Le quanti : plus vite, moins cher, et plus opératonnel
Sur les près de 4 milliards de francs que représentait le marché des études en France en 1999, plus de 55 % étaient consacrés aux études quantitatives, dont près de 40 % aux études ad hoc et 16 % aux études omnibus et trackings. Plus rapides, plus réactives, plus opérationnelles, plus décisionnelles, les études quanti évoluent vers l'intelligence marketing.
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Plus rapides, plus opérationnelles, plus réactives, les études
quantitatives se sophistiquent sous la double poussée des délais et de
l'arrivée de nouvelles technologies. Aujourd'hui, la finalité des études quanti
est de fournir une aide à la décision, le plus rapidement possible et avec
fiabilité. Conséquence pour les sociétés d'études : les outils terrain
s'adaptent aux besoins de réactivité des clients en même temps que l'approche
étude valorise de plus en plus l'analyse et le savoir. Les sociétés d'études
sont devenues les meilleurs clients de l'informatique et des nouvelles
technologies. « Nous sommes aujourd'hui dans une problématique de coûts, alors
même que les individus sont de plus en plus difficiles à interviewer, constate
Stéphane Truchi, Dg d'Ipsos France.
Helen Zeitoun (Gfk Sofema)
: "Plus on utilise d'outils standartisés,
plus on a besoin d'accompagnement et de conseil de niveau sénior".
Nous devons développer notre savoir-faire dans toutes les techniques de
recueil. Les access panels, les bases de sondage internationales et
l'interrogation on line sont des solutions d'avenir face à ces nouveaux métiers
qui demandent des investissements lourds. On ne peut pas construire un terrain
d'avenir sans avoir intégré toute la technologie. Mais il n'est pas vrai que le
Web permettra de réaliser des études moins chères. Elles seront faites
différemment. »
L'émergence de l'ATI
Hardware et
software adaptés se multiplient et les progrès récents permettent la création
de nouvelles offres. Le CATI et le CAPI, avec leurs logiciels de plus en plus
faciles à utiliser, sont devenus des outils indispensables, garantissant la
qualité dans le déroulement de l'enquête. Et ils autorisent des questionnements
et des traitements de plus en plus complexes. La numérotation automatique des
appels, l'intégration du son dans les enquêtes ont fait faire des avancées au
CATI. Alors que se développe l'ATI (Automated Telephone Interview ou réponse
par touche de téléphone) qui élimine pratiquement le recours à l'enquêteur ; un
avantage certain quand on sait que le coût de l'interview représente les deux
tiers d'une enquête par téléphone. Mais l'ATI nécessite des questionnaires
simples, ne comportant pas plus de 3 ou 4 questions fermées et ne devant pas
durer plus de cinq minutes. L'ATI est, par exemple, utilisé par Ipsos dans les
enquêtes utilisant l'access panel, notamment dans les screenings, à condition
que les questions se prêtent bien à une réponse par touche. Avantage : l'ATI
permet d'interroger 5 à 6 000 contacts dans une soirée. L'automate d'appels est
aussi utilisé dans l'access panel off line de NFO Infratest et permet de
contacter simultanément, grâce à la reconnaissance digitale, plusieurs milliers
de panélistes, garantissant ainsi une meilleure interactivité. « Cela nous
permet d'interroger enfin quantitativement toutes les micro-cibles dont,
jusque-là, l'interrogation était très coûteuse », explique Olivier-Henry
Biabaud, Dga de NFO Infratest France. Autre avantage : disposer de données
ultra fraîches. « On interroge ainsi des personnes qui n'ont pas changé
d'habitudes de consommation entre temps, et qui répondront à des problématiques
à chaud, poursuit-il. En quelques jours, et avec un ratio prix/délai/taille
d'échantillon très attractif, on peut pré-screener jusqu'à 20 000 consommateurs
pour isoler un coeur de cible que l'on pourra, ensuite, interroger par
téléphone ou voie postale selon la problématique et les contraintes de temps.
»
PDA, Pocket PC...
La baisse des coûts rend plus
abordable l'utilisation des enquêtes par ordinateurs à écran tactile (GfK pour
les tests de pub AdVantage ou Ipsos pour son offre européenne Evolution) ou
encore par CAPI multimédia. « Nous réfléchissons à rationaliser encore plus les
supports CATI et CAPI sur des paramètres de délais », observe Danièle Cantau,
directrice Consumer de la Sofres. Depuis peu, le Web est venu rejoindre
l'arsenal d'outils de collecte de l'information et l'offre en access panel ou
omnibus on line se multiplie. Toutes sociétés confondues, le chiffre d'affaires
des access panels représente 30 millions d'euros avec peu d'intervenants. Deux
sociétés d'études disposent d'une offre puissante, véritablement internationale
: Ipsos et NFO. A laquelle s'ajoute celle de sociétés locales (Research
International...) ou présentes sur un nombre de marchés plus réduit (GfK,
TNS...).
