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Les applis, nouveau must de la com

Comment se lancer sur ce nouveau canal? Cette démarche ne s'improvise pas et nécessite d'élaborer soigneusement sa stratégie mobile. Analyse d'un média en devenir, dont l'explosion devrait rebattre les cartes de la communication.

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Applis ou pas applis? A vrai dire, avec l'explosion des usages, la question ne se pose plus vraiment en ces termes. Les chats n'ont-ils pas eux-mêmes leur programme, grâce à Friskies qui vient de lancer des jeux gratuits sur tablettes, destinés à aiguiser les sens de l'animal... tout en faisant la promotion de la marque? A l'origine portées par l'engouement pour l'App Store, les applications deviennent incontournables. Elles se développent à une vitesse incroyable, sur l'App Store comme sur d'autres plateformes, telles que l'Android Market, Windows Phone (Microsoft), Symbian (Nokia), BlackBerry et Bada (Samsung). L'App Store dépasse les 15 milliards de téléchargements dans le monde et propose plus de 425 000 applications. Son principal concurrent, l'Android Market, en compte 250 000, pour plus de 6 milliards de téléchargements.

A l'image de Carrefour, qui vient de lancer cinq applications d'un coup («Carrefour mes courses» pour réaliser ses achats depuis son mobile, «Carrefour fidélité» pour cumuler des euros sur son smartphone à chaque achat...), les annonceurs doivent aujourd'hui s'intéresser de près à ce canal. Tous? « Compte tenu des taux d'équipement en smartphones, la réponse est oui, tout au moins pour les grandes marques. Mais attention, il ne s'agit pas de foncer bille en tête, sans aucune stratégie, affirme Majda Chaplain, directrice associée de MC Factory. Or, je ne pense pas que tous les annonceurs aient une stratégie mobile clairement définie à moyen terme. »

Ce moyen de communication, complémentaire des autres, ouvre des opportunités, mais nous vivons une étape intermédiaire de mise au point. Un pas supplémentaire vient d'être franchi avec le lancement par TNS Sofres, d'un nouvel outil de mesure, «Mobile behave», permettant de suivre le comportement des mobinautes. De leur côté, les annonceurs doivent sonder leurs équipes, définir des objectifs et des indicateurs de performances (nombre de téléchargements, CA par cible) avec leurs directions marketing et commerciale, interroger leurs clients, découvrir les besoins de ceux-ci et les impliquer. C'est la stratégie d'Houra, qui sonde régulièrement ses clients. « Ils sont mobiles et veulent optimiser leur temps. Ainsi, pouvoir finaliser leur commande ou la modifier n'importe où et à n'importe quel moment est important pour eux, ce qui confirme la pertinence de l'application mobile de m-commerce », témoigne Nicolas le Herissier, directeur marketing et communication d'Houra. En effet, comme pour toutes les inventions nées du progrès et non de la demande, il faut comprendre le «sens» de l'outil avant de vouloir l'exploiter. Ainsi, martèle Davy Tessier, p-dg de Disko, « Il est inutile de créer une application simplement pour être présent dans les stores et promouvoir sa marque ou son produit. Ce support n'a de sens que s'il apporte un véritable service à l'utilisateur. Il ne faut donc pas penser en termes d'image de marque, mais en termes d'expérience client ».

Davy Tessier (Disko):

« Il est inutile de créer une application simplement pour être présent dans les stores et promouvoir sa marque ou son produit. »

 

Un moyen d'optimiser ses coûts de développement

Le gros inconvénient des applis? Le cloisonnement. Etant donné qu'une application est spécifique à un système d'exploitation, cela oblige à en développer une par plateforme, ce qui multiplie le montant de l'investissement. Pour mutualiser les coûts de production, Phonevalley (Publicis Groupe) a mis au point une offre de développement de site web mobile, qui encapsule les données dans une application iPhone et Android. « Au lieu d'effectuer deux développements, nous adaptons certaines pages - pensées pour être utilisées en navigation tactile, par exemple - à chaque plateforme », explique Olivier Le Garlantezec, directeur général Europe de Phonevalley. L'offre n'est pas encore standardisée, mais plusieurs projets devraient aboutir d'ici à l'automne 2011.

Apporter un contenu pertinent

Il semble que les marketeurs soient unanimes sur un point: « La promesse marketing doit se montrer à la hauteur de la technologie. Il faut qu'une application apporte des éléments différenciants », résume Majda Chaplain. Les exemples sont déjà nombreux: service de géolocalisation, jeux utilisant les outils embarqués dans les smartphones, m-commerce, etc. Pour y voir plus clair dans le match qui oppose les «apps» aux sites web mobiles, TNS Sofres et Bearing Point ont mené une étude, à l'occasion du Podium de la relation client nomade (avril 2011). La parole a été donnée aux consommateurs, afin qu'ils expriment leurs préférences. Résultats: l'avantage aux applis en matière de rapidité d'accès, aux sites mobiles pour la richesse des informations disponibles et les deux sont à égalité du point de vue de la richesse des services offerts et de la facilité de recherche.

