Quelles tendances alimentaires pour demain?
A l'encontre des idées reçues, quatre signes tendanciels majeurs se dégagent en matière de prospective alimentaire.
Je m'abonneLa fin de la mode “Terroir et tradition” pour plus de modernité
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Les quinze dernières années ont marqué le
consommateur. Des crises alimentaires majeures se sont succédé, depuis celle de
“la vache folle” au début des années 90, à la grippe aviaire aujourd'hui, en
passant par la salmonellose. Pour se rassurer, le consommateur attend
logiquement des produits
qui lui garantissent leur innocuité. A ce titre, il y a une dizaine d'années,
il a fait bon accueil à tous les produits empreints de naturalité, synonyme
pour lui de moindre transformation industrielle. Ce fut l'époque de l'émergence
du “bio”, du “terroir et tradition”, notions qui rassuraient un consommateur
pour qui industrialisation en alimentaire était forcément suspecte.
Est-ce
l'offre pléthorique (37 % des nouveaux produits français de 2002
se réclamaient du terroir ou de la tradition (1)) ? Est-ce l'utilisation
abusive de l'argument par les industriels ? Toujours est-il que l'on s'aperçoit
aujourd'hui que cette stratégie ne suffit plus à rassurer le consommateur, qui
réclame de plus en plus d'informations.
A l'inverse même, l'industrialisation ou la transformation des produits
pourrait être un gage de sécurité. Nous nous orientons donc vers une nouvelle
forme de naturalité, plus moderne, qui s'est débarrassée des codes passéistes
et rétrogrades. Une évolution qui touche à la nature
des produits, à leur positionnement
(une boisson naturelle peut désormais s'appeler Fluo !), au process de
préparation (la cuisson vapeur au micro-ondes)
et bien sûr au packaging (le kraft et
les représentations paysannes laissent
de plus en plus la place à la couleur et
au design épuré).
Le refus des “alicaments” pour des produits plaisir à “capital santé”
Les produits avec promesses santé
sont de plus en plus nombreux. Mais,
en la matière, force est de constater que les échecs, eux aussi, se
multiplient. Poussés par l'engouement médiatique pour les trop fameux
“alicaments”, certains industriels se sont engagés
dans une voie sans issue en se trompant de rôle. A trop vouloir soigner, ils
ont peut-être oublié que la première revendication du consommateur, en matière
de consommation alimentaire, reste la recherche de plaisir. Est-ce à dire qu'il
n'y a pas de place
pour les produits alimentaires à promesse santé ? Non, bien sûr, mais,
répétons-le, seulement si la promesse
de plaisir est prioritairement satisfaite.
La notion de bonne santé n'apparaissant que comme une garantie de ce plaisir.
Et là, le potentiel est, sans aucun doute, énorme. Les consommateurs sont de
plus en plus sensibles et préoccupés par leur
état de santé général. Et ces consommateurs seront de plus en plus nombreux
(papy boom) et vivront de plus en plus longtemps. Deux informations apparemment
anodines devraient aujourd'hui bouleverser les états-majors des industries :
- en 2005, il y aurait davantage de personnes âgées de plus de 55 ans
que de moins de 18 ans ; - une petite fille née en l'an 2000 a une chance sur
deux de fêter 2100.
Les industriels doivent adapter leurs messages à une population vieillissante.
Et prendre d'ores et déjà en compte la génération grandissante. De nouvelles
revendications de maintien durable en bonne santé et en bonne “apparence”
devraient apparaître. Ainsi, le consommateur sera sensible aux produits
alimentaires “plaisir” et “pratiques” qui participent à son maintien en bonne
forme
tout au long de sa vie et surtout dans
ses dernières dizaines d'années. Et il s'agit plus, ici, de prévention que de
soin. On peut donc facilement imaginer que les produits à fortes promesses
santé d'aujourd'hui laisseront la place à des produits “plaisir” à bénéfices
santé programmés, que l'on consommera dès les premières années de vie.
MDD, l'avenir est la différence… entre enseignes
Les enseignes d'hyper ou de supermarchés se
différencient de moins en moins.
