LE TEMPS REEL, NOUVEAU DEFI DU GEOMARKETING
Le real time marketing, ce moment-clé qui permet aux marketeurs de nouer des conversations avec les consommateurs et de modifier les messages en temps réel, exige l'intégration et l'analyse des données via de puissants outils automatisés. Pour coller au plus près des attentes contextuelles de leurs clients, les marques et distributeurs doivent affiner le ciblage et intégrer le géomarketing.
Sommaire du dossier
- Fichiers clients et bases de données
- Vocabulaire de la base de données et de la gestion de fichiers clients
- Constituer une base de données
- Qualifier et enrichir sa base de données
- Analyser les données
- Les spécificités du B to B
- Gérer sa BDD
- Les métiers de la gestion de fichiers et BDD
- Juridique
- Bibliographie
«10 % des répondants déclarent avoir utilisé leur téléphone portable pour vérifier les prix en ligne et s'assurer qu'ils bénéficiaient de la meilleure offre une fois en magasin.» Si l'on en croit le Livre Blanc d'Experian Marketing Services
Grâce à l'Internet mobile, les bornes interactives et la technologie NFC (Near Field Communication), le temps réel envahit les points de vente qui se digitalisent. «Au lieu de reconnaître le client lors de son passage en caisse, donc avec un léger temps de retard pour lui faire une offre, il est désormais possible de l'identifier dès son entrée en magasin», détaille Anthony Deydier, coauteur de l'ouvrage Le Marketing client multicanal Une révolution...
Dis-moi où tu es et je te ciblerai
A la croisée de la data, de la technologie et des fondamentaux du marketing direct le real time marketing fait émerger de nouvelles segmentations pour cibler les consommateurs I où ils le veulent, quand ils le veulent et par le canal qu'ils préfèrent.
Pour entrer dans l'ère du real time marketing, les professionnels doivent exploiter les informations issues de l'observation du parcours client. Trois types de données (socio-démographiques, comportementales et de géolocalisation) sont conjugués.
Les premières, classiques, permettent de déterminer le profil du consommateur: âge, sexe, CSP, composition du foyer, etc. Les deuxièmes regroupent le RFM (récence, fréquence, montant des achats), l'appétence pour telle ou telle catégorie de produit et tel canal. Les troisièmes, les données géographiques, permettent de localiser le consommateur à son domicile ou sur son trajet lorsqu'il fait ses courses. La somme des trois permet d'observer le parcours client de manière optimale. «Nous nous intéressons à l'individu pour suivre quelles newsletters il lit, mais aussi quelles pages web il consulte, et quelles rubriques il préfère», indique Hélène Gombaud-Saintonge, directrice associée connaissance client de FullSIX. La connaissance enrichit le profil, autorisant une segmentation plus précise. Mieux, selon Anthony Deydier: «Le real time marketing fait émerger de nouvelles segmentations avec d'un côté des critères basés sur le choix du support (smartphone, tablette, ordinateur) et du canal (SMS, e-mailing, push notification ou mailing papier) et, de l'autre, les critères liés à la socialisation de l'internaute. »
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Siblu customise ses pages web et ses e-mailings
Le spécialiste de l'hôtellerie de plein air (ventes de séjours, mobile-homes sur emplacement, résidences secondaires), basé à Pessac (Gironde), dispose de 15 villages et d'autant de points de vente et de plateformes web. Pour affiner son ciblage et mieux segmenter son fichier clients, Siblu (288 salariés et 1000 saisonniers) a fait appel à ID Contact afin de se doter d'un datamart marketing. Ce dernier regroupe 500 000 contacts de clients et prospects et centralise les informations issues des différents canaux: télémarketing, équipe de vente, campagne e-mailing et site web. Pour adresser des offres personnalisées, Siblu enrichit les données comportementales via des opérations de tracking individualisé qui analysent les réactions aux e-mails (ouverture/clic), le feed-back des vendeurs, le télémarketing et les données récupérées par des cookies sur les pages internet. Des scores sont ensuite établis de façon à détecter les projets. «Nous déduisons du comportement du prospect et de ses données déclaratives son appétence pour telle ou telle région», indique Damien Pichevin, responsable CRM et base de données clients de Siblu. Le ciblage s'effectue grâce à une petite centaine de critères: date de la dernière visite, du dernier achat, etc. L'enseigne peut ainsi customiser les e-mailings et mettre en avant sur le Web la brochure d'un village ou d'un produit correspondant aux goûts du visiteur. Damien Pichevin est très satisfait des résultats: «Les campagnes d'e-mailing enregistrent des taux d'ouverture trois, voire cinq fois supérieurs à ceux que nous enregistrions jusqu'à présent. »
Les marques détectent les leaders influents, plus importants à segmenter pour leur capacité à faire le buzz que pour leur valeur économique.
