Services publics et CRM : le complexe du client 4/4
Parce qu'ils s'adressent à la plus large des cibles, parce qu'ils demeurent bridés par l'impératif d'égalité de traitement, les services publics et administrations rechignent à intégrer la notion de client. Et pourtant, les projets CRM - pour certains très lourds - ne manquent pas.
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L'ombre permanente de l'alternance politique
Fin 2002,
des tests avaient été lancés dans trois régions. Dès le début 2003, le
gouvernement devrait donner l'ordre d'une extension progressive à l'ensemble du
territoire. En cela, Parcours revêtira une dimension supplémentaire
d'exemplarité : le projet aura été reconduit et développé par-delà les
changements des équipes décisionnelles. L'alternance politique pèse en effet
inévitablement sur les projets relevant de la sphère des collectivités ou des
grandes administrations. Un changement d'équipe municipale ou de cabinet au
sein d'un ministère menace la pérennité des actions engagées. En matière
d'économie étatique, les exemples de gabegies sont légion. En quoi les
programmes CRM feraient-ils figure d'exception ? La dimension aléatoire se
trouve amplifiée par la complexité des cycles de décisions et la facture
souvent dilatoire des choix. « Il n'est pas rare que l'on réponde à un appel
d'offres pour attendre le verdict durant plus de six mois. Nous n'avons pas les
moyens de prendre des garanties. On accepte les conditions ou on ne répond pas
aux appels d'offres. Avec les services publics, les contrats font moins jouer
le partenariat donneur d'ordres-prestataires que dans le privé », remarque
Didier Pacheu. Le cabinet Eurogroup Consulting emploie 460 personnes en
France, pour un chiffre d'affaires de 66 millions d'euros. Aujourd'hui, le
volant d'affaires relevant des entreprises publiques représente environ 20 % de
l'activité du cabinet. 20 %, c'est également la part relative des budgets
publics atteinte chez Micropole Univers (chiffre d'affaires 2001 de 59,1 ME). «
Il y a encore quelques années, voire quelques mois, la part des budgets publics
de Micropole était de 50 %. Depuis le 11 septembre, on voit arriver sur ce
marché de nombreuses SSII, qui sont autant de nouveaux concurrents pour nous.
Par ailleurs, les grands cabinets conseil ne crachent plus sur les petites
compétitions entre 150 000 et 500 000 euros », détaille Didier Pacheu. Pour
les projets les plus importants, les administrations et services publics feront
plus facilement appel à des groupements de prestataires susceptibles de
proposer une offre packagée conjuguant les grands axes d'intervention. Ce fut
le cas, par exemple, de l'Assurance Maladie, qui a lancé en avril 2001 un appel
d'offres remporté par un consortium réunissant l'intégrateur Jet Multimédia,
l'opérateur télécom Cegetel, l'éditeur de logiciels Ferma et la société de
formation Metaphora. Objectif : déployer des centres de contacts partout en
France, soit 1 800 postes de travail en front line et entre 2 000 et 4 000
postes en second niveau de traitement, pour traiter de manière homogène 3 à 4
millions d'appels par mois. L'Assurance Maladie aura choisi le modèle de la
concession de service public sur une durée de cinq ans, exactement comme le
font les collectivités locales avec la distribution de l'eau. Avantage pour
l'Etat : il n'a rien à débourser, hors les frais d'aménagement de l'espace et
de mobilier. Le consortium se rémunérant sur le volume de contacts générés et
de minutes de télécommunications. En choisissant une formule autre, l'Assurance
Maladie aurait dû débourser, pour la seule infrastructure technique, la
coquette somme de 10 ME. Nul ne peut plus en douter : si les stratégies CRM
tardent à se faire une place au sein des services publics, elles abritent un
marché de poids.