Fichiers d'abonnés : une mine d'or pas facile à exploiter
Les fichiers d'abonnés presse sont une excellente source d'adresses pour le marketing direct, à condition d'accepter une certaine carence d'informations précises sur le destinataire. Mais les éditeurs se font parfois prier avant d'ouvrir leurs listings à la location. Et se montrent scrupuleux quant au respect des règles de déontologie dans les mailings.
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Quelle est la place des fichiers d'abonnés presse dans le marketing direct
? Pour s'adresser aux professionnels ou toucher le grand public, cette source
est devenue indispensable dans bien des secteurs. Et, pour les éditeurs de
presse, c'est un moyen désormais institutionnel de rentabiliser ce capital que
représentent leurs fichiers d'adresses. « Dans la presse, peu d'entrepreneurs
refuseront de proposer leurs fichiers à la location pour des opérations de
marketing direct », analyse Stéphane Barthélémy, directeur d'Adress Company,
courtier en fichiers pour le marketing direct. Les éditeurs de presse font
eux-mêmes souvent appel à la location de fichiers externes pour le recrutement.
Ce qui permet d'enrichir leurs bases de recrutement. D'où la multiplication des
échanges de fichiers. "Qui est abonné s'abonnera" est devenu l'adage du métier.
Mais ces éditeurs, qui échangent volontiers leurs fichiers avec d'autres
groupes de presse, sont parfois frileux à l'idée de les ouvrir à la location. «
Leur crainte est de se faire pirater leur base à l'occasion d'une opération de
marketing direct, soupire Stéphane Barthélémy. Il faut les rassurer, leur
expliquer que la location se fait dans les règles de l'art, que leur base ne
sera pas dupliquée ni volée, leur décrire la technique des adresses-pièges. »
Pour un courtier en bases de données, prospecter ces clients n'est pas
seulement une question d'argent. « Souvent, nous passons une demi-journée
entière en rendez-vous dans un journal propriétaire d'une base de 5 000
adresses. Et, si nous parvenons à le convaincre, notre gain de l'opération de
location ne dépassera pas une centaine d'euros. Mais ce qui importe, pour nous,
c'est de fidéliser ce partenaire pour l'avenir. Et de fidéliser notre client en
lui apportant ce fichier très spécifique qu'il recherchait », ajoute le patron
d'Adress Company. Selon lui, la difficulté de la location tient aussi au fait
que les propriétaires de fichiers d'abonnés presse n'ont pas l'habitude de
faire connaître la valeur de leur capital adresses. On note aussi que certains
fichiers ne sont pas proposés à la location, comme ceux du groupe Prisma
Presse, ceux des quotidiens nationaux et parfois des régionaux, ceux des
journaux véhiculant un engagement politique, comme L'Humanité. Et, dans la
presse professionnelle, la location des fichiers n'est pas complètement
intégrée dans les moeurs. Souvent, l'accès aux fichiers est réservé aux seuls
annonceurs du magazine, qui peuvent ainsi augmenter la pression sur la même
cible.
Le scoring pour contrebalancer la pauvreté des renseignements
Quelle est la richesse des fichiers d'abonnés
presse ? « Parlons plutôt de la pauvreté ! », s'exclame Stéphane Barthélémy.
Pour lui, dans le secteur des abonnements payants, on ne peut pas demander aux
lecteurs des informations supplémentaires. Alors, certains éditeurs commencent
à enrichir leurs bases en faisant du scoring. « Oui, les fichiers de presse
contiennent peu de critères de renseignement. La récence, parfois la profession
ou le revenu de l'abonné », confirme Chantal Dutheil, directrice de clientèle
chez Koba. Et de remarquer qu'à partir de ces informations, « on peut
naturellement faire des estimations sur le profil en fonction du type de
lecture ». A ce titre, on remarque que la presse professionnelle est plus riche
en renseignements. Les abonnés donnent assez facilement des informations sur
leur métier, la fonction occupée, la taille de l'entreprise. A noter qu'aux
Etats-Unis, il est d'usage d'offrir un abonnement gratuit au lecteur qui a
accepté de remplir le formulaire de taille importante, avec des renseignements
sur son entreprise, mais aussi sur lui-même, son parcours professionnel, la
composition de son foyer, etc. Cette pratique se développe lentement en France.
En revanche, certains fichiers provenant des discounters en abonnements
magazines, comme France Abonnements ou l'Ofup, sont peu appréciés. « La qualité
de ces fichiers est inférieure car le critère prix a été la motivation
principale de leurs abonnés », remarque Stéphane Barthélémy. « Le marché compte
aujourd'hui une plé-thore de fichiers d'abonnés presse », estime Chantal
Dutheil. D'après elle, les fichiers de la presse économique et financière
atteignent facilement entre 150 000 et 200 000 abonnés. Mieux Vivre, Le Revenu
Français, Le Journal des Finances... drainent surtout un public avec une CSP
élevée et un intérêt prononcé pour la Bourse. Les foyers abonnés à la presse
enfantine des Editions Milan, de Fleurus Presse... intéressent les spécialistes
du crédit pour l'agrandissement de la maison, les constructeurs auto pour le
lancement des voitures familiales. Les abonnés de la presse senior, comme Notre
Temps ou Editions Taitbout, sont recherchés par le secteur caritatif. Les
lecteurs des magazines arts et spectacles, comme Beaux Arts, mais aussi
Télérama, affichent aussi des CSP élevées. Ils seront sollicités pour des
manifestations culturelles.
