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Décontingenter le marché pour raviver les perspectives

Partenariats, intégration de techniques composites, croisement de sources hétéroclites..., le marché des fichiers B to C pourrait bien se trouver chamboulé plus vite que prévu. C'est en tous cas dans la transgression de certains cloisonnements qu'il trouvera son développement.

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Chaque année au mieux, en tout cas tous les deux-trois ans, une heureuse initiative vient apporter, de manière visible, un coup de neuf au marché des fichiers grand public. Un an après son lancement, le dispositif Bébé Net (voir p. 90) est venu donner à l'offre générale un peu d'oxygène autant sinon plus par sa forme que par son contenu. Cela dit, les plus grands changements, sur le marché des fichiers B to C, pourraient bien ne pas venir des prestataires, en tous cas des hébergeurs, mais bien des propriétaires de bases clients. Certes, l'idée n'est pas neuve.

Philippe Delière (Impiric)

: " Les industriels vont passer des partenariats afin de mutualiser leurs bases et leurs exploitation à des fins de prospection ou de fidélisation"




Depuis deux-trois ans, on sait que si renouvellement de l'offre il doit y avoir, il viendra certainement des entreprises, et notamment des plus grandes, qui disposent de véritables trésors, pour la plupart jalousement protégés des convoitises extérieures. En l'occurrence, cette contribution à l'oxygénation de l'offre pourrait prendre deux formes. La première résiderait dans la commercialisation, par leurs propriétaires, de leurs adresses clients. Certes, la très grande majorité des bases de données clients demeure jalousement protégée des regards extérieurs. « Il est inconcevable de commercialiser sa propre matière première », résume Olivier Lamarque, directeur marketing et communication de Direct Assurance. Une opinion largement partagée. La logique rentabiliste comme aiguillon du marché. Et pourtant, peu à peu, cette logique rentabiliste devrait rallier des adeptes. L'entretien d'une base de données clients coûte très cher. La location des adresses propres et qualifiées s'avère très rémunératrice. Pour financer l'un, les entreprises seront sans doute de plus en plus nombreuses à en venir à l'autre. Une perspective vraisemblablement imparable, et d'autant plus intéressante qu'elle contribuera non seulement à renouveler la donne, mais à la renouveler de manière qualitative. Car cette arrivée d'air se fera sous forme d'instillations, la parcimonie constituant pour les propriétaires l'assurance de conserver à leurs adresses leur valeur d'efficacité et leur valeur marchande. Pas de risque a priori de surexploitation. Mais ce renouvellement pourrait prendre une autre forme, non-exclusive de la première. « Nous entrons dans un cycle où les industriels vont passer des partenariats afin de mutualiser leurs bases et leur exploitation à des fins de prospection ou de fidélisation », remarque Philippe Delière, directeur général d'Impiric, qui affirme qu'une initiative de ce type s'est nouée au sein de son groupe. Aujourd'hui, Impiric Interactive, la branche du groupe de marketing relationnel dédiée à la gestion des bases et à l'Internet, représente plus de 35 % de sa marge brute. Un ratio qui, selon le directeur général, va sensiblement croissant. Et que le jeu des partenariats pourrait bien booster. Car, à l'heure où les rumeurs se font de plus en plus insistantes sur une entente stratégique entre les deux géants Procter & Gamble et Coca-Cola quant à une utilisation collégiale de leurs bases de données clients respectives, cette tendance pourrait effectivement s'affirmer.

Vers une nouvelle configuration du marché


Si c'était le cas, elle ne se traduirait pas seulement par de nouvelles opportunités pour les entreprises entrant dans ce jeu. Ses conséquences se porteraient également sur la configuration générale du marché de l'adresse. « Devant le travail effectué par des propriétaires qui disposent aujourd'hui de bases volumineuses et opératoires, devant leur propension à se tourner vers des partenaires également propriétaires, les mégabases risquent de prendre un sérieux coup et de devenir de plus en plus obsolètes », affirme Philippe Delière. De fait, les entreprises, dans la mesure du moins où elles détiennent des fichiers de plus en plus importants, pourraient être en recherche de sources d'informations plus caractérisées par la profondeur de l'information contenue que par l'amplitude de la couverture. Autrement dit, qu'il soit question d'opérations de conquête ou de qualification des bases, les propriétaires risquent de se tourner de plus en plus vers des fichiers pointus, très qualifiés, quantitativement limités, peu exploités et chers. Ce qui confirmerait l'antienne des professionnels de l'adresse selon laquelle les offres de niches constituent la véritable richesse du marché. « Ce discours, que l'on entend depuis maintenant un certain temps, va enfin sans doute trouver un véritable écho. Mais, le paradoxe, c'est que grâce à la constitution de grandes bases propriétaires, les petits fichiers de comportement vont trouver un nouveau sens », poursuit Philippe Delière.

