Services publics et CRM : le complexe du client 2/4
Parce qu'ils s'adressent à la plus large des cibles, parce qu'ils demeurent bridés par l'impératif d'égalité de traitement, les services publics et administrations rechignent à intégrer la notion de client. Et pourtant, les projets CRM - pour certains très lourds - ne manquent pas.
Je m'abonneLes directions CRM sont encore loin des organigrammes
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En
fait, les pôles de divergence entre les mondes public et privé ne sont pas si
flagrants. Mais ne délirons pas, il n'existe pas de postes de responsables CRM
ni même de la relation avec les administrés au sein des entreprises et services
publics. Et on en est loin. Dans le cadre de gros projets, ce sont généralement
les directions informatique ou DSI, ainsi que les diverses directions
opérationnelles impliquées qui donnent la réplique aux consultants,
prestataires et fournisseurs. Pour les programmes plus modestes, type Intranet
ou site web, la maîtrise d'ouvrage relèvera plutôt de la direction de la
communication. Par ailleurs, pas plus que la fonction, les outils de CRM n'ont
pas encore investi la sphère publique. « Les systèmes CRM du marché sont
surdimensionnés pour répondre à la majorité des besoins exprimés par les
services et entreprises publics », insiste Didier Pacheu. Entre public et
privé, l'antinomie la plus manifeste relève essentiellement de motifs
"culturels". « La logique de comportement et de conditionnement est sans doute
la plus longue à mettre en oeuvre »,
remarque Gilles
Bonnenfant. Primes, bonus, intéressement..., on ne passe pas aussi aisément
d'un standard public à des pratiques commerciales de valorisation de la
performance. La réticence interne des entreprises relevant de la sphère
publique s'avère parfois encore plus lourde qu'on ne le pense. Ce, malgré leur
vocation commerciale. Prenons le cas de la Cité des Sciences et de l'Industrie.
A l'instar de l'ensemble du monde muséal, elle se heurte à une baisse
inquiétante de la fréquentation. A quoi s'ajoute un accueil téléphonique
déplorable et une réception physique guère meilleure. Le serveur vocal
interactif figure, à lui seul, la piètre qualité de service de l'établissement.
Le SVI, au fil d'une arborescence labyrinthique, répertorie l'ensemble des
questions que le public de la Cité peut se poser. Pas tant par souci du service
que par volonté de ne pas mettre d'accueil "humain" au téléphone. Pour la
direction de la CSI, il est d'urgent d'agir. Pour de nombreux départements, il
est urgent d'attendre. La direction des systèmes d'information a sollicité par
courrier la totalité des 23 directions (!) de la Cité pour organiser des
réunions de concertation autour de son projet d'amélioration de la relation
client. Elle aurait reçu quatre réponses. On imagine alors aisément la
difficulté d'organiser un marketing personnalisé vers les différents segments
de clientèle... Quant à la seule idée de programmer des actions de
prospectio...
La cible des contribuables ou les "32 millions d'amis" de Bercy
La réticence à développer des approches CRM
trouve un écho plus ou moins amplifié dans l'ensemble des services publics et
des administrations. A l'image du ministère de l'Economie et des Finances, qui
devait lancer fin octobre ou début novembre un appel d'offres auprès des
sociétés de conseil. Appel d'offres dont on dit dans la profession qu'il
pourrait figurer parmi les plus "lourds" engagés par l'Etat en matière de
relation avec les contribuables, ceux que l'on appelle à Bercy les "32 millions
d'amis", ainsi que les 8 millions de bénéficiaires de la Prime pour l'emploi.
Le déploiement de ce dispositif devant s'étaler sur deux ans, de 2004 à 2006. «
Les défenseurs de ce projet au sein du ministère veulent pouvoir investir dans
des outils qui permettront de "profiler" les foyers afin de programmer un
maximum d'actions en pushing et de limiter ainsi l'encombrement au niveau des
contacts entrants. Le CRM arrive aux Impôts »,
explique Colin Le
Lidec, manager chez CSC Peat Marwick, spécialisé dans le CRM. Cette stratégie
d'anticipation dans la communication vers les foyers français, si elle devait
être mise en pratique, utiliserait dans les premiers temps le mode écrit :
mailing et e-mailing. Mais, là encore, le concept se heurte à un mur de
contempteurs : "L'Etat n'a pas à faire de marketing, il faut préserver
l'égalité de traitement, fondement du service public". Et le débat résonne avec
d'autant plus d'acuité que, courbe démographique oblige, l'administration des
Impôts, comme beaucoup de services publics, va se trouver confrontée dans les
mois qui viennent à un flot de départs en retraite. Faudra-t-il pourvoir les
postes vacants ou devra-t-on profiter d'un nouveau modèle de contacts avec les
contribuables, plus productif, pour absorber en douceur l'étiolement des
effectifs ? Le CRM pourrait bien ici se mettre au service des partisans du
"modernisme". Tout comme il vient alimenter les pratiques productivistes des
entreprises privées.
Administrations on line : plus d'information que d'interaction
Dans le dernier volet d'un baromètre annuel portant sur le développement des services administratifs en ligne, Accenture place la France au douzième rang mondial. Un résultat honorable qui s'explique assez largement par la forte présence de sites informatifs. Sur les 161 services publics évalués par Accenture, 155 sont disponibles en ligne dans une plus ou moins large mesure, soit 96 %. Ce qui positionne la France au troisième rang mondial, derrière les Etats-Unis et Singapour. Mais, lorsqu'il faut attribuer une note pour qualifier le niveau de profondeur et de maturité des services en ligne, le résultat tombe à 45 sur 100. Pour ce qui est de l'interactivité des services déployés, Accenture signale une légère régression de la neuvième à la dixième place avec une note de 32 sur 100, contre une note moyenne de 30. En matière de CRM, le site du ministère des Finances, impots.gouv.fr, affiche de bons résultats pour l'interaction, la connaissance du citoyen et l'orientation client. Mais, de manière plus générale, les administrations françaises doivent améliorer leurs offres de services transactionnels et la personnalisation de leur vitrine web. Accenture signale néanmoins la bonification de quatre sites majeurs, devenus interactifs entre 2000 et 2001. Le site finances.gouv.fr permet ainsi aux entreprises de s'acquitter de leurs impôts via Internet. Le site de l'ANPE (anpe.fr) comporte désormais, pour sa part, un espace employeur où les entreprises peuvent déposer leurs offres. L'Insee autorise sur recensement.insee.fr le téléchargement ou l'achat des données sur le recensement. Quant au registre du commerce (infogreffe.fr), il propose des informations payantes sur les entreprises. Moins bonnes notes pour le Trésor Public et La Poste.