Le loisir : nouveau moteur du commerce
Aux Etats-Unis, le "retailtainment" prend aujourd'hui des tournures étonnantes. Avec notamment des acteurs du divertissement qui deviennent des opérateurs d'aménagements urbains ou des industriels des nouvelles technologies qui fondent des centres culturels d'un nouveau type. Petit tour d'horizon de ces nouveaux temples marchands.
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Pionnier du retailtainment avec ses parcs à thèmes (Disneyland, Epcot,
Animal Kingdo...) et ses Disney Stores, Disney ajoute une nouvelle corde à son
arc en se positionnant comme un acteur de l'aménagement urbain. Un acteur qui
fait le pari de revitaliser, de donner une nouvelle jeunesse à des quartiers en
décrépitude en y installant des activités de loisirs. L'offensive fut lancée en
1997 à New York sur la 42e Rue, proche de Times Square. La firme y reprenait un
bloc d'immeubles destiné à abriter théâtres, cinémas et boutiques consacrés à
l'univers Disney. Aujourd'hui, le quartier est sous la coupe de Mickey et
retrouve un vrai pouvoir d'attraction pour les familles et les touristes. Fort
de cette expérience, l'empire s'invite au coeur de Chicago avec un nouveau
concept d'attractions fondé sur les activités interactives : Disney Quest (voir
photo). D'une surface d'environ 30 000 m2, se développant sur cinq étages,
Disney Quest a pour ambition de retenir les visiteurs pendant 2 heures avec une
vingtaine d'activités dont un voyage dans une jungle de dinosaures ou des
montagnes russes virtuelles. Ce nouveau pôle de loisirs a su, depuis son
ouverture, attirer de nouvelles enseignes, notamment de restaurations
thématiques (ESPN Café, Doc Jekill and Mr Hyd...), et donner une nouvelle vie à
un quartier en déclin. Aujourd'hui, le loisir est devenu aux Etats-Unis un
moteur de l'aménagement urbain car il est le moteur du commerce, et donc de la
ville. Ce modèle pourrait-il être transposé en France ? Certains en doutent.
Pourtant Virgin cherche actuellement à développer ce même type de projets,
associant commerces et loisirs dans un bloc entier d'immeubles, au coeur de nos
villes hexagonales. Des premières démarches avaient été accomplies à Paris à
l'occasion de la mise en vente de l'immeuble de Hachette boulevard
Saint-Germain. Le groupe anglais souhaitait y développer un Megastore, un
multiplexe et des restaurants thématiques. Virgin avait présenté son projet à
la mairie de Paris arguant que seul ce type d'équipement pouvait redonner un
nouveau souffle culturel à un quartier aujourd'hui envahi par "la frite et la
fripe". Il y a quelques mois, la mairie de Marseille était à son tour contactée
par Virgin qui souhaite participer à la revitalisation du vieux centre en
développant un vaste projet de loisirs urbains autour d'un Megastore.
