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L'e-mailing encore considéré comme un complément
Reste qu'Edatis, qui manie la plupart des grandes bases du marché, se refuse à
apporter du conseil quant à la nature même des offres qui sont proposées. Or,
c'est aussi de conseil que les entreprises ont besoin. L'e-mailing, par le peu
de garanties qu'il fournirait en termes de segmentation et de ciblage, est
considéré par certains professionnels du fichier comme un rudiment de marketing
direct. Qui ne saurait en rien occuper la place centrale d'une stratégie sur le
moyen ou le long terme. « Il est vrai que l'e-mailing est souvent requis en
sur-ciblage ou en complément », reconnaît Erwan Le Page, directeur en charge du
conseil de Media Contacts, agence conseil en marketing interactif au sein de
MPG, la branche médias du groupe Havas, et qui travaille chaque mois sur
l'envoi d'environ 300 000 e-mails. Parmi l'offre pléthorique proposée
aujourd'hui aux annonceurs, la qualité n'est pas souvent au rendez-vous. La
plupart des bases aujourd'hui diffusées, notamment des grosses bases, sont le
fait de pure players, sites de jeux, loteries ou portails gratuits. Avec les
sites marchands, les fichiers gagnent un peu en qualité. Mais c'est avec les
entreprises ayant développé des offres et services on line en complément de
leurs activités "traditionnelles" que le marché de l'adresse e-mail devrait
trouver son intérêt et sa pérennité. Des entreprises qui commencent seulement à
confier leurs fichiers aux courtiers et diffuseurs du marché.
« Le marché
s'est jeté sur l'adresse e-mail et cela a été la catastrophe. Les annonceurs
matures ne veulent plus d'adresses provenant directement du Web », affirme
Frédérique Agnès. En fait, l'avenir le plus immédiatement sûr d'Internet dans
le marketing direct est peut-être davantage du côté des adresses physiques
d'internautes et d'acheteurs on line que dans les fichiers e-mails, en tous cas
tels qu'ils ont été massivement commercialisés ces derniers mois. « Pour
l'heure, ce type d'offre est quasi inexistant. Les propriétaires ne sont pas
fous », lâche Frédérique Agnès. Matelsom, distributeur à distance de matelas,
s'est lancé avec un call center avant d'ouvrir un site web. Aujourd'hui,
l'entreprise dispose d'une base de 50 000 adresses dont 40 000 électroniques et
de 24 000 numéros de téléphone. Base aujourd'hui confiée en exclusivité pour
courtage à Adress Company. « Une adresse e-mail, c'est une chaîne de 25
caractères. Cela n'a pas de valeur en soi. Certains producteurs revendiquent
plusieurs millions d'adresses. Ce qui va faire la différence, c'est la capacité
de proposer de la segmentation », affirme Jean-David Margulici, responsable du
développement d'Edatis. Mais encore faudrait-il que les entreprises soient en
mesure de travailler sur des données homogènes. Une enquête récemment menée aux
Etats-Unis par huit acteurs de l'e-mailing, avec l'appui de la Direct Marketing
Association, apporte quelques éclairages sur les difficultés du "permission
e-mail marketing". Difficultés qui trouvent leur source dans les fichiers
eux-mêmes, leur mode de constitution et d'entretien. En effet, les entreprises
interrogées utilisent en moyenne quatre bases de données différentes d'adresses
e-mails. Elles sont 41 % à en gérer cinq. Ce qui conduit 22 % des entreprises à
ne pas maîtriser la gestion de leurs propres fichiers. En fait, seulement 12 %
des sociétés disposeraient d'une base de données unique.
L'opt-in et ses paradoxes
A cette question de mode de gestion interne des
fichiers clients s'ajoute celle, ô combien sensible, de l'opt-in, présenté
comme la première garantie contre le spamming. Le marché de l'adresse e-mail B
to C, plus avancé en termes d'offre et de volumes transités que celui de
l'e-adresse B to B, est sans doute plus victime du spam, psychologiquement plus
insupportable encore dans la sphère privée que dans l'univers professionnel. A
cet égard, la non-gratuité pour le destinataire du message reçu, qui constitue
en soi l'un des freins potentiels au décollage de l'e-mailing, pourrait a
fortiori devenir un sérieux handicap en B to C. Ce dont sont aujourd'hui
conscients la grande majorité des annonceurs sérieux et des grands comptes. «
Les données opt-in tournent nettement plus : au moins 12 fois par an. Pour les
autres, c'est trois ou quatre fois », affirme David Guillot. Et pourtant, il
semblerait que, par-delà les pétitions de principe et la norme déontologique,
la perméabilité de la cible traduise parfois quelques surprises. « Le grand
paradoxe, c'est que les fichiers les plus qualitatifs ne sont pas forcément
ceux qui marchent le mieux en termes de retours. Les bases en simple permission
marketing remontent parfois mieux », signale Laurence Milhau, directrice média
chez Media Contacts. En travaillant sur la constitution d'une base exhaustive
de 155 fichiers d'adresses e-mails disponibles sur le marché (voir encadré en
p. 68), l'agence conseil en marketing interactif de l'agence médias MPG réserve
un avis mesuré sur la prétendue nécessité de multiplier les critères de
ciblage. « Ce n'est pas parce que l'on a 35 critères que l'on enregistrera de
meilleurs résultats qu'avec trois ou quatre critères, pour peu qu'ils soient
bien choisis », affirme Yann le Roux, directeur général, qui rappelle qu'en
matière d'e-mailing, le déclaratif s'apparente le plus souvent à du "pipeau".
