Une rentrée sous tension pour les directeurs marketing
Le seul moteur de la croissance, la consommation, va-t-il caler ? Pour la rentrée, Emarketing a demandé à des experts leurs anticipations. Résultat : les marques doivent s'adapter aux nouveaux modes de consommation (partage, consommation collaborative). Découvrez leurs analyses et leurs conseils.
Chaque année, lors de la rentrée scolaire (et politique), les conjoncturistes se livrent à l’exercice délicat de prévoir l’évolution de la consommation. En 2012, l’exercice est particulièrement de mise. Car le seul moteur de la croissance française, la consommation, pourrait bien caler en ce deuxième semestre.
Pour lancer le débat, Emarketing.fr a demandé à deux instituts (TNS Sofres et Xerfi) ainsi qu’à plusieurs responsables marketing ou chefs d’entreprises leurs prévisions. Résultat : la tonalité est sombre, même si tous nos interlocuteurs soulignent que cette crise, plus longue que les précédentes, porte en elle les germes de nouveaux modes de consommation. Donc de nouvelles opportunités pour ceux qui ont précisément en charge la politique marketing des entreprises d’adapter leurs offres (prix, services, innovations). Voici les réflexions qu’ils nous ont livrées.
La rentrée selon Édouard Lecerf, directeur Général TNS Sofres
"Cette rentrée va s’effectuer, prédit Édouard Lecerf, directeur général TNS Sofres, sous le signe de la prudence et de l’attentisme du point de vue du consommateur. L’enquête mensuelle de conjoncture de l’Insee réalisée en juillet 2012 donne quelques indications — pas forcement réjouissantes — sur différentes dimensions relatives au moral et aux perspectives des ménages. Il en ressort une baisse de l’indicateur "d’opportunité d’effectuer des achats importants", la chute la plus importante (en variation) depuis novembre 2007 de l’opinion sur "le niveau de vie futur en France", nourrie notamment par une anticipation plus marquée de l’augmentation du chômage et des anticipations en matière d’inflation qui repartent à la hausse après sept mois de baisse. Ces consommateurs, qui ont, d’une certaine manière, appris à "faire avec la crise" (notamment à travers l’importance plus grande donnée à la valeur d’usage, de service) vont attendre de la part des entreprises et des marques une capacité à les accompagner dans toutes les dimensions de cette nouvelle manière de consommer (proximité, simplicité, transparence).
La rentrée selon Alexandre Mirlicourtois, directeur des études économiques du groupe Xerfi
En substance, Xerfi prévoit un recul de 0,3 % de la consommation des ménages (en volume) au deuxième semestre 2012 après une stagnation au premier semestre. "Pouvoir d’achat en baisse, environnement économique anxiogène, tout pousse les Français à dépenser moins et à épargner plus, explique Alexandre Mirlicourtois, directeur des études économiques du Groupe Xerfi. Une propension à l’épargne d’autant plus rapide et forte que chacun se prépare à l’annonce du véritable tour de vis fiscal. Pas étonnant, dans ce contexte, que les dépenses des ménages aient reculé au deuxième trimestre. Cela aurait été le cas au premier trimestre si la météo ne s’en était pas mêlée (hiver exceptionnellement long). Mais l’orientation est claire, la tendance est dans le rouge. Et la donne ne changera pas rapidement. La consommation, principal moteur de la croissance ces dernières années, est en panne durable."
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La rentrée selon Nelly Brossard, directrice générale d’Amaguiz (filiale de Groupama)
"C’est une crise plus durable et plus profonde qu’en 2009. Il n’est pas exclu que nous entrions en récession fin 2012, voire début 2013. C’est un nouveau cycle, qui affectera durablement les comportements, compte tenu notamment de l’accroissement du nombre de chômeurs « longue durée ». On assiste à de véritables ruptures dans les modes de vie.
Amaguiz, pionnier de la vente directe d’assurance sur le Net, intervient sur un secteur où les dépenses sont obligatoires ou recommandés : l’automobile, mais aussi la santé (certains consommateurs en viennent à ne plus prendre de complémentaire santé) ou encore le logement. Nous avons subi, au premier semestre, les contrecoups de la crise de l’automobile. Mais avec notre politique low cost, notre écoute client et nos innovations, nous continuons à gagner des parts de marché.
En 2009, on achetait malin, on cherchait les meilleurs prix grâce aux comparateurs. Aujourd’hui, on échange, on partage, on loue, on se groupe pour acheter. C’est le phénomène Groupon (achats groupés) ou Airbnb (plateforme de location d’appartements entre particuliers-1-). On se regroupe même pour acheter des places de cinéma ! Les jeunes adoptent le covoiturage pour se payer des week-ends sympas. Dans cette conjoncture difficile, il devient capital de se différencier par les prix et l’innovation. C’est pour cette raison que nous avons lancé notre offre 'pay as you drive', où l’assurance est tarifée en fonction du nombre de kilomètres parcourus. Pour réduire les dépenses, soit on met en œuvre des forfaits (téléphonie), soit on paye les services à la consommation ou à l’usage ."
La rentrée selon Patricia Trinquand, responsable pôle marketing et communication opérationnelle UCPA
"Nous restons prudents car nous sommes sur un marché extrêmement chahuté. De nombreux opérateurs du secteur du tourisme rencontrent de grosses difficultés. Toutefois, les deux dernières saisons d’hiver et d’été nous ont montré que l’on pouvait maintenir un certain niveau de croissance, même dans un contexte difficile, en faisant preuve de réactivité, de créativité, d’adaptabilité et en proposant des produits à des prix accessibles et un excellent rapport qualité/prix. Nous abordons donc la rentrée avec un certain degré de confiance… tout en restant très vigilants. La seule cible sur laquelle nous pouvons vraiment être inquiets est la cible 18/25 ans et, en particulier, les étudiants. Elle est particulièrement touchée par la crise depuis de nombreuses années et les annonces récentes des médias, notamment sur le coût des études et des loyers, nous envoient des messages plutôt négatifs."
Consommation : les prévisions de Xerfi
Évolution trimestrielle de la consommation des ménages en volume (prix 2005)
mars-11 0,0 %
juin-11 -0,8 %
sept-11 0,2 %
déc-11 0,0 %
mars-12 0,1 %
juin-12 -0,2 %
Prévisions Xerfi : sept-12 -0,2 %
déc-12 0,0 %
Source Insee et Xerfi.
Si vous souhaitez, vous aussi, nous faire part de vos anticipations sur le second semestre et de vos projets pour réagir à la crise, envoyez-nous votre contribution à reveno@editialis.fr.
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