Il fut un temps où l'on se plaisait à accorder à chacune un territoire. C'était
certes un peu réducteur, mais il est vrai que Leclerc ou Intermarché, c'était
le prix ; Système U, la proximité ; Casino, la fraîcheur des produits frais ;
Auchan,
le choix et Carrefour le confort d'achat
et la justesse de l'assortiment… C'est paradoxal, mais c'est sans doute
à cette époque que ces enseignes se développaient davantage par l'ouverture de
nouveaux points de vente qu'en prenant des clients à leurs concurrents. Tout
simplement parce que les enseignes, fortes de leurs identités propres,
n'avaient pas l'obsession de contrer et de copier toute initiative concurrente.
En tout cas, pas avec cette immédiateté qui fait que
le consommateur aujourd'hui ne sait plus trop qui fait quoi et qui vend quoi…
Et, s'il est un outil de différentiation donc de fidélisation, c'est bien la
MDD puisque, par nature, on retrouve le produit Carrefour chez Carrefour, le
produit Auchan chez Auchan, etc. Sauf si toutes les MDD se ressemblent, comme
c'est trop le cas aujourd'hui.
D'où un déficit d'attribution à l'enseigne très préjudiciable à la
fidélisation. Confusion aggravée par la perception floue du positionnement de
la MDD par
le consommateur.
Chez le leader Carrefour, par exemple, si l'on peut comprendre
ce qu'est un produit “Reflets de France” (terroir), un produit “Escapade
Gourmande” (haut de gamme), un produit “J'aime” (santé), on a du mal à
positionner le simple produit Carrefour dans le rayon qui devient un produit
générique au même titre que les médicaments génériques en officine. Et, en bas
du rayon, l'introduction massive des premiers prix propres à l'enseigne a
accentué cette perturbation d'image. Cela étant, le travail effectué
actuellement sur les structures de gammes de MDD au sein de chaque enseigne
devrait payer. Il devra, pour atteindre ses objectifs de
différentiation/fidélisation s'accompagner d'un travail encore plus poussé
d'innovation produit qui ne soit pas ou difficilement copiable, comme savent
très bien le faire Picard, Monoprix ou comme Carrefour le faisait, il y a
quelques années, avec son lait de montagne ou sa boule Bio. Car, on le sait, en
matière de grande consommation, le client choisit un produit pour ses qualités
qui lui sont propres, il n'achète pas seulement une marque.
Et, si la différence est là, il saura prendre
le temps d'aller dans le magasin choisi.
Manger pour être beau…
Observés avec curiosité depuis des années au Japon, les
produits alimentaires à promesse cosmétique ou “cosmetofood” font leur
apparition
en Europe. Le phénomène reste très marginal, même si l'on peut parler
de phénomène tendanciel. Marginal, le segment l'est également dans son pays
d'origine, puisque les cosmetofoods ne représentent qu'à peine 2 % des
nouveautés lancées au Japon. Alors pourquoi parler de phénomène tendanciel ?
Parce qu'il répond aux mêmes préoccupations que le consommateur peut avoir en
termes de santé. Il ne s'agit pas en l'occurrence de “manger pour être belle” ;
pour cet objectif-là, les consommatrices se tournent directement vers l'univers
cosmétique comme elles
se tournent vers l'univers pharmaceutique pour se soigner. Les préoccupations
sont à placer dans un contexte de long terme, de vie qui sera longue et qui
devra être la plus agréable et la moins contraignante possible, surtout après
50 ans. De la même manière que l'alimentation riche en calcium et en vitamine
D à l'adolescence est un facteur qui permet de limiter les risques
d'ostéoporose après la ménopause, une alimentation étudiée dans les premières
années de vie peut augmenter et prolonger le potentiel beauté de l'individu.
C'est justement de ce capital beauté futur dont il est question ici. Nous ne
sommes plus dans le “Je suis ce que je mange” cher à Fischler, mais “Je serai
ce que je mange”. Ce besoin de maintien d'apparence et de beauté n'existait pas
hier parce que l'on était vieux à 60 ans et que la majorité
des couples restaient unis jusqu'en fin
de vie. Il en est tout autre aujourd'hui. En Europe, les initiatives sont
rares et souvent vouées à l'échec. L'Européen est moins enclin à croire qu'un
produit avalé le matin assurera son potentiel séduction de la journée. En
revanche, il accepte tout à fait l'idée que la répétition, la quotidienneté
d'une alimentation adaptée, améliore ses chances de maintenir son capital
beauté. Alors, au regard du succès du “geste santé du matin” d'Actimel, le
“geste beauté du matin” saura nous faire croire à un futur resplendissant.