Produits frais, Bio, MDD, grandes marques... les gagnants et les perdants de la flambée de l'inflation
Face à l'inflation record enregistrée au mois de mai 2022 (augmentation des prix à la consommation de 0,7 % sur un mois et de 5,2 % sur un an selon l'Insee) comment réagissent les consommateurs ? « Le poste budgétaire consacré aux dépenses alimentaires reste relativement préservé car si les prix de l'énergie explosent, ceux de l'alimentation augmentent, mais moins rapidement. De plus il est impossible de renoncer aux postes essentiels, les premiers arbitrages se font donc sur des pôles non-essentiels, » analyse Gaëlle Le Floch, directrice des idées stratégiques pour Kantar Worldpanel
Une baisse de 3,2 % des dépenses alimentaires
Dans un contexte inflationniste qui se durcit sur les marchés de la grande consommation, les ménages français ont nettement réduit la voilure de leurs achats et de leurs dépenses de produits grande consommation sur le mois de mai. Le panel Kantar révèle une baisse de 3,2 % des dépenses alimentaires sur la période du 18 avril au 15 mai 2022 (vs même période de 2021).
Au sein du marché des PGC (produit de grand consommation), la diminution est plus forte sur l'hygiène/beauté par exemple, car si les consommateurs ne sont plus habitués aux périodes d'inflation, les confinements liés au Covid ont instauré de nouvelles habitudes, qui se traduisent par un maintien à des niveaux bas des dépenses habillement/hygiène/beauté ou de sorties culturelles.
Une chute des dépenses pour le frais traditionnel
Les marchés frais traditionnels enregistre la baisse la plus importante et la plus inquiétante, de l'ordre de 11,8 % en volume. « Ce sont les ménages modestes qui décrochent très nettement, en particulier sur les marchés de la viande, des fromages, de la charcuterie traditionnelle et des légumes dans des proportions spectaculaires : - 33 % pour la charcuterie, - 26 % pour les fromages. Il s'agit ici non pas d'un problème d'offre, soit un manque de produit faisant augmenter les prix, mais d'une situation d'arbitrage sur des aliments considérés comme chers et non-essentiels » explique Gaëlle Le Floch.
Autre victime du contexte inflationniste, le bio décroche avec des dépenses en baisse de 11 % tant chez les classes modestes que chez les classes aisées, son coeur de cible historique. Ce marché subit la concurrence d'offres alternatives moins chères, car le prix a toujours été un frein à sa consommation, et se renforce dans un contexte de hausse des prix.
Une inflation qui ne s'accompagne pas encore d'un report sur les MDD (marque de dsitributeur)
La baisse au global du marché des PGC reste très contenue en volume (- 2,4 %), car certaines catégories de fond de placard bénéficient de phénomènes de stockage par les foyers pour leur consommation à domicile. La baisse est encore moins marquée en valeur (- 1,2 %) à cause de la hausse des prix.
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Par exemple, face à la crainte d'une pénurie de moutarde par exemple, les foyers continuent à stocker en achetant quasi 14 % de moutarde en plus qu'en 2021 sur la même période, et se reportent sur des produits hauts de gamme faute de choix, tant pour les foyers aisés que les foyers modestes. Sur avril/mai, une hausse des achats de plats cuisinés, à + 4 % est également particulièrement visible chez les plus modestes (+ 16 %), qui ont réduit leurs achats de produits frais et cuisinent moins.
Avec le télé-travail, le Fait-Maison recule à court terme, tandis que la recherche de gain de temps et de praticité reprend le dessus, et sans doute aussi l'envie de se faire plaisir à moindre frais dans ce contexte anxiogène. Les foyers continuent aussi à stocker les pâtes (surtout les classes aisées), mais de façon plus modérée qu'en avril. Un report à date sur les MDD n'est pas encore observable.
La PDM (part de marché) valeur plafonne à 29%, à l'exception des MDD économiques qui gagnent 0,2 pt de PDM. Il n'y a également toujours pas de report massif sur les EDMP (Enseigne à Dominante Marques Propres). Cependant, les enseignes comme Lidl ou Aldi se portent bien, elles gagnent chacune +0,3 pt de PDM depuis le début de l'année (jusqu'au 15 mai 2022). Elles ont amélioré leur image, communiquent sur la qualité des produits frais, ont rénové leurs magasins, lancé des plans de fidélisation et sont très attractives grâce à leurs programmes promotionnels sur le non alimentaire.
Les consommateurs déclarent avoir l'intention d'avoir davantage recours aux promotions dans les semaines à venir, mais ce n'est pas encore constaté non plus dans les actes d'achats ; les dépenses réalisées sous promotions déclinent légèrement (- 1,7 % en CA P5 2022 vs P5 2021 sur les promos relayées en prospectus), mais moins fortement cependant que celles réalisées en fond de rayon.
Les actifs et retraités de plus en plus touchés par l'inflation
Si 13 % des inactifs et des actifs précaires (foyers dits « Vulnérables ») affirment ne pas s'en sortir, cette perception de baisse du pouvoir d'achat est en recul de plus de 6 points comparé à P4 2022. A contrario les actifs et les retraités (foyers dits « Pragmatiques ») semblent un peu plus inquiets que lors de la précédente période, 0,7 point de plus à P5 2022 vs P4 2022. Si les foyers « Vulnérables » restent les plus pessimistes quant à leur situation financière, ce sentiment tend de plus en plus à décroître comparé aux périodes précédentes. Ils sont tout de même 26,5 % à penser que leur situation financière va se dégrader au cours des 12 prochains mois. Ils étaient 28,4 % à le penser à P5 et 29,4 % à P3. Enfin, concernant les achats plaisir, 22,3 % des "Vulnérables" n'ont pas du tout envie de se faire plaisir quand ils font leurs courses de produits courants contre seulement 5,1 % chez les "Préservés" (urbains et des retraités épanouis).
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