La VAD sort de ses frontières
En pariant sur la stratégie multicanal voire la multidistribution, la vente à distance a réussi son redressement. Si le secteur traditionnel de la VPC reste encore fragilisé, l'e-commerce, enfin mature, dope son chiffre d'affaires. Internet a permis de moderniser le mode de contact de la vente à distance avec ses clients. Et le concept même de VAD constitue une opportunité de développement pour les marques ou enseignes qui utilisent la connaissance clients comme fondement de la création de pôles de contacts à distance.
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Y a-t-il une révolution VAD en marche ? On pourrait le croire. L'année 2003
marque, en effet, la propagation du modèle de la vente à distance à des pans
entiers de l'économie, peu au fait, traditionnellement, de ses mécanismes.
Internet, enfant terrible de la VAD, n'est pas seulement un nouveau canal de
distribution que les enseignes vépécistes intègrent dans leur stratégie
multicanal. Les gains de productivité induits, la simplicité de son
utilisation, l'essor des services à domicile voire, à très long terme, la
dématérialisation des supports pourraient bien sonner le glas du modèle actuel
de la distribution. La VPC, cette “vieille dame”, que l'on croyait en voie de
ringardisation avancée, il n'y a pas si longtemps, se pare d'un seul coup
d'habits flambant neufs. L'arrivée d'Internet lui donne, il est vrai, un vrai
coup de jeunesse. La Toile dope son chiffre d'affaires : les achats en ligne
représentaient, selon les chiffres 2002 de la Fevad (Fédération des entreprises
de vente à distance), 19 % (1,7 milliard d'euros) du total des ventes à
distance aux particuliers et 9 % des ventes de produits. En 1999, ils ne
correspondaient qu'à 0,5 % de son chiffre d'affaires. Le Web lui apporte aussi
une autre clientèle, plus jeune, plus masculine voire plus urbaine. A son actif
également, l'amélioration des marges de rentabilité. Au point où l'on peut
dire, avec, certes, un peu d'emphase, qu'Internet sauve la vente à distance
d'une nouvelle année de déconfiture. Et ce, même si le secteur du B to B pâtit,
lui, du ralentissement économique des investissements des entreprises. «
Internet est une bouffée d'oxygène pour notre secteur. Cela démontre que les
problèmes rencontrés par la VAD, ces dernières années, sont avant tout
conjoncturels. Et ne remettent pas en cause le modèle », note Philippe
Lhermitte, directeur général de la Camif. Pour les acteurs de la VAD, Internet
représente un formidable outil de conquête de parts de marché. En pariant sur
la stratégie multicanal, la VPC, notamment, a su mieux tirer son épingle du jeu
que les pure players de l'Internet. Elle avait une longueur d'avance. La vente
en ligne n'étant, au final, qu'une déclinaison des métiers de la VAD. « On
assiste sur Internet au retour vers les métiers de base de la VAD. Même si,
parallèlement, Internet permet une diversification de l'offre. Des produits
comme le e-tourisme n'existaient pas avant. Ils sont en plein boom », explique
Marc Lolivier, délégué général de la Fevad.
L'essor des services sur le Net
Qui peut dire exactement lequel, d'Internet ou de la
VAD, généralise son modèle à l'autre ? « En associant la VAD au Web, on donne
naissance à un nouveau type de commerce : l'un se nourrit de l'autre », avance
Mihai Crasneanu, président de Glowria, tout nouveau site internet de location
illimitée de DVD (encadré p. 90). Car, si le Web est bien le facteur
facilitant, la vente à distance, elle, offre l'expertise d'une “proximité à
distance”, diablement dans l'air du temps. « Avec les 35 heures, les gens sont
de plus en plus conscients de l'importance du facteur temps. Paradoxalement,
s'ils ont gagné du temps, ils n'entendent plus le dépenser n'importe comment.
La VAD est une réponse possible à cette tendance lourde de la consommation.
