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Opt-in : la course au leadership

Il y a un an, les premiers à se lancer sur le marché de l'e-adresse se trouvaient livrés à eux-mêmes, sans règles de procédure pré-établies dans la constitution des bases. Aujourd'hui, l'opacité demeure. Et les acteurs sont plus nombreux, affichant des visées ambitieuses quant à la taille de leur offre. A la mesure des sommes investies.

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«Cet univers manque de rigueur », lance Thierry Asmar, tout nouveau patron de Claritas, après un premier mois d'immersion dans le monde de la location de fichiers d'adresses e-mails. Il y a un an, quelques acteurs se sont attaqués de plein front à ce marché des e-adresses. Aujourd'hui, les offres sont pléthore. Reste à départir le bon grain de l'ivraie, ce qui n'a rien d'évident au vu de l'opacité qui régit la collecte des adresses e-mails. Et Thierry Asmar d'expliquer que, depuis qu'il a pris la tête de Claritas en France, il ne cesse de faire l'objet de démarchage de la part de fournisseurs de bases dont la qualité intrinsèque avoisine souvent le n'importe quoi. Et pourtant, les acteurs sont nombreux à penser que l'e-adresse constitue la matière première d'un véritable marché. C'est bien pourquoi les mégabases s'y intéressent, soit avec une certaine témérité, soit avec une prudence certaine. Mais toujours avec de lourds investissements. « Face à la nouvelle donne du marché de l'adresse B to C, les mégabases ne pourront se développer que si elles sont capables de prendre le virage d'Internet. Tant sur le plan de la collecte d'informations sur les comportements des consommateurs en matière de nouvelles technologies que sur la collecte d'adresses e-mails », avance Philippe Delière, directeur général d'Impiric. Qu'en est-il exactement du côté des mégabases ?

Consodata, premier bilan un an après


Il y a un an, Marc Hénon, président du directoire de Consodata, nous exposait ses visées sur le marché de l'adresse e-mail : 5 millions d'adresses e-mails à l'échelle européenne seraient récoltées en 2001. Le tout strictement opt-in. Et avec, pour chaque adresse une vingtaine de critères segmentants. Le positionnement de Consodata étant strictement limité à la location des adresses, sans service autour, excepté la livraison et le routage, sécurisation de la base oblige. Fin avril 2001, la base comptait un million d'adresses recensant des internautes principalement dans trois pays d'Europe : 500 000 en France, 400 000 en Grande-Bretagne et 100 000 en Italie. En 2000, Consodata devait également lancer son programme de collecte en Espagne, en Belgique et en Allemagne. « Nous avons pris un peu de retard, reconnaît Marc Hénon. Nous allons attaquer l'Allemagne très bientôt. » Pour Consodata, le marché de l'e-adresse est éminemment stratégique. Il pourrait à terme représenter de 30 à 50 % du chiffre d'affaires global. « L'adresse e-mail va révolutionner le marché dans les années qui viennent. Mais aujourd'hui, il faut raisonner en timing. Notre objectif est d'élargir la couverture de notre base, afin de coller à la pénétration d'Internet. Et ensuite, de nous donner les moyens d'assurer l'homogénéité de la base. La profondeur, pour l'heure, n'est pas la priorité », affirme Marc Hénon. Chez Claritas, homologue concurrentiel direct de Consodata, on joue davantage la modération. Pour Thierry Asmar, le canal mail est intéressant s'il est envisagé de manière stratégique, dans une perspective et une démarche multicanal de communication. « Nous sommes d'abord dans une logique de qualité, ensuite dans une logique de volume, et certainement pas l'inverse », affirme le Dg. Pour l'heure, la base européenne de Claritas compterait près d'un million d'e-adresses et la taille critique serait atteinte dès ce mois de juillet. Mais Claritas adopte la prudence. Les indicateurs montrant que l'économie risque de se tasser en France dans les mois qui viennent, il est évident que les entreprises ne vont pas gaspiller les fruits de certains bénéfices sur la collecte de fichiers d'internautes. A fortiori dans la mesure où le marché ne répond pas encore à des règles claires et que ses débouchés semblent pour le moins hasardeux. « Un groupe comme Danone, de même que toutes les entreprises dans l'univers de la grande consommation, investissent actuellement davantage dans les études que dans l'acquisition et la qualification d'adresses, notamment d'adresses e-mails. En matière d'adresse, c'est encore l'adresse postale qui intéresse très majoritairement les annonceurs », souligne Stéphanie Maquennehan, directeur conseil chez Claritas.

