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[Chronique] Un marketeur doit-il apprendre à partager ?

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[Chronique] Un marketeur doit-il apprendre à partager ?

Comme chaque mois, Hervé Kabla (agence Be Angels) décrypte un comportement marketing. Aujourd'hui, cap sur le phénomène qui bouleverse les marchés, la "sharing economy".

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Vous aimiez le capitalisme et le libre-échange ? Vous allez adorer l'économie du partage !

La " sharing economy ", dont le concept est apparu il y a quelques années dans la Silicon Valley, est en train de débarquer dans tous les compartiments de notre petite vie bien pépère. Voiture, appartement, cave, tout ce que nous possédons peut, un jour ou l'autre, devenir une source de profit, à condition qu'on accepte de le mettre en location et d'en faire bénéficier les quelques millions d'internautes qui nous entourent, et qui ne demandent qu'à en profiter.

Comment un tel concept est-il apparu, et qu'est-ce que cela va modifier dans l'univers des marketeurs ? C'est ce que je vous propose de voir ensemble.

L'homme est un animal social, et très tôt, nous apprenons à partager nos biens, ou à les prêter à nos proches, certains y parvenant même mieux que leurs congénères. Mais nous nous limitons au partage avec des individus que nous connaissons, par confiance plus que par habitude, d'ailleurs. Avec les autres, jusqu'à il y a peu, nous n'aurions jamais envisagé partager quoi que ce soit : à chacun son bien, qu'importe si nous ne l'utilisions que quelques heures par semaine.

Pourquoi tant de partages?

Mais plusieurs événements sont venus perturber cet équilibre. La crise économique qui dure depuis l'automne 2008, et qui a plongé nos économies dans une phase de récession dont elles semblent avoir du mal à émerger, d'abord. Les classes moyennes ont été les plus durement touchées, et la lente dépréciation de leur pouvoir d'achat a sonné la fin de la récréation consumériste. À quoi cela nous sert-il de posséder des biens dont nous ne tirons qu'une faible utilité ? Ne pourrions-nous pas les " monétiser " et réduire le coût induit par leur possession, un peu comme une famille qui loue sa résidence secondaire pour améliorer les fins de mois ?

L'internet et le mobile ont également eu un impact. Il est très facile de créer un site qui recense tous les propriétaires d'un bien quelconque, une voiture ou une chambre, et qui sont prêts à le mettre à louer pour une période donnée. Ajoutez à cela la géolocalisation que permet le GPS embarqué dans nos téléphones mobiles, et on dispose alors de systèmes qui permettent simplement et rapidement de repérer les meilleures offres alentour. Au lieu de prêter un bien à ses proches, on peut désormais le prêter à des centaines d'individus, et donc obtenir une bien meilleure rentabilité.

Le troisième déclencheur de la " sharing economy ", c'est le développement du web social, et de la dimension personnelle qu'il comporte. Grâce à Google, Facebook, LinkedIn et consorts, nous ne sommes plus tout à fait des inconnus les uns vis-à-vis des autres. Un étranger veut rouler avec votre voiture pendant que vous ne l'utilisez pas, ou utiliser votre parking pendant que vous êtes au bureau ? Pas de problème, une petite recherche sur Google, et vous tombez sur son profil. Deux ou trois vérifications de rigueur, et vous êtes confortés dans l'idée que vous pouvez lui faire confiance. Mieux, la plupart de ces plateformes de partage intègrent un système de notation à base de points ou d'étoiles, qui permet de vérifier le sérieux de la personne concernée.

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Une formule gagnante

Crise économique, internet mobile, réseaux sociaux, tel est le cocktail détonnant qui a permis l'essor fulgurant de plateformes comme Uber, Airbnb, Cookening ou Blablacar. Et le succès est au rendez-vous. Blablacar revendique déjà plus de 10 millions de membres, et son modèle commence à menacer des acteurs établis depuis belle lurette dans le transport de passagers. Valorisé 13 milliards de dollars, Airbnb compte 6 millions d'inscrits dans 192 pays, et totalisait plus de 30 000 séjours en France en 2013, un an seulement après l'ouverture de son bureau à Paris.

Il faut bien reconnaître que les revenus substantiels qu'on peut tirer de la monétisation et du partage de ses biens, en permettant à chacun de se transformer en petite entreprise, viennent à point nommé pour de nombreuses catégories d'individus, à commencer par les jeunes adultes. En outre, les techniques de paiement proposées permettent de renforcer la relation de confiance : aucune somme d'argent ne transite directement, les plateformes de partage servent d'intermédiaire - une simple carte bleue suffit - et se rémunèrent au passage.

Un marketing disruptif

Un tel succès fait bien évidemment grincer des dents, à commencer du côté des acteurs traditionnels des secteurs dans lesquels ces sociétés sont venues pointer le bout du nez.

En termes de capitalisation, Airbnb a déjà dépassé des entreprises comme Wyndham ou Hyatt ; Uber se voit contester dans de nombreux pays par les sociétés de taxi ou de VTC déjà installées. Les entreprises de la " sharing economy " sont attaquées, principalement, sur le non-respect de règles parfois explicites, parfois implicites, qui régissent le commerce local : un particulier qui met sa chambre en location sur Airbnb doit-il déclarer une activité hôtelière ? Tel autre qui conduit ses congénères d'un endroit à l'autre de la capitale est-il un taxi clandestin ?

Nul doute que la lutte entre les acteurs historiques et les nouveaux entrants de la " sharing economy " dureront encore quelques années. Mais à moyen terme, on voit mal au nom de quel droit on interdirait à un particulier de prêter, ou de louer, les biens qu'il a honnêtement acquis, et dont il ne profite pas suffisamment. L'univers du transport a servi de laboratoire pour de telles expériences, mais qui sait quels secteurs pourraient bientôt être eux aussi concernés ? Les biens culturels ? La restauration ? Les loisirs ? Le sport ?

Le marketeur qui évolue auprès d'un acteur de l'économie traditionnel ferait bien de s'intéresser à la révolution en cours, pour évaluer les menaces latentes, et peut-être même pour imaginer le système concurrent, basé sur l'économie du partage, qui viendra bousculer l'ordre établi et offrir à ses clients existants une alternative économique intéressante. Avant que votre concurrent ne s'en charge lui-même...

Retrouvez les chroniques déjà publiées :
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Un marketeur doit-il se mettre au Big Data?

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L'auteur : Hervé Kabla dirige Be Angels, agence digitale spécialiste des médias sociaux, et a co-fondé une association qui rassemble les professionnels des médias sociaux et du digital en entreprise. Il accompagne des entreprises B2B et B2C dans l'élaboration et la mise en oeuvre de leur stratégie marketing sur les médias sociaux. Il est également co-auteur de "La communication digitale expliquée à mon boss", paru aux Éditions Kawa.


 
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