La stratégie Sony avec son Metreon
Même si l'ambition
Sony n'a jamais d'être clairement un opérateur urbain, sa démarche n'est
pourtant pas très éloignée de celle de Disney et de Virgin concernant les
centres ville. En effet après l'installation à New York de deux boutiques Sony
Style adossées à un petit parc interactif, Sony Wonder, présentant sur trois
étages l'histoire des nouvelles technologies (radio, télé, informatiqu...), la
marque japonaise vient de franchir une nouvelle étape en ouvrant au coeur de
San Francisco un nouvel espace de loisirs ; le Metreon - A Sony Entertainment
Center. Sur 4 niveaux et plus de 10 000 m2, Metreon abrite un ensemble de
boutiques et un vaste multiplexe : au rez-de-chaussée se trouvent trois
magasins contrôlés par Sony (Sony Style, Hear Music, Playstation) mais aussi
une boutique Discovery Channel et cinq restaurants à thèmes ; le premier étage
réunit la première boutique ouverte par Microsoft, Microsoft SF, un magasin
d'activités manuelles et éducatives, The Way Things Work, et plusieurs
restaurants thématiques dont le Airtight Garage entièrement décoré par Moebius
à l'image d'un vaisseau spatial ; au deuxième étage, 16 salles de cinéma dont
un Sony Imax Theatre accueillent les amateurs d'émotions fortes ; le troisième
étage avec un magasin de jouets et de découverte sur la jungle, aménagé en parc
d'attractions et joliment baptisé "Where the wild things are", est consacré aux
enfants. Tous les magasins et une bonne partie des commerces des restaurants
offrent des animations interactives. Chez Sony Style, dotée d'un Starbuck Café,
il est possible d'écouter librement tous les CD ou de s'installer dans un
profond fauteuil pour regarder un film sur une télé grand écran. Dans les
boutiques Play Station ou Microsoft les visiteurs peuvent essayer gratuitement
autant de jeux qu'ils le veulent en autant de temps qu'ils le désirent. Chez
Microsoft, des animateurs sont là pour aider les enfants et les adultes à jouer
ou à surfer sur le Net. Mais outre ses activités, Metreon a aussi la
particularité d'être situé en face du nouveau Museum of Modern Art (SFMOMA) et
de dessiner avec ce dernier un nouveau quartier axé sur les loisirs, la culture
et le divertissement avec un vaste jardin public au centre.
De Old Navy à Levi's Store
Aujourd'hui, de nombreux nouveaux concepts de
magasins ou de centres commerciaux se développent donc autour des loisirs. La
raison en est simple. Face à des consommateurs, qui installés dans leur
fauteuil peuvent en surfant sur Internet s'adonner à un nombre quasi illimité
d'activités, les commerçants doivent développer des animations justifiant le
déplacement des clients avec pour promesses leur vivre "des expériences" qu'ils
ne pourront jamais trouver sur le Net. Le phénomène avait été initié par les
centres commerciaux périphériques comme le fameux Mall of America et son
Knott's Berry Farm's Camp Snoopy (le plus grand parc d'attraction indoor au
monde). Aujourd'hui, le phénomène touche les centres-ville. A Los Angeles,
Universal City Walk ou Century City Shopping Center se veulent autant des
centres commerciaux que des parcs de divertissements avec multiplexes et
restaurants à thèmes. Au sud de l'agglomération, le mouvement est similaire
avec la création d'un vaste parc commercial autour du nouveau et tout récent
Légoland. Actuellement, touts les secteurs sont touchés par ce mouvement, que
ce soit les supermarchés alimentaires avec, par exemple, Stew Léonard, dont les
magasins sont aménagés comme une ferme avec de vrais animaux, le sport, avec
les Niketown ou le récent NBA Store, et même l'habillement. Dans ce dernier
secteur, la démarche la plus innovante est certainement celle engagée par le
groupe Gap pour sa marque Old Navy dont l'aménagement des magasins s'inspire
directement d'un vaste bazar mélangeant des couleurs flashy et des matériaux
bruts (béton, acie...). Les vêtements sont présentés dans des décors étonnants,
comme dans des réfrigérateurs de grandes surfaces. Certains magasins comportent
un bar aménagé comme un Club de pilote de la guerre de Corée, des fausses
cabines téléphoniques permettant d'écouter les dernières nouveautés musicales.
Face à ce déferlement de nouveautés, les marques même les plus traditionnelles
sont obligées d'innover. C'est ainsi que Levi's, après son expérience
malheureuse sur Internet, a décidé de transformer ses Levi's Stores en lieux de
couture permettant aux consommateurs de se couper eux même leurs jeans et de
les décorer comme bon leur semble. Aujourd'hui, Internet n'apparaît donc plus
comme une menace pour le commerce traditionnel, mais au contraire comme une
formidable opportunité pour lui de se renouveler autour de nouveaux concepts.