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Bryan Pearson, LoyaltyOne: "Beaucoup d'entreprises échouent à personnaliser la relation client"

Le p-dg de LoyaltyOne, prône une meilleure utilisation de la data afin de créer une expérience client unique et personnalisée. L'auteur du livre “The Loyalty Leap” faisait partie des orateurs à la convention annuelle de la Direct marketing association à Las Vegas.

Publié par Florence Guernalec le | Mis à jour le
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Bryan Pearson, p-dg de LoyaltyOne.
Bryan Pearson, p-dg de LoyaltyOne.

Quelle est l’activité de LoyaltyOne ?
Notre rôle est d’enrichir les interactions entre les marques et les consommateurs. Nous aidons les entreprises à créer ou revoir leur programme de fidélité. Nous analysons aussi la data d’enseignes très fréquentées comme les épiceries et les pharmacies afin d’optimiser leurs revenus. Enfin, nous gérons également le programme de fidélisation commun, Air Miles, au Canada. Nous sommes désormais présents au Brésil et en Inde où nous sommes en train de monter un programme similaire à Air Miles.

Dans votre livre "The Loyalty Leap" (1), vous prônez "l’intimité client"…
Je suis parti de la définition de Michael Treacy et Fred Wiersema (2) qui ont mis en lumière trois stratégies qui guident les entreprises : l’efficacité opérationnelle, le leadership sur les produits et l’intimité client. Les entreprises doivent être compétitives dans ces trois domaines, mais les entreprises qui se concentrent sur l’intimité client, se définissent autant par les produits et les services qu’elles commercialisent que par la façon dont elles interagissent avec leurs clients : elles utilisent l’information collectée sur leurs consommateurs pour s’adresser différemment à eux et mieux répondre à leurs besoins. Grâce à cette connaissance client, vous créez une différence compétitive. Et au final, cela signifie davantage de bénéfices pour les marques.

Vous recommandez aux enseignes de mieux exploiter les données clients…
Oui, car aujourd’hui, beaucoup d’entreprise échouent à personnaliser la relation client. Elles ont tendance à trop se concentrer sur les process de production et oublient de se focaliser sur leurs consommateurs : qui ils sont et ce qu’ils demandent. La qualité de la data est, pourtant, capitale pour créer une expérience client unique et plus pertinente. Puisque nous sommes à Las Vegas, prenons l’exemple des casinos Caesars. Ils ont réussi à individualiser l’expérience client en personnalisant leurs offres et leur communication en fonction des différents profils : celui qui vient de New York pour jouer, celui qui habite sur place et se rend au Casino pour diner ou voir un spectacle etc. Ils traitent différemment les gros parieurs de ceux qui jouent peu et dépensent peu d’argent.

Les consommateurs sont réticents à partager leurs informations personnelles avec les marques…
Notre étude (3) montre que les clients souhaitent être récompensés en échange des informations qu’ils donnent aux entreprises. Le bénéfice attendu ne doit pas être forcément un programme de fidélité, cela peut être de meilleurs services, de meilleures informations... Par exemple, le magasin de chaussures Ecco ne propose pas de programme de fidélité, mais à chacun de mes achats, les vendeurs me demandent mon numéro de téléphone mobile. Ils exploitent, de manière élégante, mes achats passés et les informations dont ils disposent. Lorsque j’ai acheté des chaussures de golf, ils m’ont conseillé de prendre un imperméabilisant, mais j’étais presque certain d’en avoir déjà. Alors le vendeur m’a simplement demandé mon numéro de mobile pour vérifier et s’apercevoir que je n’avais pas ce produit. Du coup, chacun y a trouvé son compte : ils sont 14 dollars plus riche et je n’ai pas eu à retourner au magasin pour m’en procurer. Au final, j’ai eu une très bonne expérience client sans avoir besoin de souscrire à un programme de fidélité.

