Les atouts de l'analyse de données
Ni devin, ni sorcier, le data mining est avant tout un outil qui segmente finement les fichiers et détecte de nouvelles cibles. La technologie se vulgarise à petit pas. Pourtant, il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton pour lancer une analyse ! L'aide de spécialistes est nécessaire pour transformer ses prédictions en actions opérationnelles et dynamiser sa stratégie de marketing direct...
Je m'abonneSommaire du dossier
- Fichiers clients et bases de données
- Vocabulaire de la base de données et de la gestion de fichiers clients
- Constituer une base de données
- Qualifier et enrichir sa base de données
- Analyser les données
- Les spécificités du B to B
- Gérer sa BDD
- Les métiers de la gestion de fichiers et BDD
- Juridique
- Bibliographie
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On attribuerait presque des miracles au data mining : une capacité
formidable à révéler des comportements cachés des clients et prospects. Mais,
derrière ce jargon d'informaticien se cache simplement un outil de traitement
de l'information, basé sur des analyses statistiques. Avec les débuts de
l'informatique, les analyses statistiques ont trouvé une nouvelle application
et le marketing s'est rapidement emparé de leur potentiel. « Les entreprises
ont créé de gigantesques entrepôts de données, rappelle Philippe Nieuwbourg,
P-dg du cabinet conseil Marcom Génération. Une fois ces énormes bases
construites et alimentées, comment faire pour comprendre les informations ? Le
data mining sert justement à mettre à jour des informations impossibles à
déceler. » L'objectif de l'analyse des données - ou data mining - est ainsi de
compartimenter la base des contacts clients et de définir des comportements
passés pour en tirer des conclusions pour l'avenir. « Certaines entreprises
pensent disposer de toutes les analyses possibles avec leur panoplie de
logiciels décisionnels ou de reporting. Mais ce n'est pas si simple ! Si elles
ont ainsi une vision de leur activité commerciale, en revanche elles ne peuvent
pas segmenter et classer leurs clients », explique Anne Gayet, responsable des
études statistiques chez AID, société de conseil en gestion de la relation
client.
La partie cachée de l'iceberg
Les vépécistes,
les assurances et les banques ont tiré profit les premiers des outils de data
mining. Leur profil correspond parfaitement au type de situation qui pousse les
entreprises à tester l'analyse de données : « Le data mining est pertinent
quand on a beaucoup de clients, beaucoup d'informations sur ces clients et
beaucoup d'interactions avec eux ! », lance Didier Richaudeau, directeur de
l'activité data mining de Soft Computing. Or, remarque Philippe Nieuwbourg, «
le problème majeur des entreprises aujourd'hui c'est qu'elles ne disposent que
de critères limités dans leurs bases de données. Elles ont cinq ou six critères
dans leur fichier pour décrire leurs clients et rarement de données
qualitatives sur eux. » Un obstacle de taille qui rejoint un autre pré-requis
indispensable à toute analyse : la qualité des données clients, la partie
cachée de l'iceberg. « 80 % du travail consiste à préparer l'analyse, à
nettoyer les données et à les traduire avec des indicateurs pertinents »,
explique Olivier Mazuel, Dga de MRM Customer Intelligence. Le vépéciste France
Abonnements, dont la base de données contient plus de 3 millions d'adresses, a
acquis progressivement l'expérience du data mining. Depuis début 2002, France
Abonnements s'est équipé du logiciel Set Analyzer de Business Objects, en
complément de l'outil data mining de SPSS. « Le conseil que je donnerais est de
de rester très prudent, rappelle Serge Le Brun, directeur des études et