Comme dans n'importe quelle opération de communication, on ne fait pas de l'appli pour le plaisir. Il faut d'abord élaborer une stratégie digitale. Une fois l'objectif connu - booster sa communication corporate pour asseoir sa notoriété, proposer un dispositif ludique pour séduire des prospects, proposer des services pour fidéliser ses clients, etc. -, reste à définir la cible. « Les apps sont plus efficaces, car elles permettent d'offrir de vrais services à valeur ajoutée et ce, de façon segmentée en fonction des OS », ajoute Majda Chaplain. Pour cibler des CSP +, par exemple, une application sur iPad est recommandée. « Grâce aux capteurs des smartphones (accéléromètre, vibreur, appareil photo) utilisés par les logiciels des applications, celles-ci offrent des fonctionnalités plus ludiques que celles d'un site internet mobile. Elles s'avèrent plus adaptées au format mobile, la navigation est donc plus fluide et plus rapide », insiste Dominique Siacci, gérant de DuoApps, développeur.

Majda Chaplain (MC Factory):

« Les apps sont plus efficaces que les autres, car elles permettent d'offrir de vrais services à valeur ajoutée, segmentés en fonction des OS. »

Les outils de tracking

Sur le marché, les campagnes publicitaires sont généralement facturées au CPM (coût pour 1 000 impressions) ou CPC (coût par clic). La régie mobile Mbrand3 commercialise plusieurs supports médias, pour un coût au CPM oscillant entre 10 et 20 euros HT. « Cela peut paraître cher, mais les performances sont élevées. Grâce à un ciblage extrêmement fin, les taux de clic sont dix à vingt fois plus élevés que sur Internet », commente Gonzague de la Tournelle, p-dg de Mbrand3. De son côté, Mister Bell propose des opérations au coût par action, adaptées à tous les terminaux et systèmes d'exploitation mobiles, en lançant fin janvier 2011 une technologie de tracking mobile couplée avec une fonction «géolocalisante».
Paiement au téléchargement d'une application, à la génération d'une vente, au déclenchement d'un click-to-call, ces leviers d'acquisition de Mister Bell permettent à l'annonceur d'éviter tout risque, puisqu'il paye lorsque le résultat escompté est atteint. Par ailleurs, Pure Agency a créé Pure ROI, plateforme de tracking qui mesure la performance des campagnes mobiles via un panorama complet: du média jusqu'à la conversion.
« Les annonceurs peuvent réoriente leurs campagnes en fonction des résultats et modifier leur création ou leur offre pour obtenir de meilleurs taux de téléchargement », explique Christophe Léon, président de Pure Agency. L'outil permet de disposer d'un tableau de bord, avec downloads par médias d'origine, parcours clients et taux de conversion des campagnes. Bref, une meilleure optimisation des campagnes des apps sur les apps!

Jean-Philippe Briguet (Apocope):

« Apocope répond aux deux besoins des mobinautes: aller plus vite, en commandant en quelques clics et tuer le temps en s'occupant d?une façon agréable. »

Un coût variable

« Une application, ça n'a pas de prix! », avance Christophe Romei, directeur de Servicesmobiles.fr, blog des services mobiles (société Memodia). Comme pour un site internet, les tarifs font le grand écart: de quelques centaines d'euros à plus de 100 000. « Pour qu'une appli se différencie des autres, elle doit comporter des innovations technologiques (réalité augmentée, reconnaissance de code-barres), une ergonomie de qualité, un graphisme inédit et un contenu spécifique, différent du site internet de l'enseigne. » La faire tester par les spécialistes de l'App Store est un plus. A sa sortie, la «boutique» en recommandera le téléchargement, boostant son démarrage. « Son nom doit être choisi en fonction de son usage et non de la marque », ajoute Christophe Léon. Exemple: BrandAlley, site de vente de prêt-à-porter, a baptisé son application iPhone «Ventes flash ventes privées», pour mettre en valeur son utilité. « Nous avons misé sur l'attrait que pouvait exercer sur nos clients une connexion mobile aux offres du jour », précise Eric Le Strat, directeur marketing de l'enseigne. Le format de l'iPhone ne permettant pas d'afficher le catalogue, seules les ventes privées sont présentes dans ce programme qui, depuis son lancement en 2009, a été téléchargé par plusieurs centaines de milliers de personnes.

Pour atteindre le ROI désiré, trois solutions: miser sur la fidélisation des clients qui acceptent de payer pour télécharger, embarquer des fonctionnalités m-commerce pour réaliser du chiffre d'affaires ou mener des campagnes de communication pour faire grimper l'audience.