Le propriétaire reste le meilleur juge de ses adresses


L'approche partenariale présente un autre avantage, dans la mesure où elle induit des relations privilégiées avec un propriétaire, qui de ce fait s'engage. Elle dispense en effet l'utilisateur des adresses d'un recours à un conseil extérieur. Le propriétaire étant le mieux placé pour juger de la pertinence de leur exploitation. « Lorsque vous montez des opérations avec un vépéciste comme La Redoute, et ce depuis plusieurs années, il est évident que la relation commerciale dépaasse la simple location d'adresses. Il s'agit bien souvent d'opérations communes, où les intérêts de l'un voisinent avec les intérêts de l'autre », souligne Gérard Mille, responsable des ventes de Center Parcs France. La maîtrise des données demeure en effet l'un des soucis majeurs des utilisateurs autant que des propriétaires, qui cherchent la confiance auprès de leurs partenaires d'échanges ou auprès de leurs diffuseurs. Direct Assurance commercialise depuis un an et demi sa base prospects. « Il s'agit d'une véritable base comportementale, particulièrement riche en informations puisqu'elle référence les personnes qui, pour nous adresser une demande d'information ou un devis, doivent remplir un formulaire assez détaillé », remarque Olivier Lamarque, directeur marketing et communication. Qu'est ce qui pousse une société comme Direct Assurance à ouvrir ainsi une base sur des utilisations extérieures ? « Ce n'est pas un centre de profit, mais une source de profit. Il est certain que cette activité, qui est loin d'être centrale pour nous, rapporte de la marge nette », répond Olivier Lamarque. On ne saura pas à quelle hauteur. La base compte un million d'adresses, qui sont louées de 800 à 1 300 francs le mille. « Nous restons dans la fourchette basse du marché, mais je privilégie la régularité », précise le directeur marketing. Chez Direct Assurance, on cherche à assurer un volume raisonnable mais constant. Pour ce faire, après une longue réflexion, l'entreprise a décidé, avec son diffuseur exclusif, Koba, de packager la base par profil.

Les limites de la segmentation, face à un effet d'érosion


Packages ou pas, nul ne doute que les entreprises en phase de prospection exigeront de plus en plus de critères de sélection. Soit, mais le propos est tout sauf neuf. Et le ciblage n'est pas la panacée. Car la source, elle, est épuisable, quand bien même on en approfondirait toujours davantage le contenu. « Il y a 26 millions de foyers en France, et ça ne changera pas. En fait, à long terme, les perspectives ne sont pas tant la segmentation que dans le juste mariage entre des critères de ciblage plus pointus et une offre, un message adaptés », affirme Olivier Lamarque. Même réserve de Gérard Mille, devant les miracles d'efficacité de croisements poussés de segmentation. « Bien sûr, on peut toujours trouver de petits fichiers bien segmentés, et croiser les données de manière de plus en plus fines. D'autant que les techniques sont aujourd'hui très probantes. Mais, de manière générale, on n'a pas encore compensé l'effet d'érosion constaté sur le volume par la qualité et la profondeur des informations ». Quoi qu'il en soit, les entreprises, à la fois parce qu'elles connaissent mieux l'offre du marché et parce qu'elles sont contraintes au renouvellement de leurs sources si elles veulent éviter l'érosion partout constatée, utilisent pour leurs actions de prospection un nombre croissant de fichiers. Des fichiers parfois radicalement hétéroclites. Car les techniques de profiling, de géomarketing, de recoupement et de synthèse des données, aujourd'hui développées par les professionnels de l'adresse, et notamment par les mégabases, permettent de petites merveilles d'alchimie.

Les mégabases et la question de la représentativité


La seule limite étant la couverture des bases. Plus les critères sont nombreux, plus la taille et donc la représentativité des fichiers s'amenuise. « Les mégabases, c'est bien si l'on veut ratisser large et faire un mailing sur 400 000 personnes. Mais, dès qu'il s'agit de croiser des critères dans une perspective de personnalisation, ça devient très hasardeux. Parce que ça reste du déclaratif. Ou alors, il faut croiser les données avec des sources complémentaires fiables. Mais ce n'est pas notre métier, et cela coûte une fortune. Bref, face à l'hasardeux, autant prendre du France Télécom et croiser avec du géomarketing », affirme Patrice Mazoyer, directeur général de B2S. En fait, l'obstacle majeur à l'efficience des sources demeure le coût contact, le coût d'acquisition du prospect. Chacun s'accordant à penser que celui-ci n'a pas diminué avec les années, bien au contraire. Il faut donc jongler. Et pour ce faire, tester. Ce qui, au demeurant, n'est pas gratuit. Direct Assurance, qui existe depuis 1992, a toujours prospecté par marketing direct. Ce qui représente un total de quelque 50 millions de mailing depuis neuf ans. Mais, en une décennie, les techniques évoluent. « Le bouche à oreille, la notoriété que nous avons aujourd'hui acquise, ainsi que notre expérience font que nos coûts d'acquisition ont tendance à baisser », souligne Olivier Lamarque. Une tendance qui peut également s'expliquer par le ratio croissant de l'échange dans l'acquisition des fichiers. Aujourd'hui, celui-ci concerne carrément un tiers des adresses utilisées par l'assureur dans ses actions de conquête. De même, Direct Assurance utilise de plus en plus la presse et la TV.