Olivier Henry-Biabaud (NFO Infratest France)
: "L'ATI permet
d'interroger enfin quantitativement toutes les micro-cibles dont, jusque-là,
l'interrogation était très coûteuse."
Quant aux études on line, on estime désormais entre 2 et 4 % leur pourcentage
du CA études en France. Et déjà apparaît le CAWI (Computer Assisted Web
Interviewing). Dernières expériences : les enquêtes au moyen de Palm Pilot
(IOD, Taylor Nelson Sofres). « Le Palm Pilot offre le grand avantage de pouvoir
être utilisé en station debout par les enquêteurs », constate Renaud Dédeyan,
directeur général d'IOD. Limite : l'ergonomie de l'écran qui oblige à des
questionnaires courts et fermés. Ipsos aux Etats-Unis et Market Audit en France
testent, de leur côté, les enquêtes par Pocket PC. Et le recours à des enquêtes
Wap ? Beaucoup y réfléchissent. GfK travaille sur le sujet. « Le problème,
souligne François Laurent, directeur des études marketing de Thomson
Multimédia, est la comparabilité des banques de données quand on passe d'un
système à un autre. » C'est parfois ce qui retient certains annonceurs.
Vive la complémentarité
Désormais, en fonction des
problématiques, les instituts peuvent choisir le mode de recueil le mieux
adapté : téléphone, face à face, Internet, omnibus, access panel. « Toutes les
techniques peuvent cohabiter, fait remarquer Francine Cerf, directeur marketing
et commercial d'Ipsos Observer. Il n'y a pas plus de concurrence entre le
téléphone et le face à face, qu'entre l'omnibus et l'access panel. Tout est une
question de problématique client. » « C'est à l'institut, renchérit Helen
Zeitoun, Dg de GfK/Sofema France, de choisir, parmi les modes de collecte
existants, la réponse méthodologique la mieux adaptée. » Une chose est sûre, au
fur et à mesure que l'interviewé se fait plus difficile à saisir, les enquêtes
omnibus et access panels se multiplient. Les instituts eux-mêmes packagent
certains de leurs produits pour qu'ils passent sur omnibus. C'est le cas de
certains bilans de Conversion Model sur des marchés de grande consommation et
des bilans Effipub dans leur forme standard. Eurobserver, l'observatoire
européen du consommateur citoyen d'Ipsos, utilise l'omnibus téléphonique
Express Europe du groupe. Les clients évoluent parallèlement. « Nous faisons de
plus en plus d'omnibus, et notamment d'omnibus internationaux, constate
Véronique Le Bohellec, responsable des études pour le marché français de SC
Johnson. Ils permettent de répondre à des questions simples mais importantes
qui demandent une réponse claire pour aider le marketing à prendre une
décision. » Chez Aventis Pasteur MSD, qui fait de plus en plus d'études très
ponctuelles, très brèves et qui interroge de plus en plus souvent le
consommateur final, c'est-à-dire le grand public, le recours à l'omnibus est
régulier. « C'est rapide et pas cher, explique Corinne Hardy, responsable des
études marketing et business services d'Aventis Pasteur MSD, qui a d'ailleurs
en projet de monter un omnibus interne. Nous avons de plus en plus besoin de
décisions fondées sur le rationnel. » Elle n'est pas la seule. Les instituts
comme Ipsos, NFO Infratest ou Taylor Nelson Sofres commencent à monter des
access panels ou des panels propriétaires (ou dédiés) pour leurs clients. NFO
Infratest a lancé en août dernier un panel dédié européen (France, Allemagne,
Grande-Bretagne) destiné aux industriels des jeux de console ; lancement
précédé d'une étude de cadrage. « On entre de plus en plus dans le "Permission
Marketing" », note Yannick Cariou, directeur Nouvelles Technologies de Taylor
Nelson Sofres. « On passe de plus en plus d'une posture d'interviewé à une
posture de répondeur volontaire », constate François Laurent. Pour Jean-Paul
Dayan, directeur de Stetson, à l'origine d'une nouvelle méthodologie de mesure
de la satisfaction de la clientèle Orange (cf. Scorange page 70), « face à la
difficulté croissante de joindre les clients sur leur mobile ou même leur fixe,
il faut inverser le sondage et demander aux clients de rappeler ». Encore
faut-il mettre au point les méthodes et techniques qui rendraient la
méthodologie fiable.