Des réticences à la location
Mais l'accessibilité de ces fichiers pour le marketing
direct n'est pas sans conditions. Il arrive que les éditeurs rechignent à
mettre leurs adresses sur le marché. « Nos fichiers de presse enfantine ne sont
pas loués, mais seulement échangés, adresse contre adresse, et pas dans leur
intégralité », témoigne Christine Mariette, responsable de la commercialisation
des fichiers chez Bayard Presse. Les raisons de cette restriction ? La
sauvegarde du fichier, réservé surtout aux opérations en interne. On protège la
poule aux oeufs d'or. En revanche, les fichiers de Notre Temps ou du Pèlerin
Magazine sont loués pour des opérations des secteurs caritatif, humanitaire et
celui de la santé, à la VPC généraliste, l'équipement de la maison, le
bricolage et le jardinage. Autres clients : les organisateurs de pèlerinages et
de voyages hors créneaux des vacances scolaires. Les fichiers de Bayard sont
aussi beaucoup sollicités par la presse régionale. Et, en général, le groupe de
presse gère son capital fichiers de manière à ne pas permettre des rotations
trop fortes et ne pas dépasser la limite de cinq messages par an pour un même
abonné. L'éditeur se réserve le droit d'appréciation du message. « Nous suivons
les principes éthiques. Et nous disons "non" quand le message est trop éloigné
de l'esprit de nos abonnés, quand il y a un manque de respect envers eux »,
explique Christine Mariette. Par exemple, sont refusés les messages des
loteries bidon, ceux qui commencent par la mention "Bravo ! Vous avez
gagné...", avec les conditions restrictives précisées en lettres minuscules
dans un coin.
Groupe Perdriel : trois fichiers en location
D'autres éditeurs de presse généraliste proposent sur le
marché l'ensemble de leurs bases de données. Le groupe de presse Perdriel
propose ses trois fichiers en location. Celui du Nouvel Observateur fait
environ 400 000 abonnés actifs, celui du magazine Sciences et Avenir, 200 000
abonnés, et enfin le fichier de Challenges, encore 180 000 abonnés actifs. Les
trois fichiers affichent une dominante masculine et une CSP A et B. La moyenne
d'âge des lecteurs de Challenges se situe entre 35 et 45 ans. Ceux du Nouvel
Observateur sont au-delà de 40 ans. Enfin, Sciences et Avenir cumule un
lectorat étudiant, entre 15 et 25 ans, et un autre entre 30 et 45 ans. « Ces
trois fichiers se croisent en partie, avec peut-être 15 000 adresses en commun
», admet Dominique Chasseret, directrice adjointe aux abonnements du groupe
Perdriel. Une marge de croisement qui reste assez difficile à réduire. Cause
principale : la différence des systèmes informatiques des prestataires qui
proposent ces fichiers à la location. Les trois fichiers peuvent être triés sur
le critère de récence d'abonnement, et aussi selon le mode de paiement. Les
abonnés au Nouvel Observateur paient surtout par prélèvement. Cette habitude
intéresse le secteur caritatif, par exemple Médecins sans frontières qui
pratique ce mode de versement de dons. Les fichiers du groupe Perdriel sont
aussi prisés par les assurances et la banque directe, le financement
(Challenges). Et surtout par les entreprises de VPC, généraliste ou masculine.
« Tous nos abonnés ont été recrutés par des techniques de marketing direct »,
confie Dominique Chasseret. C'est l'argument qui lui sert à contrebalancer la
faiblesse des renseignements dans ses fichiers : on ne peut pas demander trop
d'informations à l'abonné, en revanche, on sait qu'il est sensible aux méthodes
de marketing direct. Et l'absence d'informations sur l'âge peut être compensée
par du scoring. L'expérience des annonceurs prouve que le marché des fichiers
presse offre des perspectives intéressantes pour le marketing direct. Certes,
les usages ne sont pas encore complètement formés, et tous les acteurs ne sont
pas encore au même stade de maturité. C'est donc un marché en devenir, plein de
promesses.
Louer un fichier presse
Les tarifs de location des fichiers d'abonnés de presse varient selon la notoriété du magazine et son caractère généraliste ou spécialisé, généralement plus valorisant. Entre l'adresse d'un lecteur d'un magazine généraliste et celle d'un magazine professionnel, le coût de la location sera multiplié par trois, sinon plus. Les spécialistes remarquent que, dans la presse professionnelle, il y a un désaccord sur l'appellation "fichier des lecteurs" proposé à la location. Bien souvent, celui-ci est composé à la fois des abonnés, des désabonnés et des prospects. La taille du fichier n'a pas d'incidence sur le coût de la location unitaire, calculé généralement pour mille adresses. Mais, sur les fichiers de taille importante, la location limitée à une partie de la base génère des frais de qualification supplémentaires. Quant à la richesse des informations, elle est légèrement supérieure dans les fichiers des professionnels, mais laisse toujours à désirer. Enfin, certains fichiers sont "saturés". Par exemple, pour louer des fichiers comme celui de "La Croix", pour une opération de collecte de fonds, il faut le réserver bien à l'avance. Voici quelques exemples de coûts de location extraits des catalogues des courtiers : - "Le Nouvel Observateur" : environ 400 000 adresses, louées pour un coût de 185 euros pour mille. - "Tennis Magazine" : 20 000 adresses, 170 euros pour mille. - "01 Informatique" : 72 000 adresses, 540 euros pour mille. - "Points de Vente" (les professionnels de la grande distribution) : 22 000 adresses, 300 euros pour mille.