Elles sont de plus en plus nombreuses à utiliser des outils d'analyse sémantique pour raccrocher les commentaires publiés par leurs ambassadeurs aux données clients et développer de nouvelles offres, ou gérer les contenus de leurs communications (newsletter, e-mailing). « Pour créer de l'affinité à la marque Eden Park, nous avons lancé une appli relatant l'histoire du rugby et de la marque, puis incité les internautes à devenir fans sur Facebook En moins d'un an, 33 000 fans se sont identifiés, permettant la création d'une communauté que nous animons en magasin via des jeux, témoigne Alexandre Doumith, cofondateur de Bemobee (agence conseil mobile). Le ciblage s'opère par la multiplication des points de contact. »
Pour personnaliser les campagnes et ajuster le message au comportement du consommateur, quatre axes de ciblage sont utilisés: la valeur du client (son potentiel de chiffre d'affaires et son engagement), son affinité aux produits (thématique, centres d'intérêt), sa motivation (qu'est-ce qui le fait réagir? Une promotion ou la simple mise en avant d'un produit?) et, enfin, son canal de prédilection. « Pris individuellement, les signaux comportementaux sont faibles et ne représentent pas grand-chose ; il faut les croiser pour enrichir l'analyse et les exploiter », résume Christophe Leduc, directeur général d'ID Contact, éditeur d'une plateforme logicielle marketing. Outre la localisation géographique, qui permet de pousser une offre en temps réel vers le consommateur et de lui faire bénéficier d'une promotion en tenant compte de sa position, le géomarketing ouvre ses horizons. Il inclut désormais des données liées à la 3 D et à la 4 D, à l'instar de la plateforme de webservices créée par Geoconcept en janvier dernier. La 3 D est utile pour gérer les déplacements indoor, notamment l'élévation dans des zones comme les centres commerciaux ou les aéroports. Depuis l'été dernier, Aéroports de Paris teste ainsi la solution de géolocalisation indoor de Pole Star dans son application mobile, My Way Aéroports de Paris, pour informer et guider les voyageurs vers leur porte d'embarquement. L'outil est également en test dans le centre commercial Les 4 temps, à la Défense. « Le calcul de la position de la personne s 'opère via son téléphone. S'il accepte d'envoyer sa position au serveur, on peut lui transmettre des promotions et établir des statistiques pour mesurer l'efficacité des campagnes », souligne Christian Carle, p-dg de Pole Star.
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Autogrill géolocalise les automobilistes
Le restaurateur, installé sur les autoroutes, dans les aéroports, gares et centres commerciaux, a créé, en 2011, une application iPhone: Ma pause Autogrill, pour géolocaliser les automobilistes. Depuis l'été 2011, elle permet d'envoyer des alertes aux mobinautes ayant accepté d'être géolocalisés: quand ils approchent d'un restaurant - dans un rayon de 25 kilomètres -, une alerte leur propose un produit offert pour un produit acheté. Fort de cette expérimentation, en 2012 Autogrill passe à la vitesse supérieure avec une nouvelle plateforme: Vyaggio.com (relayant informations et promotions), et une nouvelle appli mobile plus ouverte (multi-OS). Vyaggio propose aux automobilistes «des super-deals qui leur font épargner de l'argent», et un moteur de recherche permettant de trouver en un seul clic les près de 450 restaurants, shops et bars de l'enseigne en France. La fonctionnalité sociale n'est pas oubliée puisque les mobinautes peuvent raconter leurs expériences et les partager avec leurs amis.
