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Arnaud Belloni, Global CMO de Renault : "Pour créer une marque forte, il faut un plan produit fort"

Renault, marque patrimoniale qui fêtera ses 125 ans l'année prochaine innove et poursuit sa montée en gamme, dans un secteur de l'industrie automobile en pleine mutation. Les ambitions et les grands enjeux marketing de Renault, expliqués par Arnaud Belloni, Renault Global CMO & Chief Branding Officer for All Brands.

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Arnaud Belloni, Global CMO de Renault : 'Pour créer une marque forte, il faut un plan produit fort'
© Corentin Mossière

Quelle est la perception de Renault auprès des Français, est-ce toujours une marque populaire ?

Renault est très ancrée dans la culture populaire française. C'est indiscutable. Il existe un lien très particulier entre Renault et la France, puisque Renault a été très longtemps une régie nationale qui a joué un rôle de modèle social. Renault a vendu des modèles devenus iconiques, comme la Renault 5 et la Renault 4. Et puis la marque a lancé des sagas à succès telles que Clio, Espace, Scénic, Mégane. Renault est très ancrée dans la culture populaire sportive également. Avec le Tour de France, les années Bernard Hinault, avec le losange sur le maillot. La Formule 1 avec Alain Prost, Jean-Pierre Jabouille, René Arnoux, Ayrton Senna et bien d'autres pilotes, bien sûr. La marque a aussi dit pendant longtemps en message publicitaire, "des voitures à vivre". Ce lien très particulier entre les Français et Renault, les rend aussi assez exigeants envers la marque.

Justement cette perception évolue-t-elle dans la durée ?

Dans le sondage Ifop pour Eight Advisory (octobre 2022), qui classe les entreprises françaises les plus admirées, Renault s'est hissé à la 5e place et gagne deux places par rapport à 2021. On note une très forte amélioration de l'image dans toutes les études et notamment chez les plus jeunes. Renault est l'un des ces marques françaises qui rayonne partout dans le monde. D'ailleurs, le top 15 des marchés du groupe Renault en 2022, est la France, l'Allemagne, l'Italie, la Turquie, le Brésil, l'Espagne, l'Inde, le Royaume-Uni, le Maroc, la Corée du Sud, la Roumanie, la Colombie, la Pologne, la Belgique et le Luxembourg et enfin, l'Argentine. Cela montre bien notre rayonnement international !

L'industrie automobile vit de grands bouleversements. Quels sont les grands défis à venir ?

L'enjeu du secteur automobile est double. Nous faisons face à une forte transformation du secteur mais aussi du métier. Nous sommes en train de passer d'un modèle de "Car Company" à un modèle de "Tech Company". Le rôle de la technologie dans l'automobile est clé aujourd'hui, que ce soit concernant l'électrification ou l'hybridation. Et l'électrification est l'un des points forts de Renault. Nous avons commercialisé en France le véhicule Zoé il y a plus de 10 ans. Parier sur ce véhicule était visionnaire et inspire le plus grand respect. Aujourd'hui nous en tirons de grands bénéfices technologiques et d'expérience. C'est pour cela que nous sommes l'un des meilleurs acteurs de l'électrique. Nous avons développé un label baptisé E-Tech, (Electric Technology), une marque ombrelle qui nous permet de regrouper trois technologies dans l'électrique, le 100 % électrique, l'hybride, et l'électrique rechargeable.

Quelle est votre vision du marketing de la marque Renault ?

L'ambition est de faire de la marque Renault une marque forte. C'est-à-dire une marque que les gens aiment et respectent... Pour créer une marque forte, il faut avoir un plan produit fort et bien le mettre en scène. Depuis trois ans nous sommes en train de renouveler l'offre produits avec un mouvement de bascule du segment des citadines vers des modèles compacts et du segment supérieur.

Est-ce à dire que la marque Renault monte en gamme ?

Absolument. Et nous sommes très bien accompagnés par le plan produit puisque nous avons lancé avec succès Mégane E-Tech 100 % électrique, Austral, Arkana, Espace, et plus récemment Rafale, notre nouveau SUV coupé... sans compter les nouveaux modèles que nous allons révéler prochainement. L'idée du marketing est bien sûr de sublimer ces lancements. Nous le faisons autour des cinq valeurs clés de la marque. Son côté chaleureux, parce que Renault est une marque latine. Son côté militant, parce que les Français sont engagés par nature. L'aspect humain parce que la marque des voitures à vivre mais aussi la modernité et l'excellence qui accompagnent notre montée en gamme...

Avez-vous une méthode de travail spécifique dans votre approche du marketing ?

Nous nous appuyons sur les cinq valeurs que je viens de citer. Ensuite nous travaillons un triptyque. D'abord le "brand power", c'est-à-dire la puissance de la marque. Ensuite, la capacité de la marque à être porteuse de sens. Enfin son aptitude à sortir du rang, en anglais à être "stand out", c'est dire singulière, originale, différente.

Vous avez fait un gros travail pour moderniser le logo de Renault il y a deux ans. Les résultats sont-ils à la hauteur de vos attentes ?

