Recherche

L'infidélité, nouvelle donne des études de satisfaction/fidélité

Les études de satisfaction/ fidélité continuent de représenter une part importante du budget études des entreprises et un apport dynamique d'affaires pour les instituts d'études. Et, au fur et à mesure de la maturité des clients et de leurs conseils sur les problématiques s'y attachant, la réflexion sur le sujet s'enrichit.

Publié par le
Lecture
8 min
  • Imprimer

Soucieuses d'améliorer la qualité de leurs prestations (produits, service, etc.), les entreprises ont d'abord commencé à mettre en place des baromètres de satisfaction qui se sont ajoutés à des indicateurs de pilotage. « Les baromètres de satisfaction constituent toujours le fonds de clientèle des instituts d'études », remarque Frédérique Burlot, directeur général de OneTone Research. Puis les entreprises se sont penchées sur la question de savoir comment transformer des clients satisfaits en clients fidèles. Une nouvelle génération d'outils d'études a vu le jour, vers la fin des années 90, avec l'apparition de modèles prédictifs de comportement des clients alors même que le CRM et le data mining enrichissaient la connaissance client. On s'est alors tourné vers les insatisfaits comme source d'enseignements sur la relation.

Enfin, les chiffres sont là. Les consommateurs ne sont plus aussi fidèles qu'avant ? Sont-ils devenus globalement infidèles ? Sont-ils multifidèle ? Jean-Marc Lech, co-président du groupe Ipsos, parle de la « généralisation d'une posture d'infidélité sans culpabilité liée à une exigence double : identifier la valeur et la crédibilité des messages, tirer un profit personnel de la confiance investie ». L'étude Brandz réalisée par Millward Brown pour le groupe Kantar montre une chute de la fidélité aux marques : en 1998, 16 % des Français se déclaraient fidèles aux marques ; ils ne sont plus que 10 % en 2005. Cette moyenne recouvre de très nombreuses différences.

Dans le secteur des produits de grande consommation, 25 % des clients se disaient fidèles aux marques en 1998, 10 % en 2005. Dans le secteur de la distribution, le taux de fidélité s'élevait respectivement à 14 % en 1998 et 15 % en 2005. Alors que dans le secteur des télécoms, il était de 22 % en 1998 et tombe à 12 % en 2005. « Entre 1998 et 2005, constate Marc- Antoine Jarry, directeur du planning stratégique d'Ogilvy, on a pu voir la normalisation des nouveaux entrants et l'effondrement de l'avantage du leader historique, la fuite en avant dans une innovation souvent superflue, le déplacement des arbitrages en faveur de nouvelles catégories, le déséquilibre patent entre les logiques d'acquisition et les logiques de satisfaction. » L'approche traditionnelle, qui voulait qu'un client satisfait soit un client fidèle, a commencé à voler en éclat. L'enquête d'INit Satisfaction (voir p. 74) souligne bien ce paradoxe.

De nouvelles approches

Dans ce contexte, les études ont dû évoluer. « A priori, fait remarquer Olivier Gaudichau, CSC, dans la dernière “Lettre”, satisfaction et insatisfaction regroupent le même concept de perception client, avec pour différence un résultat positif (la satisfaction) ou négatif (l'insatisfaction). Ce sont en fait deux notions différentes avec des leviers distincts. Les enquêtes dites de “satisfaction client” ont plutôt tendance à mesurer l'insatisfaction, puisque la quasi-totalité des questions sont des questions fermées qui portent sur l'appréciation de produits ou services existants. Ce sont donc plutôt des enquêtes d'insatisfaction. Une véritable enquête de satisfaction doit au moins comporter deux questions ouvertes, comme “Que pourrait-on faire de plus pour vous satisfaire ?” et “Que font nos concurrents pour contribuer à votre satisfaction ?”. »

De plus en plus, des questions ouvertes viennent compléter l'enseignement des études de fond. « Les grands baromètres mesurent des indicateurs qui ne changent pas rapidement », constate Laurent Flores, CEO de crmmetrix. Pour mesurer le spontané et faire émerger les idées nouvelles, l'institut a recours à BrandDelphi, « une approche active, volontaire de la marque vers le client ».

Chez Ipsos Loyalty, pour sortir du nivellement de la moyenne des baromètres quantitatifs, on recommande d'introduire des baromètres tactiques. « Les moments de forte attente influencent la mémoire du client et sa préférence future, constate Alain Péron, directeur général France d'Ipsos Loyalty. Mais il faut aussi croiser toutes ces études avec des études internes pour comprendre ce que pense le client et ce que fait le personnel qui est en face de lui. »

Plus récemment, les études de satisfaction se sont mises à prendre en compte plus systématiquement la concurrence. De nouvelles cibles sont passées à la moulinette. « On sait que la satisfaction extrême est liée à des comportements de fidélité. En revanche, l'incertitude de comportement est totale pour les individus correctement satisfaits », explique Michaël Bendavid, directeur général de Strategic Research. L'approche développée par l'institut, Value Sat, s'intéresse donc aux opinions extrêmes, aux détracteurs comme aux promoteurs, pour construire un indicateur qui est la balance entre les deux. « A partir de là, on peut segmenter sa base de clientèle pour orienter sa stratégie envers les clients profitables et prioritaires », estime Michaël Bendavid. Une récente étude menée pour une enseigne de distribution par Côté Client, nouvel institut créé par Guillaume Antonietti, très influencé par les travaux de Daniel Ray de l'université de Grenoble, révèle que les clients les plus exclusifs à l'enseigne sont aussi ceux qui ont le moins de problèmes avec elle, mais ce sont aussi de “petits clients”.

