Tribune libre " French ego or not go ? "
Paris, nouvel eldorado des marques anglo-saxonnes ? La ville devient la proie des marques américaines et anglaises : Abercrombie & Fitch a ouvert en mai dernier, Banana Republic arrive le 8 décembre prochain sur les Champs-Elysées et Mark & Spencer vient de faire son grand come back.
Je m'abonneEric Bonnet, directeur associé d’ID&CO* (agence de design gloabal créée en 2008 au sein du groupe Nomen) signe ici une Tribune Libre sur l’implantation des marques américaines et anglo-saxonnes à Paris à travers divers points de ventes ou concept-stores. Il capitalise sur une expérience publicitaire et identitaire en agences (BETC Euro RSCG, TBWA, Plan créatif) et a travaillé chez l'annonceur annonceur (L’Oréal, Peugeot, Chanel…). Il a à son actif les créations et l’accompagnement du lancement d’identités corporate (Mersen, BGE, Blackbody, L’Esprit Jardiland, Nacarat, Sferen…) comme de marques de produits et services (pour les groupes La poste, SNCF, AIR France).
Les Américains, principalement, débarquent à Paris sans se soucier de l’aspect culturel ou quand les concepts marchands doivent s’adapter à la culture du pays…
Les créateurs américains investissent la capitale de la mode, Alexander Wang au Printemps, Reed Krakoff, en maroquinerie, Frye, le bottier et Club Monaco, marque du groupe Ralph Lauren sont dans les grands magasins du boulevard Haussman.
Succès de fréquentation, (qui n’a pas eu l’occasion d’observer avec étonnement les files d’attente) mais échec financier : Abercrombie affiche des résultats médiocres. La rumeur court sur un éventuel retrait de la marque… compte tenu de l’investissement cela m’étonnerait fort. Le concept marchand est pourtant une déclinaison de ce qui se fait dans les autres pays du monde (Etats Unis, Japon, Angleterre…).
Les prix sont très élevés mais ils le sont tout autant à Londres où la marque y est installée depuis des années. Pourtant la relation créée entre la marque et le consommateur est plus forte, plus vraie avec une enseigne qui investit une surface en nom propre versus un corner.
La relation entre une marque et ses clients doit refléter, ou magnifier le mode de vie, les attentes, les tendances. Y a t il eu des études menées sur le comportement d’achat des Français, des touristes ? Le copier/coller d’un concept marchand d’un pays à l’autre n’est pas une garantie de succès. A l’heure où les réseaux se développent, s’internationalisent, il convient également de mesurer les freins sociologiques et culturels. L’enseigne doit montrer un intérêt spécifique pour la cible: apporter des signes par le design que la marque est en France (et si Abercrombie personnalisait un tee shirt collector « Paris », comme le fait Starbucks avec ses tasses dans chaque ville ? Et si dans le design intérieur une spécificité française ou européenne apparaissait ? Et si il y avait une collection « must have » designée par un jeune créateur ?
Se donner du temps…(si la marque en a les moyens.) Du temps pour que le consommateur non accoutumé au concept « sombre, boite de nuit, au parfum identitaire et entêtant, à différents étages, accueil par des gogos à l’entrée (code des bars newyorkais) » s’y habitue. Nous, les Français, ne sommes pas téméraires. Nous voulons le changement en conservant ce que nous sommes, ce que nous avions. Nous mettons du temps à digérer les innovations mais une fois assimilées, nous devenons des fans absolus et nous dépassons même les moyennes internationales d’utilisation (exemple : la téléphonie mobile ou internet où nous avions un retard considérable).
Plus la mondialisation va s’amplifier, plus le client aura besoin d’individualisation. Le consommateur est schizophrène, il veut appartenir à une communauté, se reconnaître dans une marque et affirmer sa propre personnalité. Le consommateur sera rassuré d’appartenir à une communauté mondiale, et de pouvoir se reconnaître dans une marque si celle-ci lui donne aussi des « signes » qu’il est différent, qu’il a des spécificités. Abercombie & Fitch, tout comme les enseignes françaises qui s’installent à l’étranger (Lacoste, Petit Bateau, Le coq sportif…) devront tenir compter de ses nouveaux paramètres.
* Les métiers d'ID & CO définition du fond de marque, positionnement de communication, création d’identité visuelle et de charte graphique, design d’environnement (architecture), signalétique, packaging et communication de lancement.