C'est pourquoi la plupart des gros fournisseurs ne jurent plus que par le
comportemental. Même s'il faut bien admettre que cette capacité qu'ont les
éditeurs de bases e-mails à fournir des adresses "comportementales" est assez
suspecte. Car, lorsque l'on regarde de plus près sur quoi repose véritablement
cette dimension comportementale, force est de constater que le seul "statut"
d'internaute suffit à la justifier. Comme si être internaute constituait en soi
un comportement exploitable dans le cadre d'une opération de MD. « 17 millions
d'internautes, tu parles d'un comportement », lance Frédérique Agnès. Un
internaute aurait, dit-on, toutes les chances de cacher un profil vépéciste.
Quand bien même la chose serait-elle prouvée - ce qui n'est absolument pas le
cas - le profil vépéciste, si souvent recherché par les annonceurs à distance,
constitue davantage une assurance de perméabilité à la prospection commerciale
qu'un comportement véritable. « Le marché de l'adresse se concentre, en gros,
sur les foyers de 30 à 50 ans avec une demande très orientée vers les femmes.
Les internautes sont généralement des hommes, plutôt jeunes. Cherchez l'erreur
», souligne encore Frédérique Agnès. De nombreux fournisseurs de bases
assureront alors que les outils de tracking adossés aux sites web permettent de
déduire plus finement des terrains comportementaux des internautes au fil de
leurs déplacements. Là encore rien de prouvé. Le média est trop jeune pour
autoriser une pareille conclusion. Le seul véritable comportement, sur le Web,
c'est l'achat on line.
Comportemental ou "attitudinal" ?
« Par comportemental, on qualifie souvent le fait qu'un
internaute soit allé sur tel site plutôt que sur tel autre. Il serait c'est
vrai plus juste de parler d'"attitudinal" », souligne Laurence Milhau, qui
ajoute néanmoins que, pour surdimensionné qu'il soit, le critère comportemental
génère des remontées supérieures au critère déclaratif. La palme de
l'efficacité demeurant au profil d'acheteur on line. La nature de l'adresse
constitue un facteur déterminant dans son prix. Même si, là encore, des
différences peuvent apparaître entre des données très comparables. « Sur le
marché, les tarifs prix varient de un à trois », remarque Didier Parisot, qui
travaille avec les deux tiers des grands producteurs et diffuseurs du marché.
En moyenne, une adresse e-mail se loue 0,15 euro. Charter loue ses propres
adresses e-mails B to C autour de 27 centimes d'euro. Koba commencera à 0,10
euro et louera des adresses issues de nouveaux fichiers à 0,27 euro. Des prix
sensiblement identiques à ceux pratiqués sur le marché de l'adresse physique.
Pour un coût de collecte réputé nettement moins lourd. La constitution de bases
électroniques étant notoirement moins coûteuse que celles de bases physiques,
l'offre en matière d'adresses e-mails risque d'être rapidement très
volumineuse. En tout cas pour des sources à faible, voire très faible valeur
ajoutée. En l'occurrence les plus grosses bases. Car, contrairement aux idées
reçues, la constitution de fichiers d'e-adresses exploitables dans le cadre
d'opérations ciblées et contrôlées a son prix. « Il n'y a pas structurellement
de raisons pour que l'adresse e-mail soit nettement plus rentable que l'adresse
postale », résume David Guillot.
Coût moyen unitaire de la collecte : un euro
Ouriel Ohayon
corrobore : « Si l'on veut que le modèle économique soit rentable, on peut
estimer le coût moyen de collecte à l'unité à un euro. Hors frais de
maintenance. » Un euro pour un modèle rentable. Car l'enjeu est bien celui de
la rentabilité pour tous ces grands fournisseurs de listes d'adresses
électroniques qui sont parfois loin d'atteindre l'équilibre. Ludopia, société
éditrice du site de jeu luckyvillage.com, a, par exemple, renoncé depuis un an
à dépenser de l'argent dans les bannières sur des sites partenaires. « Le
marché du B to C n'est pas bon, alimenter de bases très volumineuses n'est pas
rentable au vu de la demande actuelle. Nous avons décidé d'investir sur la
fidélisation », explique Ouriel Ohayon. Luckyvillage.com, qui aura collecté en
un peu plus de deux ans 400 000 adresses (dont un tiers aujourd'hui obsolète),
recueille chaque mois de 5 à 6 000 nouveaux internautes, sans dépenser un
centime. La société a donc fait le choix d'une offre restreinte, loin des 800
000 adresses de loterie.com et des 1,2 million de Bananaloto. Consodata a
également fait évoluer son modèle de collecte. L'objectif étant d'alimenter la
base Yoptin via trois sources complémentaires, qui devraient être à terme
génératrices d'un même volume de données. Aujourd'hui, le vecteur le plus
important est encore le tissu des partenariats passés avec une dizaine de
sites. Consodata est à cet égard en train de proposer, en partenariat avec
Boursipoly, des modules d'animation afin de multiplier ses sources de collecte
aux sites qui accepteront d'intégrer les modules. Outre les partenariats web,
Consodata utilise également ses propres questionnaires papier et pratique
l'envoi d'e-mails à des internautes (bien souvent amenés par les partenaires).