C'est, en cela, un vrai bénéfice client », fait valoir Bernard Siouffi, ancien
délégué général de la Fevad. Retour à la simplicité, exigence de rapidité,
individualisation des attentes, valorisation de l'espace privé… « Le mot
d'ordre de notre société, c'est vivre mieux. Nous recherchons une forme de
bien-être dont nos modes de consommation témoignent. Faire ses courses, par
exemple, peut être une véritable corvée. Du moins, si on a l'impression de la
subir », ajoute Bernard Siouffi. D'où l'émergence des offres de services à
domicile, censées faciliter la vie des consommateurs. Même si elle reste encore
un épiphénomène (moins d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires estimé en
2002), la vente à distance de services a tout de même progressé de 47,6 % entre
l'année 2001 et l'année 2002.
La VAD comme modèle de contacts pour les marques
Mais la vente à distance, aujourd'hui très
tendance, se révèle également un pôle important des stratégies des marques ou
des entreprises désireuses d'organiser un contact “direct” avec leur clientèle.
« Tout le monde se pose la question de savoir comment faire pour entrer en
relation avec ses clients, au meilleur coût. La vente à distance représente un
levier supplémentaire même si le cœur du business reste le magasin pour les
distributeurs, les guichets pour les banques… », avance Olivier Gravet,
directeur associé de l'agence Palo Alto. Le principe de la connaissance clients
est au cœur de cette problématique. Elle fédère la création de pôles de
contacts à distance avec une construction de la relation autour des outils du
marketing direct. « En donnant des informations sur leurs produits, les marques
récupèrent de la connaissance sur leurs clients. Ce qui leur permet ensuite de
personnaliser leurs offres. Les frontières entre le marketing direct - où le
but est de vendre plus - et les études - où l'on favorise l'adéquation entre
l'offre et la demande - sont de plus en plus tenues », analyse Philippe
Jourdan, fondateur de l'institut d'études Panel on the Web. Bien sûr, pour le
distributeur, le magasin reste le média numéro un. De même que pour le
vépéciste, le catalogue demeure l'objet central de sa communication. Mais la
vente à distance, en venant s'inscrire à l'intérieur d'un pôle de services
additionnels, intervient comme une source d'activités - et de chiffre
d'affaires - complémentaires. Si l'on compare la stratégie de fnac.com, site
emblème d'une chaîne forte de près d'une centaine de magasins, à celle de son
outsider, Amazon, on s'aperçoit qu'elles sont diamétralement opposées. On
retrouve là l'opposition traditionnelle entre une stratégie de distribution
classique, la Fnac, et celle d'un acteur pure player, Amazon, qui, lui, reprend
les recettes, notamment, promotionnelles de la vente à distance. « Le
distributeur cherche à optimiser sa performance commerciale tout en maintenant
ses marges. Le marketing relationnel le lui permet. Mais une chaîne de magasins
ne peut pas devenir un acteur véritable de la VAD. Tout simplement parce que sa
structure de coûts et de marges ne le lui permet pas. Il ne peut pas
additionner les coûts de ses magasins à ceux d'un pôle VPC. De même, un
vépéciste, qui arrêterait la promotion, est condamné. L'exemple de Quelle, qui,
il y a quelques années, a décidé en début de saison de se positionner sur les
prix les plus bas est révélateur. Son démarrage s'est fait en fanfare. Mais sur
la durée, ça a été un terrible fiasco », affirme Olivier Gravet.