De la régie pub à la libre commercialisation des adresses


Ce qui n'empêche pas les sociétés d'investir dans la constitution de bases opt-in. Lancé en France en février 2000, ciao.com est un modèle initié en Allemagne en 1999 et qui se présente comme une plate-forme dédiée aux consommateurs, au travers de laquelle ceux-ci peuvent s'exprimer et échanger des avis et conseils sur des produits de grande consommation, quels qu'ils soient. Aujourd'hui, Ciao compte 600 000 membres en Europe dont 85 000 en France. Une base assez représentative de la population des internautes : 70 % d'hommes, 56 % âgés de 15 à 35 ans, plus de 70 % ayant déjà acheté au moins une fois sur le Web et un taux moyen d'utilisation d'Internet de plus de deux années. Le modèle Ciao repose sur un double positionnement : la régie publicitaire et la commercialisation de fichiers d'adresses auprès d'annonceurs. Comme pour la plupart des sites dits "communautaires", le recrutement des adresses se fait sur la base d'un système d'adhésion des internautes au site. Adhésion qui peut être directement imputable à des offres proposées sur des sites partenaires, comme zebank.fr ou libertysurf.fr. Quant à la qualification de la base, elle est liée d'une part à l'envoi régulier aux membres de questionnaires, d'autre part au tracking des internautes au fur et à mesure de leur déplacement sur le site. A la base, le fichier de Ciao France est qualifié sur les critères élémentaires : adresse, nom, prénom, âge, sexe. Pour aller plus loin dans la segmentation, le site invite régulièrement ses inscrits à répondre à des sondages. « Le site permet aux membres de donner leur avis sur une marque et, s'ils le souhaitent, d'envoyer cet avis sous forme de mail à l'entreprise. Celle-ci a alors la possibilité de répondre et, ce faisant, d'acquérir l'adresse de l'internaute », explique Nicolas Metzke, président de Ciao.com France. Pour les entreprises, il s'agit là d'un potentiel de recrutement des plus intéressant en termes de qualité de la cible. Que l'internaute se soit manifesté pour exprimer des critiques, pour faire savoir sa satisfaction ou pour poser une question, il s'agit d'un client ou d'un prospect captif, qu'il est relativement facile de conquérir, reconquérir ou fidéliser.

Ciao : une offre "MD" prête au lancement


Pour l'heure, Ciao n'a pas encore véritablement lancé, de manière formalisée, son offre "marketing direct" auprès des entreprises. Mais, comme le précise Olivier Metzke, « tout est prêt, plus vite ça ira, mieux ce sera ». De facto, rien n'empêche donc aujourd'hui les entreprises de louer à Ciao.com les adresses de sa base. 5 000 membres de la base auraient déjà coché la case autorisant la diffusion des données les concernant, et 40 % des nouveaux membres signifieraient ainsi leur accord. « Notre ambition est de réaliser à terme 50 % de notre chiffre d'affaires avec le marketing direct », note Olivier Metzke. L'italien Buongiorno a pour sa part enregistré un chiffre d'affaires de 10 millions d'euros (65 millions de francs), principalement avec la vente d'espaces publicitaires sur ses quelque 150 newsletters auprès de 13 millions d'internautes. Présent en Italie, en Grande-Bretagne, en Autriche, en Allemagne, en Espagne, Buongiorno est installé en France depuis cinq mois, où l'entreprise se présente comme la première régie publicitaire spécialisée dans l'e-mail marketing et le permission marketing. Le modèle Buongiorno reposant sur l'envoi de messages publicitaires ou promotionnels ciblés auprès des abonnés à des newsletters, à raison, aujourd'hui, de 5 millions de messages électroniques et deux millions de SMS envoyés par jour.

