Comment soigner son personal branding?
Vous avez beau scroller des heures sur LinkedIn, parfaire votre CV en ligne et instagramer vos déjeuners d'affaires, aucun chasseur de tête ne s'intéresse à vous ? Essayez le personal branding. Voici notre petit guide de l'auto-promo 2.0.
Je m'abonne"Bon débarras, pourriture d'islamiste !" Le 19 février 2019, à 15 h 02, le directeur marketing du géant des cosmétiques Nocibé flingue 17 années de carrière en 38 signes sur Twitter. Le réseau s'enflamme. Nocibé, ainsi que Casino, son ancien employeur, sont sommés de s'expliquer. Certains internautes appellent même au boycott des deux enseignes. Dans leur esprit, Alain Bizeul = Nocibé. Bizeul est devenu une marque, au même titre que Benalla(TM) (marque déposée à l'INPI par une avocate parisienne au coeur de l'été 2018).
Gros craquage du directeur marketing de Nocibé, Alain BIZEUL
- Fallait Pas Supprimer ?? (@FallaitPasSuppr) 25 février 2019
Suivi d'un changement de "@" @ALAINBIZEUL ?? @ALAIN_BESTOF
Tweet supprimé ?? pic.twitter.com/J4vrHhvtt2
"Le personal branding est bien plus qu'un nom sexy pour parler d'e-réputation, explique Fadhila Brahimi, coach en personal branding et fondatrice de l'agence FB-Associés. C'est plus que de l'inbound marketing appliqué à sa carrière : c'est une manière d'être au quotidien, en ligne et dans la réalité." Le personal branding, ou marketing "de soi-même", serait donc l'art de rendre son CV vivant. "C'est tout simplement l'idée claire, forte et positive qui vient immédiatement à l'esprit des gens quand ils pensent à vous", résume Peter Montoya, pionnier du personal branding avec son livre The Brand Called You (2003). Une manière de gagner en visibilité, crédibilité et attractivité.
Cependant, précise Fadhila Brahimi, "il ne faut pas confondre marque personnelle et commerce de soi-même. L'idée n'est pas de se vendre comme un simple produit... Mais de se construire une bonne réputation, de valoriser ses talents et d'accélérer sa carrière". La coach confirme qu'en France, ce type de stratégie reste "mal vu". Tabou, le personal branding ? Effectivement, nous avons eu beaucoup de mal à obtenir le témoignage de cadres du secteur du marketing. Et ceux qui ont accepté de nous parler l'ont fait sous le couvert de l'anonymat. C'est le cas de Xavier, créatif dans une agence de publicité : "J'ai été licencié à 47 ans. J'ai dû me mettre à mon compte pour retrouver du travail." Mais pour convaincre les entreprises de lui confier leurs projets, plutôt qu'à "un startuper de 25 piges", il fait appel au personal branding afin de "retravailler son look autant que son CV ou son profil Facebook". Pour Xavier, "c'est un peu comme les implants capillaires : ça se voit, mais on n'en parle pas".
L'émergence du personal branding est une réponse aux évolutions du marché du travail et des méthodes de recrutement. "De plus en plus de DRH ont comme premier réflexe de googliser les candidats", confie Delphine Barrel, experte en matière de digital sourcing dans le secteur RH. Il semble ainsi indispensable de se construire une réputation numérique... notamment lorsque l'on travaille dans les secteurs de la com' ou du marketing. Laurent, jeune responsable du marketing digital dans le secteur de l'automobile - et autodidacte en matière de personal branding -, l'affirme : "Un employeur se dira toujours : s'il est capable de faire tout cela pour lui, il sera capable de le faire pour ma marque." Qu'entend-il par "tout cela" ? Des vidéos, des campagnes d'e-mails sur LinkedIn, un beau site web ou un compte Snapchat "qui cartonne".
Une marque pour se faire (re)marquer
Avant de vous lancer dans la construction de votre "vitrine numérique" (site, blogs, réseaux sociaux ... ), commencez par vous soumettre aux questions de base que vous poseriez à une marque : quelle est votre valeur ajoutée (ici, votre expertise, votre spécialité) ? Comment êtes-vous perçu ? Inspirez-vous aussi de la fameuse matrice SWOT (forces, faiblesses, opportunités, menaces).
Puis, désignez votre cible ou votre objectif. "J'ai procédé comme pour un business plan, nous raconte Xavier, le créatif quadragénaire. Mon objectif était de me faire connaître dans le milieu de la pub à Marseille et à Aix-en-Provence." Avec son coach, ils ont dressé une liste des thèmes à aborder sur LinkedIn, des personnes influentes à atteindre via Twitter, mais aussi des réseaux où "grenouiller" (clubs de gym, restaurants ... ) ou du style vestimentaire à adopter pour se fondre dans la masse. "C'était un peu comme si je me présentais à la mairie !"