La VAD, pôle d'attractivité commerciale des marques
Ce qui est sûr,
c'est que, dans cette révolution de la connaissance client, la vente à distance
représente un modèle de contact possible. « En VPC, on entretient un lien plus
tendu et plus fort avec son client qu'un distributeur, par exemple. Or,
aujourd'hui, on sait qu'on ne peut pas réussir durablement sans un contact
direct avec le consommateur. Et si possible un contact personnalisé », reprend
Olivier Gravet. En créant, il y a tout juste un an, Takeos, entreprise de
conseil et de services en vente à distance, le groupe 3 Suisses International a
fait le pari que la vente à distance allait devenir une solution possible pour
de nombreuses entreprises, désireuses de développer leurs canaux de
distribution. C'est, pour le groupe, un moyen de valoriser son expertise. «
Dans cette logique de personnalisation ou d'individualisation des demandes des
consommateurs, les marques - et les entreprises derrière elles- ont besoin de
l'expérience VAD pour réagir plus vite », analyse Caroline Therey Valent,
responsable commerciale de Takeos. Historiquement, Takeos s'est construit pour
répondre d'abord aux attentes des entreprises internes du groupe 3 Suisses. «
Mais on a vu, très vite, venir frapper à notre porte des entreprises
extérieures qui nous demandaient précisément comment monter un pôle VAD, grâce
notamment à Internet », reprend Caroline Therey Valent. La relation client,
devenue un axe primordial de la compétitivité, la distribution en grandes
surfaces, peut s'avérer pour les fabricants un vrai handicap. « Il y a la
volonté de maîtriser ses canaux de distribution. Nous avons ainsi conseillé une
marque de lingerie qui estimait ne pas avoir assez de visibilité dans la grande
distribution. La création d'un pôle vente à distance lui permet de mieux
dialoguer avec ses clients », explique-t-elle. Un avis partagé par Frédéric
Clipet, P-dg de l'agence Monébak, qui voit de plus en plus de fabricants
s'interroger sur la VAD comme moyen de s'émanciper du “diktat” de la
distribution : « Certaines marques sont sous la pression constante des
distributeurs. Or, ceux-ci peuvent décider de plus ou moins bien les référencer
en fonction des accords passés avec eux. En gros, si vous ne les aidez pas
financièrement à vendre vos produits, débrouillez-vous ! Ce qui explique que
les fabricants veuillent se libérer de l'hégémonie de la distribution en
misant, au minimum, sur une stratégie de marketing relationnel voire en pariant
sur la création d'un pôle VAD. » La marque est un capital à faire fructifier.
C'est ainsi que le Racing Club de Lens, club de football, a choisi de s'appuyer
sur l'expérience de Takeos pour créer son catalogue de vente à distance de
produits dérivés. « Les clubs de football ont une notoriété forte - mais
parfois éphémère, parce que fonction des résultats. Les produits, aux couleurs
du RC Lens, possèdent une valeur affective énorme pour ceux qui les achètent.
Pour proposer une offre vente à distance, il faut notamment qu'ils s'inscrivent
en parfaite cohérence avec les choix déjà possibles dans leurs boutiques »,
remarque Caroline Therey Valent.
Le concept de multidistribution
Chez Eveil et Jeux ou chez Graine d'Eveil, deux entités du pôle
Enfant de la Fnac, Internet représente une commande sur cinq (20,7 % de
progression du CA en août 2003). Ce qui explique que ses dirigeants favorisent
les corrélations entre le catalogue papier - dans lequel, pour la rentrée
scolaire, apparaissaient 30 % de nouveautés produits, notamment sur les lignes
de décoration et puériculture - et le site internet. « Nous poussons Internet
comme mode de commande. Ce qui suppose de proposer à nos clients l'ensemble des
modes de livraison et de commande du catalogue », fait valoir Guillaume Motte,
directeur général adjoint du pôle Enfant de la Fnac. Sur le site existent des
incitations particulières liées à des promotions en fonction de ce que le
client place dans son panier. Il lui est ainsi proposé des produits du même
univers avec une incitation prix plus forte. « La politique commerciale est la
même que celle que nous faisons par téléphone. Mais le coût, pour nous, est
nettement moindre », reprend-il. Le taux de transformation est éloquent : un
client sur dix augmente son panier d'achats lorsqu'on l'incite avec l'octroi
d'un cadeau supplémentaire. En plus de la newsletter, envoyée une fois par
mois, Eveil et Jeux propose des services additionnels comme le rappel, pour les
parents à la mémoire défaillante, de la date anniversaire de leurs chères têtes
blondes. « Internet apporte un flux de nouveaux clients mais ne remplace pas la
puissance de diffusion du catalogue. Nous avons choisi, de manière délibérée,