Buongiorno : une cinquantaine de newsletters en France


En France, le nombre de newsletters diffusées par Buongiorno atteint aujourd'hui la cinquantaine. Dont une petite partie rédigée par une équipe de rédacteurs salariés de Buongiorno et une grande partie achetée à des éditeurs. La base française recense déjà 1 million de membres, dont 250 000 à 300 000 ayant coché la case opt-in. « Notre objectif est d'atteindre les 8 millions d'adresses en France », précise Alex de Carvalho, directeur Europe business services de Buongiorno. Parmi les grandes bases aujourd'hui constituées, on peut également identifier Impact Net, qui disposerait aujourd'hui de 600 000 adresses collectées, en partie constituée sur le rachat des bases de certains fournisseurs d'accès internet, lorsque ces derniers en étaient à leurs débuts. Aujourd'hui, il est devenu inimaginable de voir un fournisseur se porter acquéreur du fichier clients d'un FAI. Impact Net, comme d'autres entreprises positionnées sur ce créneau de la compilation d'adresses e-mails, enrichit donc sa base à partir de sources annexes : newsletters, jeux concours, partenaires... Impact Net est par ailleurs propriétaire du site 101cadeaux.com (300 000 abonnés), qui permet aux internautes de recevoir des cadeaux (par exemple à l'occasion de leur anniversaire), moyennant certaines informations sur leur profil et leurs centres d'intérêt. Quant à savoir quelle est ici la part de l'opt-ic... Celle-ci est toujours plus difficile à vérifier dès lors que les sources d'alimentation sont de nature et aussi diverse. Le permission marketing, c'est en revanche le principe moteur de sport4 fun.fr, site de pronostics sportifs, qui comptait début avril 240 000 inscrits, pour une audience atteignant les 22 millions de pages avec pub vues. L'objectif étant de constituer une base européenne. 20 000 adresses ont déjà été collectées en Italie, deux mois seulement après le lancement de la version transalpine de sport4fun. « Nous ne vivons qu'avec la publicité. Et c'est très transparent. Lorsqu'un internaute vient s'inscrire, on lui propose de nous communiquer quelques informations sur ses centres d'intérêt et de lui adresser ensuite des offres et des publicités ciblées », explique Nicolas Béraud, P-dg de Sport4fun. Les adresses de la base comportent des informations sur l'âge, le sexe (85 % des inscrits sont des hommes), le code postal, la ville, la rue, les sports favoris. La qualification des adresses peut être exploitée dans trois types de contexte : ciblage des messages publicitaires au fur et à mesure de la navigation de l'internaute inscrit, e-mailing adressé aux joueurs, et newsletter hebdomadaire. Les inscrits à sport4fun reçoivent une fois maximum par semaine, via mail, une offre ciblée, avec, de temps à autre, un questionnaire opt-in auquel les 2/3 répondent. Un taux de remontées qui doit beaucoup à l'esprit communautaire voulu par les créateurs de sport4fun. Chat, forums, mais aussi dotations intéressantes pour un site de jeu : en 2000, 3 millions de francs de cadeaux auront été gagnés par les parieurs. « En septembre 2000, nous avons adressé un questionnaire de 5 pages à l'ensemble des 100 000 inscrits que nous comptions alors. 25 000 nous ont répondu. En y consacrant un bon quart d'heure de leur temps », raconte Nicolas Béraud. En l'occurrence, il s'agissait d'un questionnaire conçu par le site avec une finalité d'enrichissement de sa base clients.

L'obligation d'atteindre la taille critique


Avec une base de 240 000 internautes, sport4fun fait partie des acteurs importants du commerce d'adresses e-mails opt-in en France. Et, par-delà les discours donnant la primauté à la dimension qualitative des fichiers constitués, nul ne cache ses visées quantitatives. Le marché de l'adresse électronique répond aux mêmes exigences que celui de l'adresse postale : il faut y atteindre une taille critique pour pouvoir y perdurer. A tel point que, le naturel revenant au galop, l'argument quantitatif reste, chez la plupart des intervenants, le premier avancé. « Et pourtant, s'il existe un marché où il n'est pas nécessaire d'être leader, c'est bien celui-là », assène Thierry Asmar, Dg de Claritas. Qui n'est ici guère suivi. En tout cas par Marc Hénon, patron de Consodata, qui déclare sans ambages : « Nous sommes actuellement leaders en Europe ». Si Consodata a effectivement collecté un million d'adresses, il devance Claritas qui n'a pas encore atteint le million. Mais qu'en est-il des autres, du moins de ceux qui revendiquent une collecte strictement opt-in ? « Je ne connais pas bien Buongiorno. Mais je ne suis pas sûr qu'ils fassent du vrai opt-in », lance Marc Hénon. Il est à cet égard amusant de voir à quel point, dans cette course au leadership, les acteurs en savent peu - ou feignent d'en savoir peu - sur leurs compétiteurs A l'image d'Alex de Carvalho, directeur Europe business services de Buongiorno, qui identifie deux rivaux majeurs en France : iBase et ses "80 000 adresses" et Consodata et ses "200 000 adresses" en France. Quand, pour leur base française, le premier en revendique un million et le second 500 000. A noter toutefois qu'on ne peut taxer le représentant de Buongiorno de réductivisme systématique à l'encontre de ses concurrents puisqu'il cite pour Consodata une base européenne de trois à quatre millions d'adresses alors que le propriétaire n'en revendique qu'un million.