La pérennité de ce marché reposera aussi sur la capacité des producteurs à
conjuguer des modes de collectes économiquement tenables et un véritable
travail de qualification et d'entretien des données. Faute de quoi, l'e-mailing
ne dépassera jamais les opérations de prospection de masse, sans valeur
ajoutée. Or, il n'y a pas de raison que l'on utilise un jour les fichiers
d'e-adresses avec le même professionnalisme que celui dont font preuve les
courtiers sur le marché de l'adresse physique.
Les internautes français de plus en plus sollicités
Selon NetValue, l'e-mail marketing a connu entre mars 2001 et mars 2002 une forte croissance. En décembre 2001, par exemple, 87,6 % des internautes français, soit plus de 15 millions de personnes, ont reçu un mail. Sur ce même mois, le nombre total de messages promotionnels envoyés a été de 75,6 millions. En l'espace de 12 mois, la part des messages publicitaires au sein du trafic général du courrier électronique est passée de 29,8 % à 36,8 %. En moyenne, un internaute français reçoit chaque mois 12,2 mails marketing (12,5 pour un internaute britannique). Les entreprises les plus férues de ce type de communication sont les FAI. Selon NetValue, 46,8 % des internautes ont reçu un e-mail de leur part. Deuxième secteur d'activité pour l'e-mailing, les biens culturels, devant les jeux d'argent, les FAI gratuits et le tourisme-voyages.
Media Contacts : une base de 155 bases
Agence conseil en marketing interactif du groupe MPG, la branche médias d'Havas, Media Contacts vient de lancer un outil de médiaplanning e-mailing, en collaboration avec MPG Direct. Outil qui sera réservé aux clients des deux entités. « Nous avons constitué une mégabase de 155 fichiers d'adresses e-mails, tous qualifiés selon 41 critères. Ce qui en fait un outil à la fois exhaustif et précis », explique Virginie Heloin, en charge de la constitution de cette base de données chez Media Contacts. Parallèlement, l'agence a mis sur pied un observatoire autour de 25 campagnes, évaluées à l'aune de 11 critères de performance. Si les responsables de Media Contacts demeurent très secrets quant aux conclusions comparatives que leur permet cette mégabase, ils concèdent quelques constats intéressants, à commencer par le volume de fichiers réellement opt-in. « Si l'on considère que l'opt-in implique que l'internaute doive cocher une case pour accepter l'utilisation des données qu'il communiquera, nous comptons 51 bases opt-in sur les 155 étudiées, ce qui est franchement peu », signale Virginie Heloin. Autre conclusion : le taux moyen de désabonnement des internautes suite à l'envoi d'un message commercial n'est pas supérieur avec les bases en simple permission marketing qu'avec celles en opt-in. Dans une configuration comme dans l'autre, la moyenne ne dépasse pas 1 %.
Union européenne : victoire finale de l'opt-in
Le 30 mai 2002, le parlement européen adoptait une série d'amendements relatifs à la directive sur la protection des données personnelles et la protection de la vie privée proposée par le conseil des ministres de l'Union. Contrairement à sa précédente position, le parlement a réaffirmé le principe de l'opt-in pour l'envoi de "communications non sollicitées effectuées à des fins de prospection directe". Principe s'appliquant aussi bien aux courriers électroniques qu'aux automates d'appels, aux fax ou au SMS. Ces amendements constituent une validation par les élus européens de la mise en place de l'opt-in à l'échelle de la Communauté. Jusqu'alors, la décision de l'opt-in ou de l'opt-out était laissée au libre-arbitre des Etats européens. Première limite : ce texte ne protège en rien les internautes européens du spamming en provenance de pays hors Union. Deuxième limite : l'exigence d'autorisation préalable n'a plus de valeur dans le cas où le destinataire d'un e-mail a déjà acheté un produit ou un service auprès de l'entreprise émettrice et dans la mesure où celle-ci lui propose des produits ou services similaires. Passé en conseil des ministres pour approbation, le texte législatif devait être officialisé fin juillet. Date à partir de laquelle les Etats membres disposeront de 15 mois pour transposer la directive dans leur législation nationale.