Des études plus explicatives
Les
études quanti, de descriptives se font explicatives. Car la finalité d'une
étude quanti est de permettre la prise de décision. L'approche U&A de Repères
va s'intéresser dans sa phase quanti (carnet de consommateur, questionnaire
détaillé, pantry check) aux consommateurs actuels et aux non-consommateurs, et
approfondir la connaissance des comportements des consommateurs à domicile,
identifier les attentes, l'image, les freins et les leviers, pour aboutir à une
typologie. « La typologie permet de dégager des groupes homogènes en termes
d'attitudes mais surtout de comportements, explique Eric Lombard, Dg de
Repères. Chaque groupe devient ainsi une cible marketing exploitable. » Aider
à la prise de décision, c'est aussi proposer des études sur les tendances et
l'évolution de phénomènes de société. Sofres Cardinal, un nouveau département
de la Sofres placé sous la responsabilité de Brice Teinturier, a pour objectif
de croiser le fonds d'information particulièrement riche de la Sofres pour le
mettre au service des entreprises dans une optique stratégique et tactique.
Ipsos Observer propose une nouvelle génération d'études multiexpertises très
opérationnelles avec un haut niveau de valeur ajoutée. « On est sur de
l'attitudinal et du comportemental », explique Benoit Tranzler, Dg d'Ipsos
Observer. Avant la fin 2001, trois produits seront lancés : ConsoTrack, un
suivi opérationnel des moments clés de consommation, les tendances 2001 de
Trend Observer et l'Observatoire de la sécurité alimentaire. Etre le vrai
partenaire du client, cela veut dire pour des sociétés d'études « de la vraie
gestion de l'information et pas seulement de la collecte d'information », comme
le souligne Guillaume Weil, directeur général d'Ipsos Access Panel Europe.
C'est aussi s'asseoir autour d'une table avec le client et analyser l'ensemble
des études faites pour lui au cours d'une année. C'est ce que l'on appelle,
chez Research International, l'approche "marketing knowledge". « L'analyse de
toutes ces études peut faire ressortir de nouveaux éléments qui peuvent
permettre d'aller plus loin », constate Chantal André, directeur général
adjoint de Research International France. Un des effets pervers des nouvelles
technologies est de disposer de trop de données. « On passe, estime Gary
Bridge, Senior Vice-President de Deka Research & Development, de la "data
collection" à la "data capture". » A terme, ne risque-t-on pas de confondre
information et prise de décision ? L'enjeu, pour les études quanti est d'aider
à prendre les bonnes décisions. Les directions marketing ont besoin d'outils
prédictifs, normés, adaptables à des besoins précis. Pour les sociétés
d'études, cela signifie du conseil durable d'aide à la décision. D'où des
modélisations qui permettent des simulations, qui rassurent le client et qui
peuvent se comparer à des standards nationaux ou internationaux. « Plus on
utilise d'outils standardisés, plus on a besoin d'accompagnement et de conseil
de niveau senior, souligne Helen Zeitoun. Comment interpréter, par exemple, un
indicateur de performance opposé à une norme ? » Et Serge Andrieu, Dga de
l'Ifop chargé du Business Intelligence, d'ajouter : « Il faut être absolument
sûr de la collecte qui donne un chiffre, mais il faut aussi avoir la compétence
nécessaire pour aller plus loin sur l'histoire que l'on raconte autour d'un
chiffre. » « Cela pousse les analyses quanti au plus haut niveau, constate,
quant à elle, Elizabeth Martine-Cosnefroy, directrice du développement du
groupe CSA TMO, car elles ne sont plus seulement des mesures, mais doivent
prouver que ce qui a été mis en place sur la base de résultats d'études est
rentable. Auparavant simples photos à un instant T, on demande désormais aux
études quanti d'être prédictives. » Et Christian Barbaray, directeur général
d'INit Conseil de remarquer : « Dans les études de satisfaction, nous faisons
de plus en plus de scoring prédictif. »
Rapprochement avec le CRM
Car l'autre grande attente à propos du quanti, un vrai
challenge pour les sociétés d'études, est le rapprochement des études marketing
et du CRM. « C'est l'une des évolutions fondamentales des études quanti, estime
Muriel Leconte, directrices Etudes Quanti de NFO Infratest. Même si le domaine
privilégié est celui des études de satisfaction. » Chez Aventis Pasteur MSD,
d'importants projets sont en cours en matière de segmentation des médecins et
du grand public sur de nombreux marchés. « Cela va énormément changer notre
façon de travailler, puisque nous allons passer du déclaratif au comportemental
», déclare Corinne Hardy.
