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[Tendance] Du luxe made in ailleurs

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[Tendance] Du luxe made in ailleurs

Signe que le marché du luxe devient de plus en plus mature, les pays dits émergents ne se contentent plus du chic à l'européenne et plébiscitent des marques autochtones. Grisées par leur succès national, ces dernières se tournent désormais vers l'étranger.

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En Afrique, en Amérique latine et en Asie, des marques autochtones haut de gamme commencent à se faire un nom et à émerger sur la scène internationale, notamment en Europe, terre historique du luxe. Un phénomène qui contribue à remettre en cause "un certain européocentrisme du secteur", selon Christophe Rioux, directeur du pôle luxe et création à l'ISC Paris. Habituellement associé à des produits de mauvaise qualité, le made in China voit ainsi peu à peu son image rehaussée grâce au développement, ces dernières années, de marques de luxe et premium. Les plus connues sont aujourd'hui Longio pour les montres, Ne Tiger en haute couture ou Herborist en cosmétique.

Autrefois exclusivement attirée par les firmes connues mondialement, la frange aisée de la population chinoise devient plus exigeante et se tourne désormais vers des marques domestiques haut de gamme telles que Moutai, un alcool blanc qui figure à la 13e position dans le classement Hurun des marques préférées des millionnaires chinois. Juste derrière Prada et devant Tiffany.

Luxe: l'Eldorado chinois ?

"Certains Chinois, riches depuis deux ou trois générations, maîtrisent maintenant tous les codes du luxe, explique Christophe Pradère, directeur de BETC Design. Ils ont un rapport plus fin et personnel au produit". Une tendance renforcée par les lois de moralisation imposées par le gouvernement pour lutter contre la corruption. Fini le bling-bling. Désormais, le premier critère, pour trois acheteurs chinois de produits haut de gamme sur quatre, est la qualité, selon une étude du cabinet de stratégie Simon Kucher & Partners, publiée en janvier 2014. Le développement des marques chinoises de luxe surfe également sur le "China pride", la fierté d'être chinois. "Quand un pays devient mature, il veut retrouver ses racines", poursuit Christophe Pradère.

Shang Xia, le luxe venu de Chine

Les produits remettant au goût du jour les traditions, le savoir-faire et l'histoire du pays sont donc prisés. Shang Xia (créée par Hermès) fait ainsi appel aux meilleurs artisans pour créer des vêtements de cachemire, des fauteuils en bois de rose ou des porcelaines fines tressées de bambou. Qeelin réinterprète en joaillerie les symboles chinois hérités des mythes et des superstitions. Le chausseur brésilien Carmen Steffens a investi 10 millions d'euros pour s'implanter en France, tout comme le joaillier H.Stern, dont l'égérie est Diane Kruger. Le Qatar, via le Qatar Luxury Group, a lancé en 2013 la marque Qela, qui affiche clairement des ambitions internationales. En Afrique du Sud, la toute jeune marque Yswara est, elle aussi, promise à un bel avenir (voir l'interview de sa fondatrice Swaady Martin-Leke page suivante).

Dans l'escarcelle des groupes européens

"Quand une marque locale commence à faire ses preuves, elle est souvent rachetée par des géants du luxe", explique Christophe Rioux. Ainsi, Richemont détient la marque hongkongaise Shangai Tang depuis 1994. Kering a fait l'acquisition de LVMH de Wenju, un alcool chinois, dès 2007, et de Qeelin fin 2012. Hermès a adopté une autre approche, en créant la marque Shang Xia. "Ces différents rachats s'expliquent par la nécessité pour ces marques locales d'être distribuées", affirme Christophe Pradère. Quant aux grands groupes, ils y voient une opportunité d'accéder à des marchés devenus plus ­sophistiqués.

INTERVIEW: Swaady Martin-Leke, fondatrice d'Yswara

Cette ancienne directrice de General Electric au sud du Sahara est lauréate du grand prix PME Or de l'Adetem en 2013. Swaady Martin-Leke souhaite contribuer au rebranding de l'Afrique grâce à Yswara, sa marque sud-africaine de thés de luxe.

Pourquoi avez-vous lancé votre marque, il y a deux ans ?
L'Afrique est aujourd'hui le plus gros exportateur de thé au monde mais il n'existait jusqu'alors aucune marque de luxe locale. Certaines plantations de thés orthodoxes avaient même tendance à disparaître. Pour moi, le luxe est un vecteur de promotion de la culture d'un pays. Nous souhaitons transformer nos matières premières localement, préserver les savoir-faire qui existent en Afrique, un continent à l'histoire riche et méconnue.

Quelle est votre stratégie marketing ?

Notre positionnement de marque repose sur la création du concept de luxe "ubuntu", une philosophie africaine qui signifie : "je suis parce que nous sommes". Ce qui unit les différentes cultures africaines, c'est cette notion de communauté. Nous aimerions que cette marque appartienne à tous les Africains. Nous proposons, par exemple, des petits paquets de thé pour que ceux qui ont peu de moyens puissent acheter une partie d'Yswara.

En tant que pionnière de l'industrie du luxe en Afrique, comment appréhendez-vous son ­développement, aussi bien sur le plan local qu'international ?
Il y a trois ans, tout le monde me disait que parler de luxe en Afrique était une hérésie. Or, avec l'augmentation du pouvoir d'achat, cette industrie va considérablement se développer d'ici cinq à dix ans. Toutes les grandes marques occidentales sont déjà présentes. Mais les Africains sont aussi très demandeurs de marques autochtones. À l'international, nous sommes présents sur quatre continents et dans dix pays. Pour réussir à l'étranger, nous devrons solutionner les problèmes de logistique, mais aussi faire changer les mentalités. L'Afrique ne se résume pas à des produits ethniques ou tribaux.

 
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