Le géomarketing intéresse aussi beaucoup la grande distribution: « Les demandes d'applications mobiles intégrant ses fonctions pour drainer du trafic dans les points de vente affluent depuis quelques mois », constate Olivier Hublau, directeur général de HighCo Data. Il est également utilisé dans certains secteurs du retail. « Le temps réel et la géolocalisation servent dans les secteurs de la mode et du jardinage pour pousser des offres selon la météo du jour », indique Hélène Gombaud-Saintonge (FullSIX).
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Securitas Direct élargit son ciblage
Parallèlement à sa clientèle traditionnelle - les plus de 40 ans, CSP moyen et plus, propriétaires de leur résidence principale -, le fournisseur d'alarmes et de systèmes de télésurveillance (75 millions d'euros de CA et 1 114 salariés en 2011) prospecte aujourd'hui aussi en fonction des cycles de vie des ménages et de l'actualité locale. Le prestataire cible aussi bien des trentenaires qui accèdent à la propriété, des personnes qui emménagent (locataires ou propriétaires), des ménages qui partent en voyage, que des habitants d'un quartier marqué par une série de cambriolages. Securitas Direct récupère ces données via des prestataires, comme l'agence e-marketing Base&Co, qui les collectent sur Internet et par une veille médias. Plusieurs mécanismes sont mis en place pour prospecter ces cibles, dont, notamment, le routage d'e-mailings intégrant un formulaire de demande d'informations. « Nous avons optimisé le formulaire pour une diffusion mobile des campagnes ; son format s'adapte au type de support utilisé par l'internaute », explique Edouard Lhuerre, directeur général de Base&Co. Le mobile fait partie du dispositif: « Il nous permet de capter une cible qui, auparavant, ne répondait pas, et qui transforme davantage (+ 10 % de demande d'informations) », observe Olivier Vuillemin, responsable marketing de Securitas Direct. Les demandes d'informations sont traitées par le centre d'appels interne (dix postes en permanence). Les télé-opérateurs qualifient le profil et sont en mesure de fixer un rendez-vous avec un expert sous 48 heures.
Mais, pour que le real time s'impose, il y a encore un peu de chemin à parcourir. « L'écosystème des solutions doit migrer, avec des cartographies plus précises, une capacité d'échange d'information supérieure à ce que les smartphones proposent actuellement et des applications d'enseignes plus ouvertes », estime Didier Robert, directeur général adjoint de Geoconcept. Les marques doivent obtenir le consentement des consommateurs, au risque de passer pour Big Brother! « Ces techniques exigent l'opt-in du mobinaute », prévient Jérôme Stioui, président d'Ad4Screen. Autre bémol, l'organisation actuelle des données en silos (service clients, marketing, SAV, etc.) doit laisser la place à une organisation transversale alimentant le datamart marketing. Un outil dont la Fnac est en train de se doter. Jusqu'à récemment, l'enseigne disposait de trois points d'entrées (carte de fi délité avec un numéro d'adhérent, site web avec adresse e-mail et SAV avec numéro de téléphone) pour identifier ses clients. « Nous travaillons à la création d'un référentiel unique pour que la Fnac puisse avoir une vision à 360° et établir des règles de gestion de ses campagnes », témoigne Arnaud Contival, directeur général d'Aid, conseil en CRM et analyse de bases de données marketing. Car toute la question du real time revient, pour les marques, à se doter d'outils de convergence et d'intégration permettant de faire parler les données.
CHRISTIAN CARLE / POLE STAR
LE CALCUL DE LA POSITION DE LA PERSONNE S'OPERE VIA SON TELEPHONE
EDOUARD LHUERRE / BASE&CO
« Nous avons optimisé le formulaire de demande d'informations pour une diffusion mobile des campagnes. »