Stéphane Truchi (Ipsos France)
: "Il faudra désormais posséder une bonne
maîtrise des mathématiques, de l'extrapolation des données."
Chez France Télécom, une utilisation opérationnelle du data mining pour le CRM
a été réalisée sur plusieurs agences. Utilisation opérationnelle signifie que
ces opérations ont été menées sur le terrain, à l'aide d'un processus de
management de la connaissance client intégrant des techniques de data mining,
qui ont permis de détecter des segments prédictifs précis de clients à risque
d'achat et des segments, non moins précis, de clients à risque d'impayés. Des
études de même type, utilisant le même type de processus mis au point par
Michel Jambu, appelé CRM Master, sont en cours sur la réduction de
l'infidélité. De nouvelles compétences scientifiques et économétriques sont
nécessaires dans les instituts d'études. « A une bonne maîtrise du marketing,
il faudra désormais ajouter une bonne maîtrise des mathématiques, de
l'extrapolation de données et donc de l'investissement sur les méthodes et en
recherche opérationnelle car, pour les sociétés d'études, c'est un nouveau
métier », constate Stéphane Truchi. NFO Infratest peut enrichir désormais la
totalité d'un fichier clientèle d'un score individuel de fidélité, grâce à son
module de data mining/data matching, Examine. Taylor Nelson Sofres propose
Miriad, chez Ifop l'outil s'appelle X.Data. « Mais la qualité des résultats du
data matching dépend de la qualité de la base clients », note Didier Caylou,
directeur de département Industrie & Services de NFO Infratest. L'ultime étape
sera de développer la transmission intelligente de l'information. « Ainsi
diffusé à l'ensemble de l'entreprise et pas seulement aux directions marketing
et générales, l'outil tableau de bord cesse d'être un outil de surveillance
pour devenir celui de pilotage pour tous ceux qui sont concernés par la
construction de la qualité », remarque Jean-Paul Dayan. Agicom propose
Smartview DRS, un tableau de bord des résultats d'études de satisfaction sur
Internet. Research International a développé, à la demande de certains clients,
le système Torii, système d'analyse et de diffusion de l'information sous Web,
qui combine les avantage du Net (rapidité et interactivité), les outils
classiques de reporting et la gestion d'une base de données. « Avec Internet,
on ne peut plus faire des études comme avant, explique Laurent Flores, Dg de
CRMMetrix. Il faut développer des tableaux de bord d'accès on line à
l'information pour être dans une distribution intelligente des données. »
Le marché du quanti
En France comme dans le monde, les études quantitatives ad hoc représentent la grande majorité des études. En Europe, selon Esomar, l'ad hoc quantitatif pesait en 1999 43 % du chiffre d'affaires études, chiffre auquel il convient d'ajouter les 4 % des enquêtes omnibus et les 15 % des autres trackings. En comparaison, l'ad hoc quali représentait 11 % des études et les panels 27 %. En France, selon Syntec Etudes Marketing et Opinion, les études quantitatives ont grignoté en 1999 des points aux études en continu et aux omnibus (39, 5 % pour les études quanti ad hoc en 1999, contre 38 % en 1998, 4,3 % pour les études omnibus, 11,9 % pour les études en continu). Ce qui peut s'expliquer par la reprise des développements après une période de stagnation économique. Les enquêtes en face à face à domicile restent l'un des moyens de recueil de l'information le plus utilisé (15,1 % du CA études des instituts membres de Syntec), devant les études par téléphone qui perdent régulièrement du terrain depuis 1997. Le postal se maintient autour de 2,5 %. Les enquêtes via Internet devraient représenter entre 1 % et 3 % du total, selon les estimations des experts.
Stratégir lancela gamme Bridge
Stratégir propose un nouveau module d'extrapolation des ventes (Bridge 1 ou 2) à partir d'outils qui ne sont pas censés le faire, à savoir les tests quanti (test de concept ou test de concept use). La gamme Bridge fait le pont entre les données études ad hoc et les données panel et travaille à partir de régressions. « Cet outil packagé permet d'extrapoler des volumes quand on n'a pas les moyens ni le temps de faire un vrai test de potentiel », explique Luc Milbergue, directeur général de Stratégir.
Quand le quali vient éclairer le quanti
Etude comportementale s'il en est, l'enquête Simm de Sécodip évolue - besoin d'explication oblige - vers un questionnaire plus attitudinal. « Nos études, Simm ou ConsoJunior, comportent de plus en plus d'items quali que l'on quantifie », note Christine Bitsch, sa responsable. TGI Europa, une étude média-marché européenne s'enrichira, de son côté, de Senottica, système conçu et développé par Eurisko, en conjuguant mapping européen et segmentation.