Comment séduire les 600 millions d'acheteurs d'Asie du Sud-est
Pour pénétrer le marché de l'Asie du Sud-est, il est nécessaire de comprendre les usages des consommateurs locaux en matière de paiement, lesquels varient d'un pays à l'autre. Décryptage avec Philippe de Passorio, directeur France Adyen, spécialisé dans les paiements multicanaux.
Avec une population totale de plus de 600 millions de personnes, une économie en développement rapide et l'adoption croissante du numérique, l'Asie du Sud-est est le prochain eldorado des marchands. Appréhender cette région très fragmentée s'avère néanmoins compliqué: elle abrite une multitude de cultures, de langues et de réglementations diverses, sans parler du fossé qui sépare les pays développés comme Singapour des pays en développement, tels que la Thaïlande ou les Philippines. La clé pour réussir à atteindre les acheteurs de Bangkok à Makassar? Une bonne compréhension des comportements d'achat locaux, notamment en matière de paiement.
Un marché qui approche son point d'inflexion
Aujourd'hui, le commerce électronique représente moins de 3% du total des ventes à travers l'Asie du Sud-est, ce qui peut sembler dérisoire par rapport au 14% de la Chine et des États-Unis. Mais ce n'est que le début et le marché devrait croître de 25% par an, smartphones en tête. Aujourd'hui, environ 250 millions d'Asiatiques du Sud-est utilisent un smartphone, soit 292 millions d'ici à 2020. Une belle opportunité pour les détaillants qui proposent une expérience d'achat mobile optimisée.
L'Asie du Sud-est se caractérise par une vaste gamme d'options et de préférences de paiement. Dans des pays tels que le Vietnam, l'Indonésie ou la Thaïlande, où le taux de pénétration de la carte bancaire est faible, les espèces dominent, tandis que les Singapouriens utilisent des cartes autant que les Européens. Le manque de sécurité perçu dans la région y rend les acheteurs réticents à communiquer les informations relatives à leur carte et plus enclins à favoriser les méthodes hors ligne telles que les paiements par GAB (transfert de fonds d'un compte à un autre par l'intermédiaire d'un guichet automatique), via systèmes bancaires en ligne ou directement en magasin.
Toutefois, les méthodes de paiement mobiles telles que les cartes prépayées ou les portefeuilles électroniques se développent dans la région en raison de l'utilisation accrue du smartphone. Ce dernier s'impose comme le principal moteur de la croissance du commerce électronique en Malaisie et en Thaïlande, tandis que les Philippines comptent depuis longtemps parmi les utilisateurs de smartphones les plus prolifiques au monde. Pour décrypter ce paysage diversifié, il est impératif de se pencher sur chaque marché individuellement.
Singapour: la passerelle vers l'Asie du sud-est
Le shopping est le passe-temps national de Singapour, et cet enthousiasme s'étend aux achats en ligne. Le commerce électronique y est le plus actif de la région, avec 55% d'achats transfrontaliers, et les paiements mobiles sont monnaie courante: 30% des shoppers réalisent un achat sur leur mobile au moins une fois par semaine. L'utilisation de la carte de crédit reste prédominante et les Singapouriens, qui ont tendance à en détenir plusieurs, sont d'importants acheteurs en ligne.
Indonésie, Malaisie, Thaïlande et Philippines : tremplins pour le commerce mobile
- Indonésie
Les modes de paiement favoris sont le GAB, les paiements en magasins et les virements bancaires en ligne. L'Indonésie est très réglementée et assez fermée aux paiements transfrontaliers et la monnaie locale (la roupie indonésienne) ne peut pas être rapatriée. Une entité locale est généralement nécessaire pour traiter les paiements.
- Malaisie
Les modes de paiement privilégiés sont les espèces et les virements bancaires en ligne. La Malaisie impose des contrôles réglementaires financiers très stricts mais elle est ouverte aux achats transfrontaliers. Cela permet aux acheteurs et aux détaillants internationaux de traiter les paiements transfrontaliers sans frais d'émission à l'étranger et les commerçants qui utilisent cette méthode ne sont pas touchés lors du voyage du ringgit malaisien (qui est une monnaie non convertible). Il est également intéressant de mentionner que les acheteurs locaux aident à lutter contre la fraude avec 3D Secure.
- Thaïlande
Les virements bancaires en ligne et les espèces sont aussi les choix les plus populaires en Thaïlande, mais plus de la moitié des acheteurs en ligne aime également faire des achats sur les réseaux sociaux. La réglementation thaïlandaise est minimaliste. Par conséquent, les paiements nationaux et transfrontaliers peuvent se faire très facilement. Contrairement à l'Indonésie ou la Malaisie, il n'y a pas de restrictions monétaires sur les règlements effectués à l'extérieur du pays.
- Philippines
Les portefeuilles électroniques, les transferts en ligne, les transferts OTC et les magasins de proximité y sont les méthodes les plus répandues. Les paiements par carte transfrontaliers peuvent être traités gratuitement, mais les méthodes de paiement locales doivent également être proposées aux commerçants internationaux. Les taux d'autorisation et les taux de conversion ont également tendance à être plus faibles aux Philippines.
Comme pour tout nouveau marché, il est essentiel de bien comprendre sur le terrain où va la préférence des utilisateurs. Prendre en charge les méthodes de paiement locales permet de proposer une meilleure expérience client et de multiplier les conversions. À titre d'exemple, les consommateurs asiatiques se sont récemment amourachés d'une solution de paiement par réseau social proposée par la plateforme tentaculaire WeChat. Ce réseau social qui comptabilise aujourd'hui plus de 600 millions d'utilisateurs actifs par jour en Chine, et 70 millions ailleurs dans le monde, permet non seulement d'effectuer des achats mais aussi de gérer ses comptes bancaires ou même de cotiser pour son assurance santé. Il est crucial de comprendre dans chaque pays les attentes des consommateurs en termes de paiement, à l'instar de WeChat, pour réussir à séduire ces prochains 600 millions de clients.
Directeur France d'Adyen, licorne européenne spécialisée dans les paiements internationaux et multicanaux, Philippe de Passoria conduit la croissance de l'entreprise sur le marché français et entend démocratiser le paiement du futur auprès des marchands français. Titulaire d'une double formation scientifique et commerciale, il a travaillé auparavant dans les secteurs des nouveaux médias et de la réalité augmentée, en tant que country manager de Yume en France, directeur général de Total Immersion à Hong-Kong et fondateur de Stampeo, plateforme marketing digitale B to B.
Pour aller plus loin:
Teads lève 43 millions d'euros pour conquérir l'Asie
Sur le même thème
Voir tous les articles Social media