Dans votre livre, vous distinguez "la fidélité comportementale" de "la fidélité émotionnelle"…
Beaucoup d’entreprises font l’erreur de croire que les achats répétés d’un client mesurent sa fidélité à la marque alors qu’il s’agit simplement d’un comportement. Combien de fois une compagnie a-t-elle perdu ce type de clients ? Et quand l’entreprise l’interroge, celui-ci répond qu’il était satisfait de son offre mais il en a trouvé une plus pratique ou meilleure ailleurs…. Alors que si vous connaissez mieux vos clients, si vous êtes capable d’engager une relation avec eux – et c’est aujourd’hui possible grâce à la data que vous collectez - vous avez davantage de chances de créer un attachement à votre marque . Votre client n’est pas seulement satisfait, il est impliqué, engagé. Nous passons alors d’une fidélité comportementale à une fidélité émotionnelle.

Comment expliquez-vous le succès de votre programme de fidélisation mutualisé qui touche 70% des foyers canadiens ?
Air Miles représente vingt ans de travail pour créer un savant équilibre entre les intérêts des entreprises partenaires et ceux des consommateurs. C’est un peu comme un jeu de labyrinthe à bascule : vous devez tourner la table légèrement pour créer un mouvement tout en gardant un équilibre. Si le programme est trop à l’avantage des entreprises partenaires, cela ne mène nulle part, idem, si s’il est trop favorable aux consommateurs, les entreprises ne vont pas l’aimer... Nous faisons en sorte que notre offre soit intéressante en termes d’entreprises partenaires, de récompenses, et de type de programme afin de favoriser les dépenses. De plus, nous respectons les informations dont nous disposons sur nos membres. Nous n’avons jamais vendu notre liste à qui que ce soit.
Notre succès tient aussi à la stabilité du management de ce programme. Je dirige la compagnie depuis cinq ans mais je travaille au service client et au marketing de ce programme depuis le début. Nous avons eu seulement trois p-dg en vingt ans. Durant tout ce temps, nous avons poursuivi la même stratégie avec un zèle de missionnaire et une vraie passion pour le concept. Il existe une vraie cohérence dans l’exécution et un même but derrière ce business.

Le programme a beaucoup évolué depuis 1992…
Notre succès tient aussi au fait que nous n’avons jamais cessé d’innover que ce soit en matière de canaux de communication et d’utilisation de la data. Voici vingt ans, l’e-mail n’existait pas, aujourd’hui, nous disposons de la plus importante base de données opt-in au Canada. Voici vingt ans, Facebook n’existait pas, aujourd’hui nous sommes dans le top cinq des pages les plus « likées » au Canada. Voici vingt ans, les données collectées sur les clients ne permettaient pas d’atteindre le même niveau de complexité et de créer une expérience en one-to-one. Aujourd’hui, nous disposons d’une base de données complète qui descend jusqu’au niveau d’un produit pour certains de nos partenaires et nous personnalisons notre communication afin de rendre l’expérience client plus pertinente. Les membres apprécient ce qu’ils reçoivent en échange de leurs données : seulement 10 000 foyers sur 10 millions refusent de recevoir toute communication.

Depuis mars dernier, vous proposez des réductions en magasin…
Auparavant, les membres recevaient des cartes cadeau, ils devaient attendre de la recevoir avant de pouvoir l’utiliser. Certains nous ont fait savoir qu’ils souhaitaient utiliser leurs récompenses immédiatement en magasin. De façon pratique, nous avons dû mettre sur pied la technologie qui permette aux consommateurs de bénéficier instantanément de ces réductions. C’est facile à faire pour un programme de fidélité d’une marque, quand cela concerne, comme nous, plus de 120 enseignes, il faut gérer les compensations dans des environnements informatiques différents…