BazarChic, un succès fulgurant

Il existe trois façons de rendre une application rentable: en faire payer l'accès, vendre des espaces publicitaires ou développer une offre de m-commerce. Cette troisième solution a été retenue par BazarChic. Lancée en juin 2009 sur iPhone (puis en juin 2010 sur iPad), elle permet de passer commande en trois clics. Chaque mois, 9 000 mobinautes y font leurs emplettes.
Des messages d'alertes sont envoyés aux clients pour les inviter à certaines ventes privées. « Aujourd'hui, 5 % de notre chiffre d'affaires passent par l'iPhone et 1 % provient de l'iPad, déclare Liberty Verny, le directeur général. Tous les mois, le taux d'utilisation de l'application sur iPhone augmente de 330 %. » Pourquoi un tel succès? « Ce programme répond aux deux besoins des mobinautes: aller plus vite, en commandant en quelques clics et tuer le temps en s'occupant d'une façon agréable », répond Jean-Philippe Briguer, directeur marketing d'Apocope, concepteur de l'application. BazarChic a fait le choix de développer une application similaire sur Android.

Nicolas Le Herissier (Houra):

« Notre application nous permet aussi bien de fidéliser nos clients que d'en recruter de nouveaux, ce qui n'était pas notre objectif premier. »

Booster l'audience par des campagnes

« En combinant, pendant un ou deux jours, plusieurs leviers: autopromotion de l'application sur le site de la marque, campagne d'e-mailing sur sa base de données clients, communication auprès des réseaux d'influence (bloggeurs), campagnes publicitaires... Nous savons faire entrer une appli dans le top ten des plus utilisées », affirme Christophe Léon

Pour faire connaître son produit, BNP Paribas a organisé plusieurs campagnes multicanal, notamment vers les mobiles (bannières publicitaires, interstitiels, sponsoring) dans les courriers adressés à la base clients (relevés de compte) et en agence (affichage, habillage des vitrines). « Nos investissements sont largement rentabilisés grâce au nombre de clients qui utilisent l'application. Nous comptons à ce jour 300 000 téléchargements, par des mobinautes qui surconsomment, en se connectant plus de dix fois par mois en moyenne », témoigne Frank Desvignes, directeur Internet et mobile de la banque de détail française BNP Paribas. Christophe Léon évoque une autre piste: « Des business models demeurent à inventer, notamment autour du push, pour stimuler le trafic via des alertes pertinentes. Nos études font clairement apparaître une corrélation entre la diffusion d'alertes et l'augmentation du trafic. »

Depuis le lancement de son application iPhone, iPad et iPod Touch de m-commerce, Houra.fr compte plus de 22 375 téléchargements. « Nous avons mis au point une alerte «livraison», pour prévenir le client une heure à l'avance, témoigne Nicolas Le Herissier, directeur marketing et communication de l'enseigne. C'est un succès (d'ailleurs nos clients recommandent l'appli à 100 % à leurs amis) tant pour fidéliser nos clients que pour en recruter de nouveaux, ce qui n'était pas notre objectif premier. »

PagesJaunes: une appli en renfort du site web

Depuis son lancement en décembre 2008, l'application PagesJaunes a dépassé les 5,5 millions de téléchargements dont 3,8 millions de son application iPhone. Présente sur tous les stores, elle est compatible avec tous les terminaux et OS, mais est également accessible via un site mobile (mobile.pagesjaunes.fr), deux GPS (Mappy et Coyotte) et plusieurs tablettes tactiles. « A chaque fois que nous lançons une mise à jour avec un ou plusieurs nouveaux services, nous lançons une campagne de communication », indique Rudy Richard, responsable promotion Internet mobile à la direction des services en mobilité de PagesJaunes. L'une d'elles, au printemps 2011, a fait la promotion de trois évolutions de l'appli iPhone: multitâche, full applicative et adaptée à l'écran HD de l'iPhone 4. La campagne a été confiée à MBrand3, via la régie Havas Digital. Depuis, deux autres campagnes display mobile ont été lancées, toujours par la régie Havas Digital. L'application PagesJaunes a déjà été téléchargée par environ 70 % des détenteurs d'iPhone. « Nous recherchons de nouveaux téléchargements afin de maintenir notre position dans le top 50 gratuit de l'App Store, mais nous voulons surtout dédupliquer l'audience de notre site internet fixe sur ce nouveau support, dont nous monétisons l'espace depuis le 19 janvier avec des formats interstitiels et depuis quelques semaines avec des expand banners », ajoute Rudy Richard.

Franck Desvignes (BNP Paribas):

« Nos investissements sont largement rentabilisés grâce au nombre de clients qui utilisent l'application. Nous comptons 300 000 téléchargements, par des mobinautes qui surconsomment, en se connectant plus de dix fois par mois en moyenne. »

Véronique Méot

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