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[Paris retail week] Vous avez dit Responsive Retail ?

Publié par AMELLE NEBIA le
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La livraison des achats en ligne : toujours plus vite ?


Les acteurs du commerce ont dans l'ensemble pris conscience de cet état d'impatience qui caractérise leurs clients. Dans le commerce en magasin, il induit le souci d'éviter à tout prix les ruptures de stock. Dans le e-commerce, il nourrit une concurrence, non seulement sur la disponibilité des produits, mais aussi sur le délai de livraison. Accéder plus vite à ses achats (et en s'épargnant les frais de livraison) est l'un des ressorts de la diffusion à grande vitesse des diverses formules de click & collect. La livraison en 24h est l'un des arguments des formules Premium d'Amazon ou Express+ de la Fnac. Aux Etats-Unis, Amazon, Google et eBay sont engagés dans une compétition féroce pour la livraison à domicile en quelques heures... Mais quelles sont en réalité les attentes des consommateurs en matière de délai de livraison ?

Les réponses fournies par nos répondants viennent tempérer cette fuite en avant dans le raccourcissement des délais. Certes, seulement 19% des consommateurs interrogés estiment que la livraison en une semaine (à domicile ou en point relais) est la formule qui correspond le mieux à leur besoin (auxquels il convient d'ajouter les 26 % qui retiennent cette formule comme leur second choix) ; mais il n'y a que 11 % de répondants qui retiennent la livraison en moins de 4 heures (27 % si on y ajoute ceux qui en font leur second choix) ! C'est encore la formule de la livraison en 48 heures qui recueille le plus grand suffrage (37 %), suivie de près de la livraison en 24 heures. L'impatience à ses limites, surtout lorsqu'elle a un prix !

Mais gardons-nous de tirer de ces résultats des conclusions définitives : les préférences déclarées sont souvent le reflet de ce qui constitue à un moment donné une convention, une norme. Il conviendra de vérifier dans l'avenir la stabilité de cette norme, notamment lorsque, avec l'entrée du e-commerce en phase de consolidation, la réduction des délais de livraison (et la maîtrise de son coût) s'installera au coeur des modalités de la concurrence sur le marché du e-commerce.

Le showrooming

L'équipement numérique des consommateurs couplé au désir de maîtrise de la relation marchande et à une mobilité croissante dans l'espace virtuel aussi bien que physique nourrissent une pratique qui ne manque pas d'inquiéter les distributeurs : le showrooming, c'est-à-dire le fait de faire son choix dans un point de vente physique (en bénéficiant du contact avec le produit, des conseils du vendeur...) pour finalement conclure l'achat ailleurs. Notre enquête révèle que le showrooming est d'ores et déjà bien installé :

52 % des personnes interrogées reconnaissent s'y être adonnées au moins à une occasion au cours des 12 derniers mois !

Si cette pratique est relativement bien partagée au sein de la population, elle est particulièrement présente chez les jeunes (57 % chez les 25-34 ans, et 69 % sur les 18-24 ans) que l'on sait particulièrement appétants à l'égard des nouvelles technologies et prompts à adopter de nouveaux usages. Cet effet d'âge n'est probablement pas étranger au fait que le showrooming soit très répandu auprès des bas revenus (plus de 80 % chez les moins de 2 500 € par mois), mais on peut aussi voir là l'effet d'une contrainte budgétaire particulièrement tendue sur la propension à déployer des comportements d'achat malin.

Le showrooming profite essentiellement au e-commerce, la démarche la plus courante consistant à passer commande, après la visite au magasin, sur un site internet concurrent. 5 % des répondants, soit un peu moins de 10 % des " showroomeurs ", reconnaissent même avoir commandé en ligne sur un site concurrent du magasin même à l'aide de leur smartphone ! Cette part s'élève à 9 % chez les 18-25 ans. Notons néanmoins que le showrooming alimente également la concurrence entre points de vente physiques : 12,5 % des répondants (soit près d'un quart des personnes qui se livrent au showrooming) ont finalisé leur parcours d'achat dans un magasin concurrent.

Il y a tout lieu de penser que le showrooming est une pratique destinée à se diffuser encore : l'équipement des Français en smartphone s'impose comme une norme, l'accès au wi-fi ou à la 3 ou 4G au sein des espaces commerciaux se généralise, et l'effet d'âge observé dans cette pratique laisse attendre un mécanisme classique de contagion. On comprend l'effet potentiellement dévastateur que la diffusion de telles pratiques pourrait avoir sur le modèle économique traditionnel du commerce de détail : quel distributeur consentira encore à subir les coûts de mise en scène de l'offre et de conseil des consommateurs si c'est pour que la vente se fasse auprès d'un concurrent qui, n'ayant pas engagé ces coûts, serait en mesure d'afficher des prix plus compétitifs ? Il y donc urgence à mettre en place la parade.

La mauvaise réponse est très certainement celle qui consiste à brouiller l'accès à Internet du point de vente. Une voie plus prometteuse réside dans l'amélioration de l'expérience dans le point de vente, visant notamment à favoriser un état émotionnel chez le client de nature à désamorcer sa pure rationalité économique, mais aussi dans l'action d'un personnel de vente capable de mener la transaction jusqu'à son terme. Mais l'arme fatale contre le showrooming est ailleurs : elle réside pour l'enseigne dans une offre exclusive qui lui assurera la maîtrise de ses prix sur l'ensemble des canaux. Le showrooming, et plus généralement l'intensification de la concurrence par les prix induite par la transparence apportée par Internet, vient ainsi renforcer une tendance également nourrie par d'autres forces : le dépassement du modèle traditionnel du distributeur qui vend les marques de ses fournisseurs que l'on retrouve à l'identique chez ses concurrents, en faveur du modèle de la marque enseigne dans lequel chaque enseigne élabore son offre dont elle s'assure le monopole.

S'adapter aux comportements d'achat malin, répondre sans délai et de manière multicanal aux attentes de consommateurs impatients et zappeurs, reconnaître l'hétérogénéité des attentes et réussir la " démassification " de la relation commerciale au profit d'une plus grande personnalisation qui prend en compte les ressorts symboliques de la consommation... voici quelques-uns des formidables défis que notre époque lance aux enseignes. Le mouvement vers un " responsive retail " est engagé... mais la route est longue et elle conduira à une réinvention du commerce.

Philippe Moati

AMELLE NEBIA

AMELLE NEBIA

Chef de Rubrique

Chef de rubrique Marketing Magazine et emarketing.fr. En veille sur le retail, la consommation, le marketing produit food, les formations [...]...

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