Attention, le personal branding n'est pas un relooking gadget, mais un véritable deuxième métier à prendre au sérieux. Les spécialistes recommandent d'investir dans un portrait photo professionnel pour ses images de profils en ligne. "Nous pouvons trouver ça excessif, confie Laurent, notre jeune témoin. Mais toute entreprise a un logo. Et ici, votre logo, c'est votre photo."
De même, n'hésitez pas à réserver un nom de domaine personnalisé, ainsi qu'une adresse e-mail en prenom@nom.com. "Envoyer des CV pour un poste de community manager avec une adresse e-mail en gmail ou hotmail, ça ne fait pas très pro", atteste le trentenaire. Quant à votre site, choisissez un thème de blog chic et responsive (qui ne bugge pas sur smartphone). Voici le genre de conseils pratiques que vous trouverez dans les livres et sur les blogs qui traitent de personal branding. Une fois ces fondations posées, il ne vous reste plus qu'à formuler votre pitch et à construire le scénario qui le mettra en scène, autrement dit votre storytelling.
Il était une fois...
Lorsqu'il s'agit de raconter son histoire, chacun doit choisir son style. Pourquoi Geneviève de Fontenay est-elle toujours coiffée du même chapeau ? Pourquoi Mark Zuckerberg porte-t-il toujours le même T-shirt et Jean-Luc Mélenchon la même cravate rouge ? Parce que ces éléments constituent le packaging de leur marque personnelle. Vous devez maintenir une image "cohérente et constante dans toutes vos apparitions et dans toutes vos communications, en ligne ou offline [dans la réalité, NDLR]. C'est cela, l'image de marque !", assure la coacheuse Caz Gaddis, dont le podcast intitulé "I am Selfcrafted" est très apprécié des "millennial moms" américaines.
Selon que vous soyez discret(e) ou flamboyant(e), femme/homme de terrain ou de dossiers, vous ne ferez pas appel aux mêmes méthodes, ni aux mêmes outils. Il est donc fortement recommandé de vous choisir une ligne éditoriale et un style (vestimentaire, comportemental... ) qui correspondent à vos principaux traits de personnalité. "N'ayez pas honte de ce que vous êtes !, conseille le neuroscientifique et conférencier David Lefrançois dans une de ses "capsules vidéo". Parlez autant de vos qualités que de vos défauts, de vos échecs que de vos réussites." Concrètement, un professionnel du marketing pourra s'inspirer des trois profils-types suivants : le/la prof, l'influenceur, la femme/l'homme de l'ombre (voir notre encadré, ci-dessous).
Place à l'authenticité
"Just be you !" ("Soyez simplement vous !"), lance Chris Ducker, auteur du best-seller Youpreneur ( Éd. 4C Press, 2018), pour conclure ses conférences. Toute la difficulté de l'exercice du storytelling est de rester soi-même, malgré la stratégie... et de ne pas finir accro à son propre succès. "Il existe une inflation des ego liée au personal branding assez exceptionnelle !", constate Gabriel Dabi-Schwebel, fondateur de l'agence de Web marketing 1min30. Veillez donc à ne pas prendre la grosse tête après un tweet massivement liké ou un post qui fait le buzz.
"Le personal branding est un marathon. Il exige de la discipline et de la méthode", rappelle Dabi-Schwebel, qui ne semble pas vraiment croire en la méthode de Joachim Son-Forget, député devenu célèbre en 48 heures grâce à des tweets délirants. Devenir entrepreneur de soi-même exige d'être à la fois directeur des relations publiques de sa marque et rédacteur en chef de son propre média... tout en bossant pour son "véritable" métier. Une double vie qui peut vite mener au burn-out. "Allez à l'essentiel et persévérez. Ce qui sépare un entrepreneur à succès des autres, c'est la persévérance", disait Steve Jobs, peut-être le seul p-dg devenu une marque plus puissante que celle de son entreprise.
Le Prof
Il publie sur son blog de longues tribunes d'opinion pour dévoiler ses convictions, donne des cours et valorise les travaux de ses élèves sur les réseaux sociaux. Il est sollicité par la presse pour répondre à des questions dans son domaine d'expertise.
Vos modèles
Michel-Édouard Leclerc, p-dg des supermarchés éponymes, ou Philippe Moreau-Chevrolet, de l'agence de com' MCBG.
L'influenceur
Véritable insider, il impose son expertise au travers de tweets à forte valeur ajoutée, quasi prophétiques, et d'articles hautement qualitatifs, publiés sur les plateformes de blogging Médium ou Linkedin Pulse.
Vos modèles
Neil Patel, roi du marketing digital, à 33 ans, avec sa start-up KISSmetrics, ou Éric Fotorino, homme de médias et fondateur de l'hebdo Le 1.
L'homme de l'ombre
La discrétion est sa marque de fabrique. Ses prises de parole sont volontairement rares. Mais quand il ou elle prend la plume, c'est pour "envoyer du lourd" et focaliser l'attention du public.
Vos modèles
Mark Zuckerberg, CEO de Facebook, ou Emmanuel Macron, président de la République française, alias "Jupiter".