de conserver une activité papier importante. D'une part parce que l'accès à
l'Internet haut débit n'est pas généralisé. Mais, aussi, parce que l'on a pas
trouvé de solution logicielle pour “feuilleter” les pages d'un site comme celui
d'un catalogue. Les parents n'ont pas le même plaisir ni la même facilité à
s'aventurer à l'intérieur des pages internet qu'à lire un catalogue », analyse
Guillaume Motte. Au-delà des sites qu'il supervise, Guillaume Motte est aussi
responsable des 23 magasins Fnac Junior de la chaîne. Et, même s'il ne souhaite
pas déflorer le sujet, il concède réfléchir à des liaisons entre magasins et
vente à distance. « Il est évident qu'en back office, il existe des synergies
possibles entre VAD et magasins, notamment sur les circuits
d'approvisionnement. Mais cela reste pour l'heure au stade de la réflexion
pure. »
Les recettes de la VAD
L'automatisation de la
chaîne des commandes, la mise en ligne des stocks génèrent une importante
réduction des coûts. Avec la Toile, les entreprises n'ont plus besoin
d'opérateurs pour entrer les commandes. Le client s'en charge lui-même ! La
possibilité de tester une ligne ou un produit en temps réel est un facteur de
souplesse supplémentaire pour les entreprises. Si le produit ne rencontre pas
le succès escompté, il peut très vite être retiré. Toujours très en pointe sur
le secteur de l'Internet, La Camif a lancé un service de réservation en ligne
pour les modèles d'ameublement notamment. Il faut dire qu'avec près de 18 % de
ses commandes passées en ligne, le développement de son site représente un axe
majeur de sa stratégie de redressement. Son directeur général Philippe
Lhermitte, y voit une démarche innovante qui s'inscrit dans le cadre de sa
stratégie de fidélisation : « La réservation des nouveaux modèles, en
avant-première, sur Internet est un pas important. Pourquoi ne pas profiter du
fait que nous pouvons ici être en avance sur le circuit des magasins ou sur la
sortie du catalogue ? » Mais l'arrêt d'un site d'e-commerce, comme en juin 2003
celui développé par Décathlon, pose le problème du niveau d'expertise mis en
place. Car, ne s'invente pas vendeur à distance qui veut ! La Fnac l'a vite
compris. Elle a rapatrié un savoir-faire VAD parmi son équipe dirigeante pour
faire de son site, fnac.com, le premier magasin de sa chaîne d'ici 2005. Jan
Löning, P-dg de fnac.com, et ancien responsable de la stratégie multicanal du
groupe PPR, y voit une association naturelle : « La vente à distance maîtrise
la chaîne de la logistique. Elle connaît également les méthodes de marketing
qu'il faut ensuite adapter au canal internet. C'était indispensable d'associer
cette expérience à la culture de la Fnac. » Quant aux recettes de la VPC -
mailings, promotions, accélérateurs de retour -, elles se transposent aisément
dans le monde virtuel. Mieux encore, le travail d'analyse post campagnes peut
être plus précis. Olivier Mathiot, fondateur du site Priceminister, estime
ainsi que « la VAD apporte une façon de réfléchir sur le contact client. Nous
avons en commun les principes de recrutement et de fidélisation. Mais ici, sur
Internet, le traitement de l'info s'effectue plus rapidement. L'interactivité
permet de mesurer les retours client. De tester les campagnes à moindre coût.
Et de connaître l'efficacité d'une opération par rapport à une autre avant de
la généraliser à sa base de données. »
Touche pas à mon catalogue
A long terme, le catalogue papier peut-il survivre ? La
réponse des vépécistes n'étonnera pas. « Sa disparition est un scénario
impossible. Je n'y crois absolument pas. Je serai fou de vouloir me couper de
80 % de mon activité », fait valoir Philippe Lhermitte. Qui poursuit : «
Internet est un nouveau canal de distribution qui ne se substitue pas aux plus
anciens. Même si, progressivement, il remplace le Minitel. Et rogne peu à peu
sur le mode courrier. La multiplication des canaux est un vecteur
d'enrichissement. » Le catalogue papier apporte « une noblesse », aux dires de
Gilles Colomb, directeur associé du cabinet de conseil Commerce Access
Multimédia et ancien dirigeant de Wunderman ainsi que de The Sales Machine
(Euro RSCG). Ce dernier développe : « On est sur un axe d'intégration et de
synergie multicanal. Il faut garder la profondeur de contact du papier pour
présenter la gamme de ses produits. Mais aussi utiliser, par exemple, le
téléphone pour entrer en contact avec ses clients. » Les VADistes ont tous
misé sur la stratégie multicanal. Evidente sur le papier, le clic & paper comme
on l'appelle parfois, veut multiplier les opportunités commerciales en jouant
des synergies (ou des différenciations) possibles entre les canaux de vente.
