Le cloud-branding, nouveau modèle de gestion des marques
On ne dit plus “consommateur” mais “individu-consommateur”, on ne dit plus “cibles” mais “parties prenantes”, on ne dit plus “message” mais “scenario”... Explications de Monique Wahlen et Benoît Héry, coauteurs de l'ouvrage “De la marque au branding, vers un nouveau modèle: le cloud-branding”.
Je m'abonneMonique Wahlen et Benoît Héry: Parce qu’en cette période de fortes turbulences économiques, nous avons constaté que bon nombre d’entreprises étaient comme perdues, désorientées. À force de chercher à tout prix des solutions de court terme pour vendre plus et plus vite, elle en avaient perdu de vue leur marque et le potentiel que celle-ci représente. Or c’est justement dans ce trésor qu’est la marque pour une entreprise, que résident les solutions qui vont permettre de réenclencher un marketing dynamique, efficace, pérenne et responsable. L’enjeu est, ni plus ni moins, de dessiner les contours d’un marketing et d’une communication qui seront adaptés à la nouvelle société qui s'annonce demain et aux nouveaux individus-consommateurs qui s’affirment aujourd’hui.
Quelle a été sa genèse? Comment avez-vous fait pour recueillir les témoignages des experts: Marc Simoncini, Françoise Frisch, Claude Soula, Hervé Brossard?
Le sujet est venu comme une évidence. Plus de vingt années d’expérience nous ont parfois donné l’impression d’avoir délaissé les racines de notre métier: à savoir le travail de fond sur les marques, au profit de logiques de campagnes trop souvent éphémères et opportunistes. L’importance de la forme et de l’exécution est devenue telle que, souvent, le message de fond est hélas absent… et d’ailleurs, les individus-consommateurs nous le reprochent chaque jour un peu plus. Quant à l’idée des interviews d’experts, elle nous a semblé aller bien au delà du simple “casting”. En réunissant pour la première fois dans un même ouvrage des personnes venant d’horizons tellement différents (entreprises, institutions, agences, associations), mais dont le point commun est d’avoir mis le branding au cœur de leurs préoccupations, nous avons voulu démontrer le rôle central des marques dans nos sociétés. Alors que la liste pouvait sembler trop ambitieuse, à la simple évocation du sujet, ils ont tous participé à cette aventure avec enthousiasme, séduits également par le concept du cloud-branding qui leur semblait faire sens et résonner avec l’époque.
Une marque bien brandée (qui a construit un bon branding) englobe justement toutes ces dimensions opérationnelles de la marque que sont la marque-employeur, la marque commerciale, la marque responsable, la marque financière, la marque environnementale et la marque politique. Le branding consiste justement à organiser, à exprimer et à valoriser, ces multiples visages de la marque, pour que, in fine, le tout soit supérieur à la somme des parties et que 1+1 = 3. Le branding est vraiment un mode de raisonnement de la marque dans son ensemble, sous toutes ses facettes. Il lui permet de donner la pleine dimension de ses capacités commerciales mais aussi sociales ; en somme d’en exprimer toute la valeur. En contrepartie, cela impose à la marque un certain niveau de pertinence, de cohérence et d’exigence dans l’ensemble de ses actes et de ses prises de parole.
De la mobilité, de la fluidité… donc de la souplesse et de la surprise! Les marques figées et crispées sur un axe unique ne sont pas assez agiles pour faire face aux multiples paradoxes de l’époque, des entreprises et des individus-consommateurs. En se mettant en mode “cloud” les marques changent leur manière de penser et d’agir:
– elles n’imposent plus, elles se mettent à disposition ;
– elles ne délivrent plus des messages imposés mais proposent des contenus ;
– elles ne sont plus dans une logique d’achat d’espace visant la puissance mais se préoccupent d’être présents à tous moments aux côtés des consommateurs, dans une optique de pertinence.
Avec le modèle du cloud-branding, la marque est capable d’être toujours différente tout en restant elle-même.
Cela permet d’évoluer avec l’époque sans jamais se perdre… et c’est bien là le propre des marques qui durent!
Il s’agit d’agréger autour de la marque tous les contenus dont l’entreprise dispose la concernant et de lui construire ainsi un univers qui lui soit propre. Souvent, les entreprises ne s’en rendent pas compte, mais il existe chez eux des gisement d’histoires, de savoir-faire, de lieux, de personnages, d’anecdotes qui, lorsqu’on les valorise et qu’on les fait émerger, permettent de construire des récits, de proposer des expériences à des individus en recherche d’émotions et de savoirs. Pour créer un tel écosystème de contenu, il faut donc d’abord savoir bien regarder chez soi et, ensuite, ne pas hésiter à tisser des liens avec d’autres entreprises, personnes, ou institutions, qui partagent avec vous les mêmes sujets et les mêmes valeurs. La diversité des points de vue et des contenus ainsi apportés augmentera l’attractivité du l’univers proposé par la marque. Un maître-mot pour qu’un écosystème fonctionne: la diversité dans la cohérence. Car trop d’hétérogénéité nuit à la compréhension, et trop d’unicité frise l’égocentrisme. Nombreuses sont les marques qui se sont heurtées à ces deux écueils.
“De la marque au branding... vers un nouveau modèle: le cloud-branding” par Benoît Héry et Monique Wahlen, Éditions Dunod.
Benoît Héry : après avoir été vice-président de GRRREY!, de G2 Paris et président de Draft FCB Paris, il fonde en 2011 Le Cabinet, une agence dédiée à l'accompagnement marketing et communication des dirigeants, des marques et des entreprises.
Monique Wahlen : elle a été directrice du planning stratégique de GRRREY! puis de G2 Paris et directrice des stratégies de Draft FCB Paris. Elle est actuellement maître de conférences à l'université catholique de Louvain et enseigne à Sciences Po Paris.