Services publics et CRM : le complexe du client 1/4
Parce qu'ils s'adressent à la plus large des cibles, parce qu'ils demeurent bridés par l'impératif d'égalité de traitement, les services publics et administrations rechignent à intégrer la notion de client. Et pourtant, les projets CRM - pour certains très lourds - ne manquent pas.
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Le CRM a aujourd'hui pleinement investi les entreprises publiques à
vocation commerciale. « La Poste, EDF, Air France... Toutes les grandes
entreprises publiques ont engagé de lourds projets de gestion de la relation
client. La notion de client est clairement acquise au sein des entreprises
publiques. Tout comme le travail sur la base de données, la segmentation et le
multicanal », affirme Gilles Bonnenfant, associé du cabinet conseil Eurogroup
Consulting. Il faut dire qu'en matière de relation entre la sphère publique et
les Français, l'offre ne fait que suivre la demande. Il semble en effet que les
citoyens, usagers, administrés, clients des entreprises publiques se montrent
ici très demandeurs. Teleperformance France a récemment contacté via son pôle
Etudes un échantillon représentatif de la population française âgée de plus de
18 ans (méthode des quotas : sexe, âge, région, habitat) afin de savoir quel
était leur niveau de fréquentation des services clients à distance. D'où il
ressort que les services publics demeurent très largement utilisés : 22 % de
l'échantillon en a contacté au moins un dans le mois qui a précédé l'enquête.
Les administrations plus réfractaires que les entreprises d'Etat
Mais l'intégration des stratégies CRM s'avère nettement
moins "naturelle" au sein des services publics et des administrations qu'au
sein des entreprises d'Etat à visée commerciale. Certes, pour conjuguer
économies d'échelle, rationalisation des contacts et extension de leurs
services, les services publics cherchent à développer des modes de
communication à distance. Avec les budgets appropriés. Plus les techniques
feront intervenir la ressource humaine, plus elles coûteront cher. L'e-mail
(facilement pilotable avec des outils d'automatisation) est moins cher que le
chat ou le co-browsing. Quant au modèle SMS, il repose sur des technologies
WML, elles-mêmes développées à partir d'une simplification du XML, c'est-à-dire
de la technologie exploitée par Internet. Le développement de plates-formes
d'envois SMS ne coûtera donc pas cher (5 à 10 % du projet web initial), dès
lors qu'il repose sur une architecture internet correctement conçue. De tous
les canaux susceptibles de répondre aux besoins des services publics, ce sont
sans doute les sites web qui se sont le plus développés. Sans doute parce que
nettement moins coûteux que les centres d'appels. Selon une étude du cabinet
Cesmo, les call centers relevant de services publics ne représentaient, en
2001, que 2,5 % du marché des centres d'appels ouverts en France, avec 2 600
stations de travail. « De manière générale, les appels d'offres dans la sphère
publique tournent autour de 300 000-450 000 euros »,
commente Didier
Pacheu, directeur commercial département média services de Micropole Univers,
un intégrateur-conseil. Certes, il faut ici distinguer les projets déployés par
les entreprises à vocation commerciale de ceux définis par les administrations.
De même qu'en ce qui concerne ces dernières, les initiatives locales demeu-rent
généralement plus modestes que les stratégies nationales. Par ailleurs, tout
comme dans le monde privé, les programmes mis en oeuvre peuvent se calquer sur
des actions ponctuelles, mais aussi s'inscrire de manière plus radicale dans la
durée.
Copernic, sans doute le plus ambitieux projet gouvernemental
La Direction générale des impôts a lancé, le 11
mars 2002, un site grâce auquel 32 millions de contribuables peuvent consulter
en ligne leur dossier fiscal. Site qui s'inscrit dans le projet Copernic, dont
l'objectif est de permettre à l'ensemble des contribuables de gérer via
Internet leur relation avec l'ensemble des administrations fiscales sur la base
d'une plate-forme de services multimédia. Sous l'estampille Copernic, Bercy
prépare également la révision de ses schémas de traitement des réclamations.