Car, plus le consommateur s'avère “multicanal”, plus son potentiel d'achat
s'accroît. « Le consommateur est multiforme. Il s'agit de ne pas l'enfermer
dans un canal donné. Car la mise à disposition de plusieurs modes de contacts
renforce sa fidélité à l'enseigne », analyse Philippe Lhermitte. Le cas
classique, c'est encore un client allant chercher de l'information sur le Net
pour préparer au mieux sa commande. Ce client aura ensuite souvent besoin de se
sentir sécurisé par une visite en magasin afin de vérifier la qualité du
produit qu'il compte acheter. Il pourra également vouloir discuter avec un
vendeur de la validité de son choix. Et pourra ensuite revenir chez lui
réfléchir pour effectuer sa commande par téléphone. « La distribution
multicanal - magasins, catalogues, Internet et téléphone - est un axe fort de
développement des quinze prochaines années. Je crois à certaines alliances
possibles entre distributeurs, magasins, et professionnels de la vente à
distance. Un savoir-faire logistique peut parfaitement se mettre au service
d'un savoir-faire produit », avance encore Philippe Lhermitte.
L'avenir : la dématérialisation des produits ?
S'il
n'est pas question de toucher au catalogue, on peut toutefois envisager un
redéploiement des activités et des canaux en fonction de ce qu'apporte
Internet. Ce qui signifie s'interroger sur la stratégie globale des entreprises
de la VAD. « La distribution sur Internet sera bientôt plus importante que la
vente à distance. Le commerce est de plus en plus global. La chaîne de la vente
se modifie. Dès lors que le système est rôdé, la logistique efficace, la marque
connue et le client confiant, il n'y a pas de raison que l'e-commerce ne prenne
pas des parts importantes. Le modèle se cherche. Mais, ce qui est sûr, c'est
que le mode de distribution va changer. Il y a cinquante ans, la grande
distribution représentait 5 % du commerce, aujourd'hui 75 %. Des métiers vont
vraisemblablement disparaître », pronostique Henri de Maublanc, fondateur
d'aquarelle.com. Le cas de ce fleuriste en ligne est intéressant. Né en 1987,
avec l'essor du Minitel, Aquarelle s'était doté d'un certain nombre de
magasins. Aujourd'hui, toutefois, les moins rentables ont été fermés. « Un
magasin est un investissement lourd en termes d'immobilisations par rapport à
un chiffre d'affaires relativement peu élevé. Le modèle de développement sur
Internet est plus intéressant. Aujourd'hui, l'ouverture de magasins se justifie
moins », ajoute-t-il. D'autant que commence la dématérialisation de certains
produits. L'achat de musiques en ligne, par exemple, n'est plus un acte de
piratage, réservé seulement à quelques étudiants, passionnés d'informatique et
adeptes du peer to peer. Avec le lancement, l'année passée, du système payant
de téléchargement de musique, Itunes Music Stores, par le fabricant
informatique Apple, ce rêve a été rendu accessible à un plus grand nombre de
consommateurs. Le pari est certes risqué. Et sa concrétisation encore
balbutiante. Mais le recul du marché du disque au plan mondial (moins 12,8 % en
2002, moins 7 % en 2003, selon les chiffres communiqués par l'IFPI,
l'International Federation of Phonographic Industry) en dit long sur ce
phénomène. Si, dans un sondage paru en 2002, 40 % des acheteurs de disques
estimaient acheter moins de produits musicaux en magasin, ce n'est pas seule
ment pour une question de prix. C'est aussi surtout parce que l'acte d'achat en
magasin perd de son attractivité quand on peut télécharger depuis son domicile.
A distance donc.