fichiers. Si nous avons un doute sur un critère, nous ne l'utilisons pas. Et
nous ne lançons des analyses que sur des données pour lesquelles nous avons un
historique suffisant de l'ordre de trois ans au moins, par exemple, sur
l'abonnement. » Si ce pré requis - disposer de nombreuses informations de
qualité - est réuni, le data mining peut entrer en action ! En général, les
responsables marketing commandent une première analyse avec l'une de ces deux
interrogations en tête : qui sont précisément mes clients ? Pourquoi mes
clients se comportent-ils ainsi ? Pour répondre à la première question, une
typologie de clients va être établie. Par exemple, un distributeur souhaite
faire un point sur l'utilisation par ses clients de sa carte de fidélité. Deux
groupes, composés de petits et de gros acheteurs, sont établis : les
utilisateurs des points cadeaux de la carte et les non-utilisateurs. Et ainsi
de suite, jusqu'à segmenter finement par différents critères les types de
clients. Cela facilite la détection de nouvelles niches de cibles. Les
deuxièmes types d'interrogations sont plus précis. Il s'agit bien souvent de
savoir pourquoi les clients quittent la marque. L'objectif du data mining est
alors de « cloner le comportement passé pour prévoir le futur, explique Didier
Richaudeau. Imaginons que vous avez des cycles de vente saisonniers et que vous
voulez savoir quels sont les clients qui risquent de partir dans les trois
prochains mois. Vous allez étudier leur comportement entre mai et juillet 2002,
afin d'estimer quel est le niveau de risque que ces clients vous quittent entre
mai et juillet 2003. » Une fois le modèle établi, il va être testé auprès d'un
échantillon de clients pour en vérifier la validité... puis se transformer en
actions opérationnelles : lancer une campagne de relance auprès de tels
segments de clients à telle époque ou créer une nouvelle offre pour des
prospects jusqu'alors ignorés des campagnes habituelles. Néanmoins, on ne peut
être sûr que telle analyse va éclairer d'un nouveau regard sa segmentation de
clientèle. Pour une première approche, il est possible de faire appel à des
sociétés spécialisées comme Soft Computing, AID ou Complex Systems ainsi qu'aux
départements data mining des agences conseils comme MRM ou aux structures comme
D interactive Business Intelligence. Ces prestataires prennent en charge
l'analyse et travaillent de concert avec l'équipe marketing interne. Les
entreprises dotées d'un service études et fichiers font également parfois appel
à eux. « Malgré notre expérience de vente à distance, nous pensons confier à
des prestataires certaines analyses très spécifiques », explique Serge Le
Brun.
Les interactions humaines
L'analyse de données
ne peut être conçue qu'en binôme avec le marketing opérationnel. « Il faut
accompagner le data mining d'une excellente réflexion métier en amont »,
remarque Serge Le Brun. D'ailleurs les analystes appartiennent aux services
marketing, aux études et fichiers, et ne sont en lien avec le service
informatique que pour récupérer les fichiers de données. Au sein des Assurances
Banque Populaire, les analyses sont assurées par l'équipe du marketing
stratégique, responsable des études et fichiers, qui travaille avec le
marketing marché et opérationnel. « Nous lançons les analyses soit sur la
demande du marketing marché, soit de notre propre initiative, explique Fabrice
Friedberg, chargé d'études marketing au sein de l'assureur. Nous voyons
systématiquement l'équipe terrain en amont, puis en aval, une fois l'analyse
menée, afin de corriger le tir si besoin, et de lancer les tests en réel. »
Cette collaboration s'avère indispensable à plusieurs titres. « Les outils de
