaines mesures sont considérées comme un recul. Quatre dispositions de la loi auront un impact sur le marketing direct.
Bonne nouvelle, dans le texte adopté par la commission LIBE, le consentement explicite n'est plus requis pour faire du marketing B to B, postal ou encore proposer des produits et services similaires. Le principe de l'opt-in est, donc, abandonné pour reconnaître "l'intérêt légitime à collecter des données" des entreprises.
En revanche, le texte introduit l'obligation d'indiquer la source de la collecte de la donnée. Concrètement, l'annonceur devra faire figurer, dans ses communications directes, le nom de l'entreprise qui lui a loué son fichier. " Cela posera un problème pour l'annonceur, qui ne souhaite pas forcément être associé à un prestataire issu d'un secteur qui n'est pas glamour ou se trouve en difficulté. Le propriétaire de la base n'aura pas non plus envie d'être associé à certains annonceurs. Le consommateur peut croire que les produits proposés sont soutenus par celui qui a loué le fichier ", affirme Éric Huignard. Autre demande étonnante : la mise en place d'une signalétique pour prévenir le consommateur d'une utilisation de ses données personnelles. Éric Huignard souligne que le législateur est seulement " en train de stigmatiser tous les opérateurs liés à la donnée alors que la data est le fondement de notre économie ". Et d'illustrer par l'exemple que " tous les formulaires et contrats devront mentionner cet avertissement. Un commerçant qui collecte de la donnée pour son propre compte sera contraint d'imprimer en quadri cette signalétique aberrante ".
Des décisions "absurdes"
Autre disposition tout aussi pénalisante : celle qui consiste à imposer un opt-out sur le profiling. En clair, le consommateur pourra refuser que l'on utilise ses données personnelles à des fins marketing. Éric Huignard est ici vent debout : " Cela signifie, par exemple, que l'on ne pourra plus faire une segmentation hommes / femmes pour cibler les consommateurs ou que l'on ne pourra plus faire d'offres commerciales en tenant compte de leurs derniers achats. C'est absurde ! " Il est vrai que les personnes alertées ainsi ne savent pas que cela ira très souvent aller à l'encontre de leurs propres intérêts.
Enfin, le renforcement des obligations pour les responsables de traitement de la data est vu comme un sujet très problématique. Car l'entreprise devra envoyer la demande de rectification et d'effacement des données du consommateur sur Internet aux parties qui utilisent le même fichier. " Cela alourdit la charge des prestataires, et c'est techniquement compliqué à mettre en oeuvre ", ajoute Éric Huignard. D'autant plus que l'éditeur du site devra démontrer qu'il a pris toutes les mesures pour appliquer la législation.