Rationalisation tout azimuts
L'intégration d'Internet dans la stratégie multicanal des entreprises ne s'est
pas faite sans heurts. Les modifications qu'induit Internet dans l'organisation
des entreprises n'allant pas de soi. Les directions multicanal aujourd'hui
semblent bien implantées. Et l'heure désormais est à la rationalisation. L'idée
étant toujours de créer des synergies entre le Web, le papier et le centre
d'appels pour réaliser des économies. Sur le marché des prestataires de
services, on trouve à peu près tout… et n'importe quoi. Au point qu'il est
difficile de juger de la pertinence d'une offre. Une voie toutefois, la gestion
informatique des informations produits, semble se dégager. En clair, de la
gestion de contenu. L'éditeur américain Pindar Systems, issu d'un département
de l'imprimeur anglais Pindar, se positionne sur ce créneau avec son produit
Agility. Cette solution informatique permet de reproduire le catalogue papier
dans une version électronique, accessible aussi bien aux internautes qu'aux
téléconseillers du centre d'appels dédié. Ses références, en France ? Le Club
Méditerranée, France Loisirs ou encore, en B to B, Raja. « Le développement du
multicanal, particulièrement en vente à distance, nécessite des solutions qui
permettent d'agréger les contenus. Une fois que le contenu - texte ou image - a
été intégré dans la base de données, il peut être extrait pour être exploité en
PAO, dans les catalogues, sur le site internet… », explique Cédric Drouot,
responsable commercial de la filiale française de Pindar System. Cette volonté
de rationalisation, Gilles Colomb la partage également : « Nous travaillons
sur la notion de “work shops”, de laboratoires d'idées. Qu'il s'agisse de vente
à distance pure ou de prévente, nous construisons différents scénarios que l'on
teste en temps réel. Par exemple, pour une campagne d'abonnement : on
s'interrogera sur la stratégie à mettre en place. On retient deux, trois
architectures de campagnes avec, à chaque fois des systèmes distincts de
promotions. On teste les meilleurs outils. Puis on produit sur une grande
échelle, les mailings, les catalogues, ou les relances téléphoniques
nécessaires. » Avec le lancement du progiciel Data Publisher (sous Linux), CA
Multimédia entend créer et exploiter les bases de données de ses futurs
clients. Pour cela, son outil s'attaque à réduire les temps de conception des
documents. « Là où on avait besoin de six semaines, nous mettons une heure
trente pour réaliser un catalogue de 130 pages », affirme Gilles Colomb. L'idée
étant derrière d'offrir la possibilité de réaliser plusieurs catalogues en
fonction des cibles prédéterminées. « Typiquement, dans le secteur de
bricolage, on peut continuer d'envoyer un catalogue à destination des hommes.
Mais il faut songer aussi aux femmes, de plus en plus réceptives à ce thème.
Avec, notamment, l'élaboration de catalogues personnalisés dans lesquels on
fait la part belle aux conseils et à des visuels plus ludiques. On peut encore
segmenter entre propriétaires de logements et locataires parce que la demande,
en matière de bricolage, n'est pas du tout la même. » Reste, au moins, une
ombre au tableau. Les ventes, en France, via Internet sont encore en retrait
par rapport aux pays anglo-saxons notamment. Même si l'offre haut débit se
développe de plus en plus. De toutes les façons, les Français commandent aussi
beaucoup depuis leur lieu de travail. Certaines entreprises de VPC parient
également sur un développement européen. « Les entreprises françaises de VPC
ont toujours eu un souci d'expansion de leur modèle à l'Europe. La langue n'est
plus une barrière. Elles essaient de transposer leur savoir-faire. Soit en
adaptant leur catalogue à la langue et aux pratiques locales. Soit, dans un
second temps, en transposant l'offre commerciale et les mécaniques
promotionnelles d'un pays à l'autre. Et le pire, c'est que ça marche”, fait
valoir Stéphane Guéneau de l'agence 100 % VAD. Pour lui, la vente par
correspondance française a une vraie carte à jouer. Le marché des pays de
l'Est, fermé jusque-là pour cause souvent de mauvaises conditions logistiques
et postales, pourrait s'avérer pour les entreprises françaises la source d'un
second souffle.