La base Consodata collectée à 80 % on line


Pour Alex de Carvalho, Consodata a accusé du retard en France pour la bonne raison qu'il collecte essentiellement des adresses off line. Faux, rétorque Marc Hénon : le off line, avec les questionnaires Consodata diffusés comme on le sait, ne représente que 20 % de la base aujourd'hui constituée, les quatre cinquièmes relevant de partenariats on line, et de qualification en ligne sur la base de questionnaires ne dépassant pas les 20 questions. Cette méconnaissance des uns quant à l'offre des autres n'est pas seulement anecdotique. Elle traduit on ne peut mieux la facture nébuleuse d'un marché qui a décidément du mal à ne pas céder au règne de l'opacité. Opacité qui n'est pas propre à la seule collecte des adresses. Elle se décline jusque dans l'entretien des bases et dans leur mode d'enrichissement. Ainsi, Ciao.com, en France, n'a pas encore établi de cadre d'utilisation de ses fichiers suffisamment strict pour répondre aux exigences légitimes d'un annonceur qui souhaiterait lancer une action d'e-mailing. Quelle est par exemple la règle arrêtée quant à la fréquence d'utilisation de chaque adresse ? « Ça n'est pas encore défini. Nous sommes dans une logique d'augmentation de chiffre d'affaires », se contente de répondre le P-dg. Un peu léger.

Des fréquences de sollicitation diverses


Car, si l'on entend de plus en plus de voix insister sur la nécessité d'organiser le marché de l'e-mailing sur des bases saines, c'est sans doute parce que l'urgence est ici plus flagrante qu'ailleurs. Les bases opt-in sont suffisamment rares pour qu'on les abîme. Et les galvauder, c'est déjà les abîmer. Chez sport4fun.fr, par exemple, on s'est d'emblée fixé des règles strictes quant à la fréquence maximale d'exploitation des adresses : pas plus d'une offre par semaine pour la partie de la base répondant complètement aux critères de l'opt-in. Et l'internaute est informé qu'il ne sera pas contacté plus souvent. Chez Buongiorno, une limite a également été fixée dans la fréquence d'envoi des questionnaires de qualification : pas plus d'une fois par mois ou de huit à dix fois par an. La qualité des bases, c'est aussi la qualité des partenariats passés autour de son montage, de sa diffusion et de son entretien. Car une "mégabase" d'adresses e-mails ne peut se construire qu'avec des partenaires. Bases propriétaires, sites communautaires, listes de diffusion, auprès desquels on puisse acheter des fichiers. Si l'on recherche en priorité le volume, il suffit d'investir à hauteur des quantités que l'on souhaite acheter. Ainsi, E-Mailing France revendique une base de 70 millions d'adresses e-mails dans le monde, dont 350 000 francophones, constituée à partir du rachat d'une vingtaine de bases propriétaires et de la compilation de services d'inscription volontaire en ligne. Chaque adresse étant qualifiée avec un nombre de critères allant de 6 à 100. Mais, dès lors que l'on vise à constituer une offre qualitativement crédible, tant en termes de représentativité que de profondeur et de pérennité des modes de qualification, les partenaires potentiels ne sont pas légion. Il y a un an, Consodata, en affichant ses ambitions de leadership en matière de base opt-in européenne, annonçait pouvoir passer des accords avec quelque 200 partenaires fin 2001. Il semblerait que l'on en soit encore loin. Et ici, ce n'est pas tant Consodata (dont on connaît au demeurant la propension aux effets d'annonce) qu'il faut incriminer qu'une évolution plus lente que prévu des moeurs européennes en matière de nouvelles technologies. La pénétration d'Internet tarde, a fortiori dans certains pays comme la France. Et les entreprises, vendeuses potentielles d'adresses e-mails comme acheteuses, font preuve d'une grande circonspection.