data mining ne sont pas adaptés aux non-statisticiens, car ils nécessitent au
préalable de travailler sur les données. Les équipes marketing sont plus
amenées à utiliser des outils de requête, qui ne sont pas des outils de data
mining à part entière », remarque Hélène Ivanoff, directrice du développement
de Complex Systems, société d'études data mining. Bien sûr, quiconque peut a
priori utiliser un outil de data mining et sortir des résultats, mais de quelle
pertinence ? « Imaginez que vous vouliez segmenter vos cibles sur le marché du
tabac : un non-statisticien aboutirait certes à un résultat : que le marché a
peu de chances de se développer sur la cible des moins de dix ans », s'amuse
Philippe Nieuwbourg. Le rôle du statisticien n'est pas seulement de traduire
les données en critères pertinents mais aussi de délimiter le champ de
d'analyse. « Il apporte également sa valeur ajoutée en faisant appel à des
techniques statistiques simples qui ne sont pas présentes dans les logiciels
même les plus chers », ajoute Anne Gayet. Nombre de directions marketing
opposent encore souvent l'analyse de données et leur vision du terrain. « La
créativité est partie intégrante du marketing, qui repose sur une connaissance
de ses clients mais aussi sur des convictions stratégiques. Les directions
marketing ont encore parfois du mal à accepter la réalité des analyses »,
regrette Olivier Mazuel. Froideur des chiffres d'un côté, qui scrutent sans a
priori les comportements des clients, intuitions stratégiques de l'autre côté :
pour que ces deux approches marketing parlent le même langage, des formations
commencent à voir le jour. A Grenoble Ecole de Management, par exemple, en
collaboration avec l'éditeur SAS, un mastère spécialisé en informatique
décisionnelle a commencé en septembre 2002. Au Ceram de Sophie Antipolis, les
étudiants sont également sensibilisés à l'analyse de données. « Nous présentons
à nos étudiants tous les outils reliés aux études statistiques et à la gestion
des entrepôts de données dans le contexte plus global de la gestion de la
relation client. Ils doivent comprendre le jargon des informaticiens pour mieux
savoir ce qu'ils peuvent en attendre », explique Lyvie Gueret-Talon, professeur
de marketing management. Si la préparation des données et la conception des
modèles ne sont pas à la portée des néophytes, en revanche le lancement
d'analyse sur des modèles préprogrammés peut être réalisé par le marketing
terrain. Aux Assurances Banque Populaire, il est envisagé, à terme, de donner
accès à une partie de l'outil DataDistilleries aux équipes terrain : les
statisticiens prépareront les modèles et les marketeurs pourront les utiliser,
sans en modifier la structure. A la Caisse régionale du Crédit Agricole
Poitou-Charentes, il est également envisagé de donner accès aux experts
métiers, via l'Intranet, à quelques requêtes simples d'Alice d'Isoft. Chez
Decisia, éditeur de Spad, des clients de l'opérationnel demandent parfois à
être formés au logiciel : « Récemment un directeur général nous a demandé s'il
pouvait participer à un séminaire pour apprendre à utiliser les statistiques »,
remarque Gilles Hustaix, P-dg de Decisia. Quand arrive le moment de s'équiper
d'une suite logicielle data mining, le casse-tête commence ! L'analyse de
données est une niche du marché très dynamique de la Business Intelligence.
D'après le cabinet d'études high-tech Pierre Audoin Consultants, en 2001 le
marché français du data mining, incluant licences et services, représentait un
chiffre d'affaires de 40 millions d'euros sur les 785 millions de la Business
Intelligence. Sa croissance se situe entre 5 à 10 % et concerne encore une
clientèle majoritairement constituée de grands comptes.