Recherche des techniques et des supports les plus rentables


« Il est très difficile de comparer les coûts d'acquisition du média et du hors-médias. Tout dépend des fichiers et des médias. Ce qui est sûr, c'est que la qualité des adresses postale en France est limitée, et que nous recherchons les techniques de prospection les plus rentables », explique le directeur marketing et communication, qui reconnaît que le mailing a cédé un peu de terrain sur la télévision et la presse. Par ailleurs, aujourd'hui, 10 % des nouveaux clients viennent à l'assurance via le Net. Direct Assurance s'intéresse donc de manière très soutenue à Internet et à ses perspectives, également pour ce qui concerne la prospection.

Les consommateurs inégaux dans l'appropriation des supports


Center Parcs s'intéresse également aux médias plus interactifs, comme le Minitel ou Internet. « Il s'agit de supports engendrant des coûts faibles pour des taux de remontées de l'ordre de 20 %. Taux qui, au passage, sont à la hausse sur le Web et à la baisse avec le Minitel », avance Gérard Mille. Si nul ne songe à remettre en cause les perspectives ouvertes par l'adresse e-mail, d'aucuns regardent déjà du côté de la TV interactive, à la fois en tant que boîte aux lettres et comme outil de profiling. Exactement comme l'est Internet. « En Grande-Bretagne, où la TV interactive est beaucoup plus présente dans les foyers, BskyB, par exemple, a déjà plusieurs millions d'abonnés. La chaîne a mis en place avec Claritas des outils de tracking des téléspectateurs qui permettent l'envoi de mails personnalisés », explique Thierry Asmar, directeur général de Claritas. L'adresse est donc vouée à prendre des formes et des contenus de plus en plus divers, de plus en plus riches. Ce qui ne simplifiera pas la donne puisque le consommateur va devenir de plus en plus exigeant quant aux supports et aux messsages utilisés en adéquation avec la nature même des adresses utilisées. « Jusqu'à présent, on savait que les consommateurs n'étaient pas égaux en termes de consommation et de pouvoir d'achat. Aujourd'hui, entre également en compte le fait qu'ils ne sont pas égaux en termes d'appropriation des messages et de leurs supports », note Philippe Delière. Cette complexification, dès lors que les acteurs de ce marché, utilisateurs comme fournisseurs, en sont conscients, a au moins le mérite d'ouvrir des perspectives et de lever un certain nombre de codes dont l'ancrage a conforté trop de rigidités dans la construction des approches et des offres du marché. Un exemple. Pourquoi cette barrière communément revendiquée entre le marché des fichiers B to C et le marché des fichiers B to B ? Prenons les membres inscrits au site de pronostics sport4fun.fr. La plupart d'entre eux naviguent sur leurs pages favorites depuis leur lieu de travail. A des fins, faut-il le préciser, strictement personnelles. N'y a-t-il pas là matière à briser la frontière jusqu'alors bien gardée entre fichiers B to C et fichiers B to B ? La base sport4fun.fr, par exemple, ne pourrait-elle pas s'enrichir de quelques éléments d'ordre professionnel : fonction du joueur, taille de l'entreprise ? Le fort esprit communautaire cultivé par les promoteurs du site, avec tout le potentiel d'adhésion de la part des inscrits que cet esprit induit, ne constitue-t-il pas un formidable terrain pour solliciter un enrichissement déclaratif d'une base B to C avec des données B to B ? « Pourquoi pas ? C'est une piste », répond Nicolas Béraud, P-dg de sport4fun.fr. Une piste qui, au vu de la demande, pourrait bien constituer - avec les adresses internet, elles-mêmes souvent à la limite du B to B et du B to C - l'un des filons les plus juteux du marché de l'adresse dans les prochaines années. « Si je devais monter une société dans les fichiers, je me spécialiserais sans hésiter sur la frontière B to B/B to C, segment où, à ce jour, il n'existe rien », relève Patrice Mazoyer, directeur général de B2S, une société spécialisée dans la gestion de centres d'appels et fortement consommatrice de fichiers. Exemple. B2S recherche un fichier de 10 000 noms de personnes utilisant en permanence leur voiture dans leur travail et salariées de sociétés de plus d'un milliard de francs de chiffre d'affaires. « La seule solution serait de croiser des fichiers, de louer du Consodata et de faire du phoning. On n'en a pas le temps, ni les moyens », avance Patrice Mazoyer.

Muriel Jaouën

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