Recrutement plus aisé en France, location plus facile outre-Manche


« L'Italie accuse un peu de retard. En France, on recrute plus facilement mais on vend un peu moins. En Grande-Bretagne, c'est l'inverse », souligne Marc Hénon. Le marché étant plus rodé outre-Manche, avec une plus forte pénétration d'Internet, les partenariats sont en fait un peu plus difficiles à sceller. Alors que la plus grande virginité du marché hexagonal laisse plus de champ libre aux rapprochements et aux stratégies de recrutement dans une perspective de constitution de bases. « Nous passerons des partenariats avec toute société disposant d'une base suffisamment importante d'adresses et des moyens de l'alimenter, tant en termes de volume qu'en termes de qualité », avance Thierry Asmar, Dg de Claritas. Qualité, c'est-à-dire procédures qualité.

La cible sport, riche en "early adopters"


Car rien n'indique a priori qu'un fournisseur pouvant apporter un premier fichier de 10 000 adresses opt-in et correctement qualifiées, sera en mesure d'apporter les mêmes garanties quand sa base aura atteint les 200 000 unités. Tout inciterait même à imaginer le contraire. Claritas observe donc le marché, soupèse ses différents acteurs et pour tout partenaire choisi, les procédures qualité que le fournisseur doit appliquer sur la durée sont décrites de manière contractuelle. Ce serait dons le cas avec lastminute.com, ou MessageMedia, spécialiste de l'e-mailing avec lequel Claritas vient de signer un accord de partenariat. Avec ses partenaires, Claritas, récolterait chaque semaine plusieurs milliers de nouvelles adresses. Claritas n'est pas le seul intervenant sur ce marché à vouloir conserver sur sa base un total contrôle. Sport4fun s'est, par exemple, d'emblée refusé à toute diffusion extérieure de son fichier. Les adresses peuvent être utilisées par des entreprises ou des marques tierces susceptibles d'être intéressées par la base. Entreprises ou marques potentiellement nombreuses : « La cible des amateurs de sport est très porteuse, avec une forte représentation de early adopters », rappelle son P-dg. L'utilisation des adresses se fera alors dans le cadre de partenariats strictement définis. « La règle du permission marketing nous contraint à conserver la totale maîtrise de chaque adresse et de chacune de ses utilisations », poursuit Nicolas Béraud.

Politiques tarifaires plutôt aléatoires


Pour utiliser la base de sport4fun, les sociétés ou marques partenaires ont deux choix : utiliser la newsletter ou diffuser des bannières ou des messages ciblés au fur et à mesure de la navigation des internautes inscrits et donc qualifiés. « Dans la majorité des cas, on nous demande deux critères de segmentation, pas davantage. Souvent l'âge et le sexe », relève le P-dg de Sport4fun. Plus de 70 % des inscrits sont abonnés à la newsletter ; soit 170 000 personnes environ. Quant à la base strictement opt-in, elle comptait fin avril 40 000 noms. « Les meilleures opérations pour nos partenaires ont généré des taux de clics de 10 à 15 %. Mais le succès d'une action varie de 1 à 10 selon la nature des offres. Avec le mail, il faut des offres très simples, directes, lisibles et réactives », précise Nicolas Béraud. Mais les annonceurs louant l'utilisation de la base sport4fun, comme c'est d'ailleurs le cas sur le marché de la location d'adresses, communiquent peu au propriétaire les taux de clics générés, encore moins les taux de transformation. « Quelques rares annonceurs jouent le jeu. Quitte pour nous à signer des engagements de confidentialité. Et à nous mettre d'accord sur le travail à mettre en oeuvre en cas de mauvais résultats », précise Nicolas Béraud. Si les propriétaires pouvaient obtenir des informations sur l'efficacité des actions orchestrées autour de leurs adresses, ils pourraient sans doute affiner leurs pratiques tarifaires. Pratiques qui restent, là aussi, conditionnées à des principes plutôt aléatoires. En tous cas qui pourraient gagner en rigueur. Chez E-Mailing France, il semble que la politique tarifaire proposée corresponde davantage à des besoins d'actions de spam qu'à des programmes de ciblage particulièrement pointus : de un franc à 50 centimes l'unité en fonction du volume commandé. Le coût moyen d'une adresse e-mail "basique" (c'est-à-dire au mieux opt-out) fluctuant entre 0,30 et un 1,50 franc selon les critères sélectionnés. Mais le prix d'une adresse opt-in est sensiblement plus élevé sur le marché. Consodata propose un tarif situé entre deux et trois francs, routage compris. Chez Ciao.com, il faut compter entre trois et quatre francs. Alors que les entreprises partenaires de sport4fun doivent négocier des forfaits sur la base d'un prix brut de 2,50 francs par adresse, avec un supplément de 10 % par critère supplémentaire. Quant à l'hébergement dans la newsletter du site, il est proposé au tarif brut d'1 franc le contact.

