[Débat d'expert] Le native advertising est-il efficace ?
S'il représente l'opportunité pour les agences, annonceurs et éditeurs de renouveler une offre publicitaire qui s'essouffle, son intégration dans le fond comme dans la forme au contenu éditorial brouille les frontières entre information et communication.
- POUR
Le native advertising est un moyen de communiquer et de s'adresser au consommateur différemment. Les marques ont une histoire, des valeurs, un patrimoine, des contenus à mettre en avant. Autant d'éléments qui ne peuvent pas être retranscrits via un simple message publicitaire. Le rôle des native ads est de mettre en scène tous ces éléments et d'intégrer ce message via une exécution programmatique, c'est-à-dire de moduler la présentation de tel ou tel élément en fonction du type d'audience auquel on a affaire.
Internet souffre d'un encombrement publicitaire qui rapporte de moins en moins aux éditeurs et d'un manque de valorisation du média. La publicité native permet à l'annonceur de s'extraire de ce ghetto publicitaire. Elle lui permet d'échapper à la banalisation des réclames, d'intégrer son message à un flux d'expérience et de lecture contextualisé et, in fine, de bénéficier d'une variété d'expression plus grande. Un lien texte en bas de page, un bloc en haut de page, un publi avec une accroche en page d'accueil d'un site web... le native advertising, c'est tout cela à la fois.
Il s'agit, avant tout, d'un mode d'expression et de prise de parole qui doit être géré avec discernement. Tous les produits n'y trouveront pas forcément leur place. Et il est souvent plus facile de scénariser le lancement d'un produit high-tech que d'un nouveau sandwich. Le native advertising offre une flexibilité multiécran. Il tire parti de la crédibilité du support qui l'accueille, de l'engagement et de la proximité entre le lecteur et ce support.
Tout le monde s'y retrouve. Les annonceurs, qui peuvent communiquer plus et différemment. Les éditeurs de sites, qui proposent des espaces à monétiser. Et les agences, avec toute l'industrie du brand content et du storytelling.
- CONTRE
Caroline Marti de Montety, maître de conférences au Celsa-Paris-Sorbonne : "Le risque de perdre son identité"
Si les médias papier ont toujours su dissocier, en apparence, le publicitaire de la production journalistique, sur Internet, le lecteur est habitué à avoir une sorte d'hybridité des prises de parole. Des blogueurs, des journalistes qui s'expriment hors support, des non-journalistes qui s'expriment comme des journalistes... en ligne, le statut de la personne qui s'exprime n'est pas toujours très clair. Il y a un brouillage de l'énonciateur qui est inhérent au Web. Tout cela forme un terrain propice à des actions marketing d'un nouveau type, à de nouvelles formes de prises de parole, comme le native advertising.
En cela, ce dernier participe d'un phénomène de dépublicitarisation du message. Sur beaucoup de sites, on retrouve un mélange de rédactionnel et de textes liés à des marques. De la même couleur, voire de la même police de caractères?: mais il y a toujours un indice qui permet d'identifier l'origine du contenu. C'est une obligation pour préserver un lien de confiance avec le lecteur. Le native advertising est une bonne occasion de renouveler une offre publicitaire qui s'essouffle. Pour les annonceurs, il s'agit de faire passer un message sans être rejeté. En étant hébergé dans un média, le native advertising bénéficie de la crédibilité de ce média et de son audience.
Si ce virage éditorial est mal négocié, cela peut induire, pour le support, un risque de perte d'identité. Mais la réalité est cruelle. En pratique, les internautes s'en moquent bien souvent. Pour eux, il existe un rapport d'expérience et d'utilité des contenus, si bien qu'ils ne se posent pas forcément la question du statut de l'énonciateur. Grâce au native advertising, les marques cherchent à faire passer dans l'espace public un message sur un patrimoine, ou sur des valeurs, sans que celui-ci n'ait l'air publicitaire.
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