Mosaïque logicielle
Ce segment est dominé par des éditeurs spécifiques
anglo-saxons, issus du monde de la statistique comme SAS ou SPSS. Le logiciel
Spad, de Decisia, met en avant son expertise des modèles statistiques
d'universitaires français. Cependant, les fonctions "data mining" commencent à
se banaliser. Elles apparaissent aussi dans des suites décisionnelles telles
celles de Business Objects ou de Cognos. Elles complètent les progiciels de
gestion de la relation client édités par Siebel, SAP ou Oracle. Elles
s'ajoutent aux outils de gestion de campagnes tel Marketic. Enfin, elles
s'intègrent dans les progiciels internet de type Websphère d'IBM. Par ailleurs,
la tendance de proposer des produits simplifiés se développe. Certains sont
limités à des modèles statistiques plus faciles d'accès comme les arbres de
décision. Alice d'Isoft s'est positionné sur ce créneau depuis déjà plusieurs
années. DataDistilleries, distribué par NextApplication, met aussi en avant sa
facilité à être utilisé par des non-spécialistes. Kxen est également un éditeur
qui compte : son logiciel est intégré soit dans les suites d'autres éditeurs du
marché soit dans les projets d'informatique décisionnelle globale de grandes
entreprises. En réalité, les services études fichiers des entreprises ainsi que
les prestataires ne sont jamais équipés d'un unique logiciel ! Aux Assurances
Banque Populaire, avant de s'équiper de DataDistilleries, le service étude
utilisait déjà les logiciels de SAS et SPSS. Les combiner les uns aux autres
permet de disposer de toute une palette de logiques statistiques différentes. «
Les outils sont assez complémentaires, confirme Olivier Mazuel. Mais des
techniques sont parfois mieux formalisées chez certains ou privilégiées chez
d'autres. On choisit aussi son logiciel en fonction de critères comme la
rapidité à traiter de lourds fichiers ou la capacité à s'intégrer ou non aux
plates-formes logicielles que vous avez déjà. Une autre dimension entre aussi
en compte : le recrutement du statisticien, spécialiste formé sur tel ou tel
logiciel. » Avant de diminuer ses coûts de mailings, ou de booster son chiffre
de vente auprès d'une cible sous exploitée, il faut d'abord débourser quelques
milliers d'euros ! En sachant, comme le rappelle Philippe Nieuwbourg que, « si
les données ne sont pas bonnes, le coût de leur nettoyage peut représenter 10
ou 20 fois le coût d'acquisition d'un logiciel ». Pour s'équiper d'une suite
analytique évoluée, les prix débutent à 50 000 euros jusqu'à 200 000 euros en
fonction des éditeurs, des fonctionnalités ou du volume de la base traitée. A
ce coût d'acquisition s'ajoute le coût de la création d'un poste de
statisticien en interne. Les logiciels préprogrammés sont beaucoup plus
accessibles à partir de 3 000 à 7 000 euros. Les sociétés spécialisées en data
mining, qui récupèrent les données du client, les traitent, et mènent les
analyses, proposent des prestations entre 10 000 euros minimum et 100 000
euros, en fonction de la complexité de l'analyse. Est-il vraiment temps de
s'équiper en data mining ? La gymnastique statistique devrait se banaliser au
fur et à mesure que les bases de données clients s'enrichiront. Alors, le "data
mining" ne sera plus qu'un outil décisionnel parmi d'autres, un indicateur sûr
du potentiel client à coupler avec la vision stratégique du marché.
Projet data mining : quatre questions clefs
1. Cet outil est-il indispensable à une stratégie client ?
Le data mining est complémentaire à une stratégie marketing terrain. En se basant sur des analyses statistiques, il permet de segmenter plus finement la base de données clients et de découvrir des potentiels de cibles inexploitées. A partir des résultats des analyses, les campagnes terrain de marketing direct peuvent ainsi être optimisées.
2. Quelles sont les conditions pour obtenir des résultats performants ?
Avoir une base de données complète et saine : un projet data mining est pertinent si l'entreprise dispose de nombreux clients, de nombreuses informations sur eux, et de données régulièrement mises à jour.
3. Combien de temps pour obtenir des résultats ?
L'étape la plus longue consiste à préparer les données, les nettoyer et les transformer en indicateurs performants : en fonction de la situation de l'entreprise, cela peut se compter en mois voire en années. La seconde étape : la conception du modèle par un statisticien et le lancement de l'analyse prend en général au minimum un mois.
4. Comment débuter un projet data mining ?
Soit en externalisant le projet : en faisant appel à un prestataire spécialisé, qui analyse les données de l'entreprise. De nombreuses sociétés font ce choix. Soit en créant, au sein du département marketing études et fichiers, un poste de statisticien, afin d'utiliser les logiciels acquis.