Aujourd'hui, les trois centres d'appels déployés par le gouvernement ne
prévoient pas ce type de prestation, limités à une mission d'information non
personnalisée. Ce qui, au demeurant, ne retire rien à leur légitimité. Du moins
si l'on en croit le succès immédiat rencontré par l'initiative du ministère des
Finances. En 2000, le directeur des services fiscaux du Nord décide d'ouvrir
un centre d'appels d'information générale pour les contribuables du
département. Un projet suivi de près par le secrétariat d'Etat au Budget de
l'époque, qui insuffle 380 000 euros dans le call center lillois. Le succès est
immédiat. Très vite, les 44 téléconseillers doivent répondre aux demandes de
contribuables relevant d'un périmètre de plus en plus étendu et dépassant
largement le Nord. Or, l'effectif déployé ne permet de répondre qu'à un millier
d'appels par jour. Aujourd'hui, les Impôts disposent de deux nouveaux centres
d'appels en France, à Rouen et Nancy (50 agents au total) proposant une
amplitude horaire largement supérieure à celle des guichets : 8 h à 22 h en
semaine, 9 h à 19 h le samedi. Un relais étant prévu pour permettre une
disponibilité plus tardive et plus longue le week-end. Le tout dans un esprit
de concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux (on sait comme l'idée
même de réforme est épineuse à Bercy). Les fonctionnaires ont commencé par
expérimenter un aménagement du temps de travail : 39 heures par semaine en
février-mars, période de déclaration des revenus, 37 heures et demie le reste
de l'année. Le niveau d'information pratiqué sur ces centres s'avère très
correct et de nombreux professionnels, notaires, experts-comptables, l'ont bien
compris, qui y ont souvent recours. Les centres d'appels leur délivrent en
effet gratuitement une information que des avocats fiscalistes factureraient
parfois plusieurs dizaines, voire centaines, d'euros. A quand une information
et des conseils personnalisés par téléphone ? On en est loin. Il faudrait
construire un fichier des contribuables et, pour ce faire, fusionner les bases
de données du Trésor Public et de la Direction générale des impôts, deux
administrations qui utilisent des systèmes informatiques et des logiciels
incompatibles. 40 millions de particuliers : le modèle imaginé et développé ici
par le ministère de l'Economie et des Finances s'inscrit dans une démarche on
ne peut plus B to C. Tout comme dans l'économie marchande, la communication des
services publics peut relever de problématiques B to C (administrés, usagers,
citoyens) ou B to B (fournisseurs, entreprises privées ou publiques de tous
types, agents ou employés en interne).
Les Français satisfaits à 72 % des services publics
Init Satisfaction, société indépendante spécialisée dans les études de satisfaction, a cherché à apprécier la perception qu'ont les citoyens des services publics. L'objet n'étant pas de savoir pourquoi les usagers se disent satisfaits et insatisfaits, mais d'évaluer leur degré de satisfaction après une récente visite. L'étude d'Init Satisfaction a été menée par téléphone durant la première semaine de février 2002 auprès d'un échantillon de 1 000 Français. Au total, 17 services ont été soumis à l'enquête : mairies, La Poste, Trésor Public, centres des impôts, bus, métro, SNCF, CPAM, préfectures, EDF, GDF, Sécurité sociale, gendarmerie, police, Assedic, ANPE et France Télécom. Plus d'un Français sur deux a fréquenté un bureau de Poste au cours de l'année passée, contre seulement un sur dix pour la police ou la gendarmerie. 71,8 % des Français se disent satisfaits du service apporté par les diverses institutions et organismes publics. Pour comparaison, Init évalue à 78 %, soit deux points de plus, le taux de satisfaction déclaré face aux services rendus par les entreprises privées. En ce qui concerne la sphère publique, le trio de tête se compose de GDF (88,7 %), des mairies (87 %) et d'EDF (85 %). Lanterne rouge, la Sécurité sociale recueille un taux de satisfaction de 59,5 %, juste derrière la police (63 %). Il existe ainsi un fossé de 30 points entre les services les plus et les moins appréciés. Si l'on devait dresser à traits grossis le portrait de l'usager insatisfait, il s'agirait d'un célibataire, trentenaire, diplômé, résidant en Ile-de-France et bénéficiant de hauts revenus.