Les récompenses monétaires vont-elles devenir le nouveau standard des programmes de fidélisation ?
Lorsque que vous rassemblez 70% des foyers, vous avez toute la variété des profils possibles : les consommateurs au revenu confortable, qui souhaitent accumuler des miles pour des vols gratuits ; ceux qui préfèrent bénéficier de réductions immédiates sur leur facture d’essence ou leurs courses. Compte tenu de ce large spectre de consommateurs, nous devons proposer un large choix. Je suis notamment convaincu que les cartes cadeaux, le merchandising, les voyages, vont devenir des éléments différenciants. Pour nous, tout l’enjeu consiste à trouver des récompenses et mécanismes nouveaux et excitants pour les consommateurs, et de leur envoyer un message pertinent qui reflète ce qu‘ils sont et quels genres de récompenses ils souhaitent.

Vous avez également créé un programme autour de l’écologie… Vendre de bons produits n’est plus suffisant, il faut y ajouter une dimension émotionnelle ?
Il est évident que si les marques parviennent à créer un lien émotionnel positif avec les consommateurs en associant leurs produits à une cause qui les touche directement, vous augmentez votre potentiel de ventes. Nous avons démarré Air Miles Planet voici trois ans parce qu’il y avait à l’époque une mobilisation autour de l’écologie et du changement climatique. Ce programme incitait les consommateurs à acheter une sélection de produits verts en échange de miles. Mais, nous nous sommes aperçus que ces préoccupations n’étaient pas suffisamment rassembleuses. Beaucoup de consommateurs souhaitent faire de meilleurs choix, pas forcément le meilleur...

Vous avez alors créé le programme Air Miles for social change…
Nous nous sommes demandé comment nous pouvions tirer parti de notre taux de pénétration et de notre connaissance client pour aider les personnes qui défendent une cause. Nous avons alors lancé Air Miles for social change. Nous avons ainsi travaillé avec la Heart & Stroke Foundation qui lève de l’argent pour la recherche, le gouvernement de Colombie britannique et les enseignes d’alimentation qui sont nos partenaires. La fondation a fourni les informations pour inciter les consommateurs à choisir les meilleurs produits pour leur santé, le gouvernement a financé les bons de réduction. Cette opération a permis d’augmenter les ventes des produits recommandés et de sensibiliser nos membres sur ces questions. Nous avons également travaillé avec l’autorité de l’énergie sur une campagne destinée à inciter nos membres à économiser l’énergie. Nous avons obtenu une réponse sept fois supérieure à la campagne menée précédemment pour un coût équivalent au tiers.

Quelle est la place de votre page Facebook dans votre stratégie ?
Nos membres s’y retrouvent pour raconter comment ils sont obtenu des points et des miles. Ils y parlent des offres spéciales. Au démarrage, nous l’avons utilisé comme un canal de relation client. Puis, nous avons graduellement évolué vers un canal plus marketing. Ce réseau social s‘avère un canal efficace. En effet, nous avons croisé nos données avec celles de Facebook - notamment les profiles Facebook, les likes… - afin d’établir un lien entre l’activité sur le réseau social et le comportement d’achat. Et nous avons démontré que les interactions sur Facebook génèrent des ventes additionnelles et conduisent à un meilleur retour sur investissement.

Les consommateurs sont de plus en plus influencés par les avis postés sur les réseaux sociaux. En quoi cela modifie la communication des marques ?
Cela contraint les entreprises à être plus attentives aux demandes des consommateurs. Et cela les oblige à faire preuve d’authenticité comme jamais car il devient de plus en plus difficile de faire de fausses promesses sur vos produits et services. Vous êtes obligé de remplir les attentes que vous avez créées sur votre marché. Comme marketeur, je trouve cela génial !

(1) "The Loyalty Leap" de Bryan Pearson, Portfolio/Penguin, 263 pages
(2) « The discipline of Market Leaders » de Michael Treacy et Fred Wiersema
(3) « Customer data : privacy, profit and the new paradigm », LoyaltyOne, septembre 2012

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