Le chemin tranquille de Sélection du Reader's Digest
Maître mot de la stratégie chez Sélection de Reader's Digest : l'adaptation. C'est la traduction française du “Think global, act local” de la maison mère américaine. Produits et promotions sont en permanence testés, sélectionnés pour se plier aux habitudes de consommation locale. Les modes de contacts également. Patricia Killen, P-dg de la filiale française, estime que l'heure est au multicanal. Pas question, pour elle, de privilégier l'un plutôt que l'autre. Et surtout pas Internet. « Impossible tant que la France n'aura pas comblé son retard en matière d'équipements informatiques », dit-elle. L'Insee recense seulement 5,1 millions d'internautes acheteurs en France. De ce point de vue, l'Angleterre, bien sûr, mais aussi, plus surprenant, le Portugal sont largement en avance dans leur cyberpratique. « Nous sommes ouverts à une multitude de canaux. Le courrier bien sûr. Mais également des opérations de partenariats téléphoniques avec d'autres enseignes, de l'asilage colis, de l'insertion dans les journaux, du co-brandage sur Internet… Il y a de multiples façons de faire ce business », affirme-t-elle. Pour Patricia Killen, c'est le ton du message qui se modifie en fonction de la typologie du client. « Nous ne recrutons pas sur Internet une cible fondamentalement différente de gens qui sont, eux, attachés au courrier. Le public n'est pas plus jeune ou plus masculin. C'est plutôt le mode de vie qui les distingue. Pour nous, le média n'est pas en soi une révolution profonde. L'offre reste primordiale. Tout le monde ici aimerait que nos produits ne soient valorisés que par ce qu'ils représentent. On aimerait qu'une lettre simple de présentation puisse mettre en avant l'œuvre éditée. Et faire exploser les ventes. Mais ce n'est pas le cas. Nous avons toujours besoin - et nous l'aurons toujours - d'un support pour vendre. Qu'il s'agisse de promotions, de concours ou de sweepstakes. Le modèle de la VPC repose dessus. » En matière d'innovations, la filiale française de Sélection du Reader's Digest s'apprête à offrir, à l'instar des Etats-Unis ou de l'Angleterre, plus de services sur Internet. L'opportunité de payer ses produits ou de vérifier ses comptes en ligne devrait être, très prochainement, offerte aux consommateurs français. Le vrai bouleversement ? Patricia Killen le situe plutôt lorsque se développera le modèle de la télévision interactive. « Mais à un horizon très lointain », conclut-elle.
Glowria ou l'explosion des services à domicile sur Internet
« Nous nous inscrivons dans une tradition VPC », estime Mihai Crasneanu, président du site internet de location illimitée de DVD, Glowria. Glowria ? A en croire le président de ce tout nouveau site (www.glowria.fr) de location de films DVD, « c'est un nom de cinéma. » Tiré de l'adjectif “Glow”, brillant en anglais, il se veut aussi une référence au film, mythique pour certains, Gloria de John Cassavetes (1980) dont le personnage principal était interprété par Gena Rowlands. « Quoi de mieux pour un site de référence cinématographique ? », reprend, enthousiaste, Mihai Crasneanu. Lancé début septembre, avec une offre de quinze jours d'essais gratuits - offre qui devrait rester de manière permanente -, ce site de location de DVD, s'inspire du site Netflix, présent aux Etats-Unis. Le client loue autant de films qu'il le désire moyennant un abonnement forfaitaire (14,90 E, 24,90 E, 29,90E par mois, selon la formule choisie). Il les garde autant de temps qu'il le désire, sans pénalités de retard. Il reçoit ses DVD chez lui et les renvoie de même sans jamais avoir à payer de frais postaux. « Nous nous inscrivons dans une tradition VPC », revendique Mihai Crasneanu. La preuve ? Alors que Glowria termine, à peine, la mise en ligne de son catalogue sur Internet, Stéphane Halftermeyer, responsable marketing, prépare, pour le début de l'année prochaine, la création d'un catalogue papier : « Le papier est plus fidélisant. C'est un lien physique important. Internet restera le canal de commande par excellence, mais nous envisageons d'animer notre base de contacts via des extraits thématiques de nos produits sur papier. » Mihai Crasneanu entend, lui, faire de son site une référence cinématographique. Pas de films X, par exemple. « Nous nous positionnons sur un public familial », dit-il. D'où la location possible, outre les gros succès du box office, de documentaires, de pièces de théâtre ou de “vieux films” comme Mort à Venise, qui semble être une référence personnelle pour Mihai Crasnea