Des critères de tarification variables


En fait, le prix de l'adresse est calculé sur un certain nombre de postes. Le premier d'entre eux étant bien sûr le coût d'acquisition. Ensuite, le tarif augmente en fonction du nombre de critères de segmentation requis. De leur nombre et de leur valeur. Prenons l'exemple du code SMS. Pour l'heure, la chose n'intéresse que très peu les entreprises françaises car le prix de l'envoi de messages sur les téléphones mobiles coûte une fortune. En Italie, où le marché est aujourd'hui complètement rodé, une société comme Buongiorno route quelque 30 millions de SMS par mois. Lorsque le marché démarrera en France, et avant qu'il ne devienne aussi "naturel" que de l'autre côté des Alpes, il est évident qu'il y aura là un marché très lucratif pour ceux qui auront su se constituer une base suffisamment représentative en termes de taille critique. Et c'est bien ce à quoi travaille Buongiorno en France. Mais la valeur marchande de l'adresse peut également être fonction de la "sphère comportementale" dont elle relève. C'est ainsi que Buongiorno calcule ses prix : les adresses seront louées de 75 à 300 francs le mille en fonction du contenu des newsletters auxquelles seront abonnés les internautes : moins cher pour un abonné à une liste de diffusion "loisirs ou humour", plus cher pour un amateur d'informations financières. On notera au passage que l'acteur italien, qui revendique une politique de prix "collant à 100 % au prix marché", annonce ici des tarifs très modiques.

Des cycles de rentabilité très courts


La politique tarifaire des entreprises est bien sûr régie par les objectifs de rentabilité des fournisseurs de mégabases. A cet égard, le système choisi par Consodata est original dans la mesure où il ne génère aucun coût d'acquisition. L'entreprise passe des accords avec un certain nombre de sites partenaires, par exemple des loteries, qui lui soumettent gratuitement leur base clients. Celle-ci est intégrée dans la base Consodata, qui procède au dédoublonnage et a la qualification. Les adresses sont alors ouvertes à la commercialisation et les prestataires rémunérés sur le volume d'adresses louées. « Nous leur reversons de 40 % à 50 % de revenus générés », précise Marc Hénon. Si ce modèle limite les investissements en achat d'adresses, Consodata n'en aura pas moins investi en 2000 près de 4 millions d'euros (25 MF) dans la constitution de sa base et emploie sur ce marché une équipe dédiée de 35 personnes. « Nous serons rentables fin 2001 », annonce Marc Hénon, qui affirme que la base a trouvé une certaine reconnaissance auprès des annonceurs, avec plusieurs campagnes orchestrées quotidiennement pour des volumes moyens avoisinant les 30 000 adresses. Consodata vise un chiffre d'affaires de 5,6 millions d'euros (36 MF) fin 2001, contre 400 000 euros en 2000. C'est dire la croissance prévue pour cette activité. Rendez-vous dans un an pour un bilan. Chez Buongiorno, qui a levé 25 millions d'euros pour développer son modèle à toute l'Europe, la rentabilité est prévue, du moins espérée pour 2003. La régie publicitaire, qui représente aujourd'hui la grande partie de l'activité du groupe (Buongiorno est la première régie on line en Italie), devrait dans les deux ans atteindre en France la même part du chiffre d'affaires que les activités dites de business services, à savoir de location de la base d'adresses et le développement en marques blanches de technologies propres d'e-mailing. Le directeur général de Claritas, persistant dans l'ellipse, parle de plusieurs millions de francs investis en France dans la collecte d'adresses e-mails : « Nous sommes ici sur des cycles de profitabilité très courts. Si tout ça n'est pas rentable dans les 18 à 36 mois, il nous faudra nous retirer de ce business. » D'ici-là, le marché pourrait bien enfin décoller. Reste à espérer qu'il le fasse sur des bases assainies, et enfin régies par un code reconnu et partagé de bonnes conduites.

Muriel Jaouën

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