Pour accompagner notre montée en gamme, nous avons en effet développé toute une stratégie marketing. Cela passe par la beauté des films que nous produisons, par les histoires que nous racontons et aussi par le logo, l'identité de la marque. Nous voulions un logo qui soit indiscutablement fort, respectable, une griffe en somme, à la manière du dessin de Cassandre pour Yves Saint Laurent. C'est l'une des plus grosses agences de design au monde, Landor, qui a travaillé sur le logo en liaison étroite avec notre bureau de design interne. Nous utilisons régulièrement le logo en marketing au travers des activations, des publicités...

En presse aussi en double page sur la page de gauche, nous mettons en avant uniquement notre logo. Nous sommes dans les codes de l'industrie du luxe, avec un logo parfois "oversize".

Il véhicule des valeurs de modernité, de robustesse, d'humanité. Si vous regardez bien, il s'agit de deux formes qui s'embrassent. Parallèlement, nous avons voulu casser les codes traditionnels de l'identité visuelle. Notre logo se décline dans toutes les couleurs. Il est bleu, blanc, rouge, le 14 juillet. Il est rose, pour "Octobre Rose". Il est de la couleur de l'arc-en-ciel... Il vit avec la société.

Outre le logo, comment accompagnez-vous votre montée en gamme ?

Nous travaillons l'architecture de nos points de vente. Quand vous vendez des voitures entre 40 et 60 000 euros, électriques, très souvent vous parlez à des urbains, des quartiers privilégiés. Et il n'y a plus de concessions automobiles dans le 16e, à Neuilly, dans le 17e, ou à Levallois par exemple. Nous sommes donc en train de repenser complètement notre stratégie de distribution pour nous réimplanter dans ces quartiers. Mais pas comme auparavant. Via des boutiques, de petite taille, expérientielles en exposant quelques voitures, avec un restaurant, un bar ou une boutique de produits dérivés... Le premier de ces concepts-stores a ouvert ses portes en février, sur le bas de l'avenue des Champs Elysée, à Paris ; d'autres sont prévus.

Quels leviers de communication activez-vous principalement ?

Le sponsoring est très intéressant. Quand je suis arrivé il y avait une trentaine d'opérations de sponsoring que nous avons rationalisées pour ne garder que des événements qui servent notre mission de marketing. Par exemple Roland Garros, le sponsoring de l'équipe de France de rugby, de la Fédération française de judo. Et puis évidemment la Formule 1.



Quid des campagnes presse, TV, radio, réseaux sociaux ?

Nous avons réhabilité la télévision, mais dans des formats longs. Nous ne faisons pas de promotion mais nous racontons des histoires. Nous sommes forts en radio, en presse. Il n'y avait plus de presse chez Renault il y a trois ans quand j'ai pris mes fonctions. Nous avons changé cela mais en intégrant des doubles pages, format d'excellence, en première partie de magazine avec un choix très précis et ciblé de presse : l'économie, l'automobile, la presse féminine, décoration et cuisine, haut de gamme.

Nous sommes également présents sur les réseaux sociaux avec Facebook, Instagram, LinkedIn, Twitter, YouTube et Pinterest. L'année dernière, nous sommes rentrés sur TIK TOK avec un seul compte mondial géré, depuis Paris. Le compte TIK TOK de Renault lancé en juin 2022 est déjà suivi par 640.1K abonnés et compte 3.4M j'aime (en juillet 2023, NDLR). Nous dépassons Ford au niveau mondial alors que nous ne sommes pas aux USA ! Les réseaux sociaux sont un laboratoire, ils nous permettent de toucher des gens plus jeunes et de nous positionner comme une marque innovante, décalée et populaire, toujours prête à s'engager sur les nouveaux territoires qui dessinent la culture d'aujourd'hui et de demain

Dans la conjoncture actuelle, privilégiez-vous des médias "roistes" ?

Depuis trois ans, j'ai baissé les budgets marketing monde de Renault de l'ordre de 40 % pour contribuer à baisser le point mort de l'entreprise. C'était nécessaire après la crise Covid, et nous nous attachons à dépenser moins, mais mieux. Bien sûr, nous sommes très vigilants sur l'efficacité des médias. Mais nous sommes prêts à sacrifier des médias dits très efficaces, si nous jugeons qu'ils peuvent détériorer notre image.

J'utilise encore souvent des médias traditionnels, comme la télévision, mais pour proposer à l'audience des formats en 45 secondes, 60 secondes, voire 120 secondes. Et à 20 heures, juste avant le JT, exactement comme peuvent le faire des marques de luxe, en répétition. Je suis très regardant sur les formats et le contexte programme.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Je travaille dans l'automobile depuis quasiment 33 ans. J'ai passé presque 10 ans chez Renault entre 1989 et 1999. Ensuite, j'ai intégré le marketing du groupe Volkswagen chez Skoda pendant un peu plus de 4 ans. J'y ai été chef de produit, chef de gamme puis directeur marketing. À la suite de cette expérience, je suis parti 11 ans dans le groupe Fiat en France et en Chine comme directeur marketing. Ensuite, je suis revenu en France où j'ai été nommé directeur marketing et communication monde de Citroën pendant 5 ans et demi. Il y a 3 ans, je suis revenu chez Renault où j'ai été nommé directeur marketing monde de la marque Renault. En plus de ce périmètre, depuis quelques mois, j'ai également pris une fonction transverse de "chief branding officer all brands" chez Renault. J'ai dans ces nouvelles fonctions un rôle de mentoring, transverse et d'accompagnement.

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