« La question que l'on doit se poser est : “Veut-on créer de la fidélité auprès des gros clients ou des clients exclusifs ?” », commente Guillaume Antonietti. L'autre champ d'investigation porte sur les motifs de mécontentement. OneTone Research suggère d'interroger les “abandonnistes” : « Nous avons monté des panels propriétaires d'abandonnistes, et nous conseillons à l'entreprise de les intégrer dans des clubs de consommateurs qui donnent leur avis pour instaurer une nouvelle relation », confie son directeur général. « On ne peut plus aborder certains marchés, notamment la téléphonie, avec les process classiques de fidélité, reconnaît Hervé Francès, directeur d'Oko/Pantech. Chaque nouvel acte d'achat est une conquête. Rien n'est jamais acquis d'avance. Il est essentiel de développer des affinités avec la marque pour la faire aimer. »

Etre à l'écoute

Les études vont donc s'intéresser davantage au lien entre satisfaction et fidélité, et mieux comprendre le processus d'infidélité. « Avant, on disait que notre métier consistait à gérer l'infidélité. Aujourd'hui, il s'agit de mieux comprendre la liberté de choix du consommateur, estime Gustavo Bazan, directeur marketing fidélisation au sein d'Accentiv'. Pour qu'un client revienne, il est important que la transaction soit intéressante pour lui et la marque/ entreprise, que le “contrat” soit bénéfique pour les deux. Pour le client, il s'agit très souvent de reconnaissance. » Jean-Marc Lech aime à dire que « les mécanismes de la fidélité sont à réinventer pour recréer le désir de “Merci”, directement lié aux notions de valeurs ou de légitimité. »

Chez TNS Sofres, on mesure la fidélité au moyen du Conversion Model, un système qui repose sur l'image et le croisement avec la satisfaction. « C'est une part importante de notre business Loyalty. Ce sont souvent des outils barométriques qui mesurent l'attachement à la marque dans le temps et permettent des typologies de clients selon leur profil fidèle/infidèle », explique Arielle Belicha-Hardy, directrice adjointe du département Télécom de TNS Sofres et en charge de la satisfaction client. Pour Ipsos Loyalty, la notion de fidélité correspond plutôt à la “share of wallet”, c'est-à-dire la part que la marque détient dans le portefeuille du client.

Par extension, l'institut propose Loyalty Optimizer, un modèle qui mêle attitude et comportement et permet de maximiser la part qu'un client accorde à une marque dans ses dépenses globales. « Il faut se mettre à l'écoute du client, souligne Elisabeth Martine-Cosnefroy, directrice générale adjointe de CSA. On ne peut pas faire d'études de satisfaction aujourd'hui sans demander au consommateur quelles sont les marques dont il est client et vérifier en amont son statut.

Un client peut sembler perdu par la marque ou l'entreprise, alors qu'il se considère comme client mais achète irrégulièrement. Après, il faut vérifier les valeurs de la marque pour le client et si le produit de la marque est incontournable pour tel ou tel achat. »

Le développement des nouvelles technologies, telles Internet, change la donne. Aujourd'hui, les consommateurs peuvent dire plus facilement ce qu'ils pensent, en bien ou en mal, et les caisses de résonance sont nombreuses. Chats, blogs, forums sont autant de lieux où l'on peut s'exprimer. Là encore, il est important de faire de la veille et de l'analyse. « Il faut mesurer ce que pensent les clients de façon spontanée et laisser la place à des mesures plus légères », estime Laurent Florès. Chez GfK, on souligne la multiplication des moyens de contact avec une marque. « Nous avons donc refondu notre modèle de satisfaction Loyalty+ pour intégrer ce constat », explique Sylvie Nilsson, directrice Division Service Automobile Industry (qui détient l'expertise Satisfaction).

Le modèle intègre, entre autres thématiques, la recommandation et le bouche à oreille autour de la marque. « Les “influentials”, c'est-à-dire ceux qui ont le pouvoir d'influencer leur entourage, sont un vrai sujet d'études. Qu'est-ce qui fait qu'un client devient l'avocat d'une marque ? Telle est la vraie question », poursuit-elle. Compte tenu de la concurrence accrue des marchés et des comportements toujours plus complexes des consommateurs, on peut penser que les études de satisfaction/fidélité n'ont pas fini de faire leur révolution. D'autant que les entreprises sont nombreuses à ne plus hésiter à se remettre en question dans ce domaine.

ANIKA MICHALOWSKA

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page