Harley-Davidson prend le virage de la modernité
La marque mythique américaine s'est lancée dans une opération reconquête de grande envergure, pour briser les codes et constituer sa prochaine génération de motards.
Je m'abonneLa légende ne roule plus sur l'or. Dans un climat de morosité ambiante entre la baisse sensible de ses ventes (-6,7 % en 2017) et les mesures protectionnistes de Donald Trump en août 2018 - autour des taxes sur les importations d'acier et d'aluminium -, le constructeur de Milwaukee se trouve au carrefour stratégique de ses ambitions. La génération des baby-boomers, désormais vieillissante, ne permettant plus à la firme américaine de soutenir la comparaison face aux poids lourds japonais (Kawasaki, Suzuki et Honda), le virage était donc inévitable : "Depuis 2018, nous avons mis en place une nouvelle stratégie mondiale "More Roads to Harley-Davidson" sur 10 ans, pour renouveler les générations de motards. Nous souhaitons nous adresser autant aux jeunes, qu'aux femmes et aux urbains", assure Xavier Crépet, directeur marketing et communication pour l'Europe du sud-ouest (France, Italie, Espagne et Portugal) d'Harley-Davidson.
Si l'âge moyen d'achat d'un client est passé de 47 ans en 2010 à 45 ans en 2018, la 93ème marque la plus puissante du monde poursuit sa volonté d'attirer de nouveaux bikers, en investissant massivement sur des gammes plus abordables : "De nouvelles motos qui tranchent avec ce qui se faisait auparavant, avec des modèles plus légers, plus compacts et plus accessibles", poursuit Xavier Crépet.
Incarnée, à travers des films cultes comme Terminator, Captain America, et des icônes telles que Marlon Brando ou Johnny Hallyday, Harley-Davidson est une marque qui se vit à longueur de journée par ses fervents bikers. La chanson de Brigitte Bardot en 1967 aux airs de "Je n'ai besoin de personne, en Harley Davidson, je n'reconnais plus personne en Harley-Davidson", n'a pas pris une ride, restant une chanson culte de la variété française : "La motivation d'achat n'est pas d'acquérir une moto, mais de rejoindre la légende et d'avoir un bout de liberté, ce qui n'a pas de prix", glisse le directeur marketing et communication pour l'Europe du sud-ouest.
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Le grand virage "écolo"
Sans renier ses origines historiques et de grandeur, la marque iconique qui fête en 2018 ses 115 ans, redouble d'imagination et d'innovations, pour sortir de son cadre habituel : "Tout en conservant notre ADN, nous avons voulu mettre l'accent sur des motos plus agiles, plus écologiques, répondant aux questions sociétales du moment". Et pour preuve, Harley-Davidson met le cap en 2019 sur l'électrique, avec une première gamme, appelée LiveWire, qui sera la première moto électrique de type grosse cylindrée (750 cm3). Une révolution : "Nous sommes une marque dynamique, futuriste. Le lancement de la prochaine moto électrique abonde dans ce sens et devrait nous ouvrir un champ d'action très intéressant. C'est une belle moto, facile d'utilisation, performante, qui correspond à la jeunesse actuelle. Le temps du thermique est compté", relève Xavier Crépet, arrivé au sein de l'entreprise en 2008.
Fondée sur un art de vivre spécifique, la marque de deux-roues a enclenché la vitesse supérieure pour devenir légitime aux yeux de tous, avec l'objectif affiché de sortir des clichés du biker barbu et tatoué : "Mon travail au quotidien est de sortir de cet esprit clinique, fermé que peut avoir le grand public, à savoir qu'Harley-Davidson n'est pas forcément une valeur de richesse, ou d'avoir cinquante ans et des tatouages partout. Avec les nombreuses gammes que nous avons et les démarches de paiement qui peuvent être étalées sur plusieurs mois ou années, il est possible de s'offrir une Harley-Davidson à moindre coût (Ndlr : son prix oscillant entre 7 000 et 42 000 euros)".
Priorité donnée à l'événementiel
Pour élargir son cercle, autour d'une clientèle jeune et urbaine, Harley-Davidson France a opéré un premier virage en septembre 2018, en nouant un partenariat avec le CER, réseau d'auto-écoles et de centres de formation : "Réaliser son rêve en Harley-Davidson, c'est permis. L'objectif de ce rapprochement est d'inviter les futurs motards à passer leur permis avec une Harley-Davidson dans un centre C.E.R, via des modèles adaptés au permis A2, mais également de pousser l'attractivité du permis à ceux qui rêvent de rouler en Harley-Davidson. Aujourd'hui, la marque propose 19 modèles éligibles au permis A2, qui répondent aux désirs de la nouvelle génération", se félicite Xavier Crépet.
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Désireuse de séduire au-delà des frontières, la marque multiplie sa présence sur de grands événements, susceptibles de dénicher les futurs motards : le Mondial du Tatouage, le Hellfest Festival, ou encore le Morzine Avoriaz Harley Days 2019. "Nous croyons vraiment à l'événementiel, cela nous permet de montrer qui nous sommes et ce dont nous sommes capables. C'est l'une des grandes priorités marketing de la marque", clame le professionnel. La firme américaine s'appuie sur un réseau local puissant, le Harley Owners Group (HOG), premier réseau social au monde grâce à son maillage d'un million de membres : "Les motards qui sont attachés à Harley-Davidson, profitent du HOG pour rouler ensemble, faire vivre la marque", poursuit-il.
L'ouverture de nouvelles concessions en 2019, qui s'ajouteront aux 56 concessionnaires déjà existants, justifie la dynamique de la marque, qui affichait 8 197 immatriculations dans l'Hexagone en 2017 : "Nous avons un maillage très fort de concessionnaires avec un gros potentiel pour les années à venir, puisque nous espérons chaque année gonfler notre présence, autant dans les grandes métropoles que dans des villes moyennes", explique Xavier Crépet. Justement l'année 2019 sera riche, avec le lancement d'un tour européen de la moto électrique à travers plusieurs grands centres urbains (Paris, Barcelone, Milan) et son arrivée sur l'e-commerce. De quoi conduire à concurrencer les marques Ducati et BMW sur le marché européen, et devenir à terme "la Tesla de la moto", ose Xavier Crépet.
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